Benelux-Visegrad, la tentative de détente Est-Ouest

Varsovie Benelux-Visegrad : « La France et l’Allemagne doivent-elles avoir peur de vous ? », demandait aux sept Premiers ministres un journaliste, lors de la conférence de presse ayant clôturé la rencontre des sept pays à Varsovie ? « Non », répondait le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, habillant sa réponse d’un développement très consensuel. Pour l’instant du moins, « le Benelux et les quatre de Visegrad sont deux groupes d’États membres qui ont spontanément des désaccords sur les sujets européens », expliquait Charles Michel. Pourquoi cette rencontre, qui précède de deux jours une rencontre similaire que le Benelux aura à la Haye avec les pays baltes ? La proposition en avait été lancée par les trois dirigeants du Benelux en mars dernier, au lendemain d’une partie houleuse du Conseil européen qui avait renouvelé, à 27 voix contre celle de la Pologne, le mandat du Polonais Donald Tusk à sa présidence. Les sujets de désaccords sont nombreux – politique migratoire, Etat de droit et « dumping social » – mais les 27 ont actuellement chevillée au corps la conviction qu’il est vital pour l’UE de rester unie dans un contexte brexitien mâtiné de trumpisme. D’où la volonté de sortir du seul carcan des lourds sommets européens, pour avoir une discussion franche entre petits ou moyens pays. De l’avis des sept dirigeants, les discussions « avec beaucoup d’interaction » ont été « intenses, franches, ouvertes et sans tabou », dixit Michel. Même Viktor Orban manifestait une satisfaction qui tranchait presque avec son air ennuyé ou irrité habituel : « L’un des traits qui caractérise le mieux l’Union européenne, c’est sa capacité à être pacifiquement en désaccord sur certains sujets », s’extasiait le Premier ministre hongrois, champion du politiquement incorrect, et qui s’est même dit surpris de découvrir « que nos positions sont parfois beaucoup plus proches que je ne le croyais. » Sans surprise, les trois du Benelux et les quatre de Visegrad ont constaté combien ils étaient en désaccord. Sur la solidarité, terme qui renvoie au partage de l’accueil des réfugiés : « Elle ne peut pas être flexible, a tonné le Luxembourgeois Xavier Bettel : si chacun se met à donner sa définition, ce n’est plus gérable ! Et l’État de droit, pour les minorités, les associations ou les journalistes, est dans l’ADN de l’UE ! » Face à quoi Orban maintenait sa ligne : « Je ne sais comment on vit au Luxembourg, mais chez nous, on veut conserver notre identité nationale, qui passe au-dessus de tout. » Mais sur la sécurité, la défense, mais aussi l’importance du marché intérieur, « l’entente est totale », confiait ensuite le Premier ministre belge. De même, chose beaucoup plus intéressante, « sur la méthode communautaire , où comme le Benelux, les V4 comprennent que tous les pays, petits comme grands, ont leur mot à dire », alors que dans le système intergouvernemental, les grands pays ont plus de poids, expliquait encore en substance Charles Michel. Les deux groupes ont convenu, pour commencer, de communiquer plus directement et plus franchement lors de la préparation des Conseils européens, où se prennent aujourd’hui les grandes orientations de l’UE. Les sept se retrouveront une nouvelle fois d’ici la fin de l’année. Et si cela s’avère productif, il est possible qu’ils établissent une régularité d’une à deux rencontres par an. Sans exclure qu’à terme, cette relation « franche et directe » avec le bloc V4 permette « par de petits jeux de mouvement », de faciliter la négociation de gros dossiers européens. Ou comment le Benelux, sans mettre en question sa proximité naturelle et historique avec la France, l’Allemagne ou l’Italie, se place comme interface utile et peu menaçante avec la « nouvelle Europe ».

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