Pourquoi le CDH ne peut pas se passer d’Ecolo et de Défi

C’est un coup de poker (de maître ? de pu**, selon certains mandataires PS ?) du CDH et un saut dans l’inconnu pour les Wallons et les Bruxellois. Avec quels nouveaux gouvernements vont-ils se réveiller dans les jours, ou les semaines à venir ? Quels sont les scénarios possibles, tant techniquement, que mathématiquement, et, surtout, politiquement, dès le moment où le PS serait définitivement exclu tant au parlement wallon, qu’à Bruxelles et à la Fédération Wallonie-Bruxelles ? [scald=3298011:sdl_editor_representation] 1 Techniquement. Commençons par le volet « juridique ». Contrairement à ce que certains citoyens ont pu penser, il n’est pas question de les appeler aux urnes de façon anticipée. Le droit de dissolution d’une assemblée n’existe en effet qu’au fédéral, pas au niveau régional et/ou communautaire. Une seule option donc, pour renverser un exécutif, former une majorité de substitution. Théoriquement, pour pouvoir dégager une telle majorité, il faudrait d’abord déposer une motion de méfiance. Ce mécanisme permet à une assemblée de renverser un exécutif sans provoquer d’élections anticipées. Cette motion de méfiance doit présenter un successeur à l’exécutif. L’assemblée qui souhaite renverser ou remanier l’exécutif doit donc en amont trouver un accord sur une nouvelle équipe. La motion doit être soumise au vote de l’assemblée. Et ce vote ne peut intervenir qu’après un délai de 48 heures suivant le dépôt de la motion. En cas d’adoption, la démission de l’exécutif ou de ses membres visés est automatique, de même qu’est automatique l’installation d’un nouvel exécutif. Ça, c’est pour la théorie. Dans la pratique, le constitutionnaliste Christian Behrendt (ULg) juge une démission des différents gouvernements nettement plus probable que la motion de méfiance. « Le CDH va recevoir les différents interlocuteurs possibles. Il faudra négocier de nouveaux accords de gouvernement, sur des questions comme les politiques économique, fiscale, environnementale. Cela va prendre des semaines ! Je pense sincèrement que les démissions spontanées des différents exécutifs tomberont avant. Imagine-t-on un instant les ministres CDH travailler le matin au gouvernement avec les socialistes et négocier l’après-midi une autre majorité ? Cela me semble hautement artificiel, et intenable. » En cas de démission collective, par une déclaration du ministre-président de chaque gouvernement, ces derniers fonctionneraient donc en affaires courantes jusqu’à la mise en place des nouveaux exécutifs. [scald=3298010:sdl_editor_representation] 2 Mathématiquement. Du point de vue arithmétique, dans tous les cas, la sortie effective du PS de tous les gouvernements rend le Mouvement réformateur indispensable dans chacun de ceux-ci. Le cas de figure le plus simple, a priori, est celui du parlement wallon : la réunion des centristes et des libéraux suffirait en effet à obtenir une majorité, a minima cependant, puisque cette nouvelle coalition remplirait tout juste les 38 sièges nécessaires (sur une assemblée de 75 députés). La présence des écologistes assurerait donc une majorité plus confortable… Au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles par contre, une « orange-bleue » ne suffirait pas. Les écologistes et/ou des députés Défi devraient accepter de monter à bord pour obtenir une majorité fixée à 48 sièges. Les majorités possibles iraient donc d’un petit 49 sièges (avec Défi uniquement) à une plus confortable à 52 (Ecolo seul), voire 55 sièges (avec les deux « petits » partis en soutien). Enfin, le cas bruxellois se complique encore. Sur les 89 sièges de l’assemblée, il faut compter 45 députés, mais aussi une majorité dans les deux groupes linguistiques, francophone (36 sièges sur 72) et néerlandophone (9 sièges sur 17). Partant du principe que les partenaires flamands ne changent pas (CD&V, Open VLD et SP.A) – même si cet élément est à confirmer dans les jours à venir, notamment selon la position des socialistes flamands… – le parti Défi serait, cette fois, indispensable. Les humanistes et les libéraux pourraient monter avec Défi seul ou avec Défi et Ecolo (mais pas Ecolo seul). Avec le risque cependant que le parti vert exige d’intégrer également son parti frère flamand, Groen… Au vu des réactions peu enthousiastes – c’est un euphémisme – des partis Défi et Ecolo, pris de court, certains refusaient encore en milieu de journée d’enterrer trop vite les socialistes bruxellois. Et de se risquer à voir les arroseurs humanistes arrosés : le PS se maintenant au pouvoir, appuyé par les deux « petits » partis, et reléguant le CDH dans l’opposition. Un scénario qui semble très peu probable. [scald=3298009:sdl_editor_representation] 3 Politiquement. Mais au-delà des projections strictement arithmétiques, c’est évidemment politiquement que tout se joue. Une seule certitude actuellement : le parti d’Olivier Chastel devrait monter dans l’aventure aux côtés des centristes. Les libéraux devraient néanmoins y mettre leurs conditions, à savoir des actions concrètes en matière de bonne gouvernance, une réduction importante des structures publiques – déjà annoncée comme un objectif central par Benoît Lutgen – et certains dossiers économiques. Les deux partis décisifs sont donc Ecolo et Défi. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils se sont tous les deux montrés plutôt réservés, n’hésitant pas à critiquer vivement la manœuvre du CDH (lire p.3). « Le partenaire incontournable est bien le MR, détaille Pierre Vercauteren, politologue à l’UCL-Mons. Mais ensuite, on pourrait se retrouver avec des majorités à géométrie variable en fonction des assemblées. Si les Écolos montent côté wallon, ils pourraient exiger de monter à Bruxelles également, et ce avec leurs partenaires flamands… Quant à Défi, le MR reste tout de même son principal rival à Bruxelles… Il va falloir tenir compte de tout cela. » Le nerf de la guerre ? Les programmes. « Défi et Ecolo n’étaient pas demandeurs de ce changement, poursuit Pierre Vercauteren. Ils vont donc arriver avec des exigences très élevées. D’autant plus qu’il ne reste que deux années, dont une seule réellement utilisable politiquement avant l’entrée en campagne. Nous arrivons en période de cadeaux. En début de législature, on attaque généralement les mesures les moins populaires, les plus difficiles, tandis qu’on garde les cadeaux électoralistes pour la fin. Or, trouver des convergences entre des partis comme Ecolo et le MR s’annonce compliqué… » Les verts et les amarantes ont évidemment laissé la porte ouverte aux négociations, tout en se faisant désirer. Une chose est certaine : la transparence et l’éthique constitueront des conditions sine qua non pour former de nouveaux gouvernements avec ces deux partis. [scald=3298012:sdl_editor_representation]

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