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Jaouad Achab, l’élève modèle du taekwondo et du sport noir-jaune-rouge

Temps de lecture: 5 min

Dans le salon de l’appartement familial, situé à quelques centaines de mètres de la basilique de Koekelberg, la médaille d’or remportée il y a un mois aux Mondiaux de Tcheliabinsk et la coupe qui va avec trônent ostensiblement sur un guéridon, entre quelques autres trophées. En les regardant, Jaouad Achab ressent une fierté légitime. « J’ai travaillé dur mais j’ai été récompensé ! », dit-il en sirotant son thé à la menthe. Dans un coin de la pièce, son plus jeune frère, Badr, boit ses paroles comme du petit-lait. « Dans quelques années, c’est lui que vous viendrez interviewer !, poursuit-il. Il est encore plus fort que moi ! »

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Jaouad Achab profite d’un dernier week-end de repos, chez lui, avant les Jeux européens, son prochain gros objectif. Il sait qu’il y sera l’un des leaders de l’équipe belge, celui sur lequel on comptera sans doute le plus pour décrocher l’or vu sa forme du moment, mais le taekwondoka d’origine marocaine assume son nouveau statut de « vedette » de son sport sans trembler. « J’irai pour gagner, assure-t-il. Comme j’irai ensuite pour gagner à l’Universiade, aux manches du Grand Prix et aux Jeux olympiques de Rio ! »

Sa détermination est à la mesure du chemin qu’il a parcouru pour être là où il est aujourd’hui. Un chemin parsemé d’embûches que lui, le natif de Tanger, arrivé en Belgique en 2009, a implacablement effacées l’une après l’autre.

« J’ai débarqué à Bruxelles dans le cadre d’un regroupement familial, raconte-t-il. Mon père, qui est chauffeur de bus, était arrivé avant moi avec mon frère et ma sœur aînés. J’avais 17 ans, je ne parlais que l’arabe et je n’avais pas de papier pour justifier l’équivalence de mon diplôme marocain. Du coup quand on a voulu m’inscrire à l’école secondaire, où j’aurais dû rentrer en dernière année, on ne m’a pas laissé le choix et on m’a rétrogradé de quatre ans aux Arts et Métiers, en section mécanique, alors que je n’avais aucun intérêt pour cette matière. “Tu t’habitueras”, m’a-t-on dit. J’allais avoir 18 ans et je me retrouvais avec des gamins de 13 ans qui se moquaient de moi quand j’essayais de parler… Cela a été horrible. Heureusement, l’année suivante, j’ai pu intégrer une autre école à Anderlecht, en technique sociale et animation. Et j’ai vite progressé en français. »

Entre-temps, Jaouad Achab avait également trouvé un club de taekwondo, le Brussels Taekwondo Team, à Saint-Josse, qui voulait bien l’héberger gratuitement. Il avait un niveau plus qu’intéressant après avoir débuté dans cette discipline… à 3 ans. « Ma mère a toujours insisté pour que nous fassions un sport de combat. Plus jeune, elle habitait à côté d’un club d’arts martiaux et était allée épier plusieurs fois les cours de taekwondo. Elle aurait bien voulu en faire mais n’en a jamais eu l’occasion. C’est elle qui m’y a inscrit, comme elle l’a fait pour mes deux frères et ma sœur, et cela m’a tout de suite plu. »

Lors d’un championnat de Belgique open qu’il dispute sous ses nouvelles couleurs, il est repéré par Laurence Rase, la responsable du haut niveau de la Fédération flamande. Séduite par son talent et son énergie, elle parvient à le convaincre de changer d’aile linguistique et de rejoindre son centre d’entraînement, à Wilrijk, initialement pour jouer les sparring-partners pour ses meilleurs éléments. « Je savais qu’en aidant les autres, j’apprendrais aussi, affirme-t-il. En fait, j’ai profité du moment. »

Au contact des meilleurs et avec des entraînements bien structurés sous la direction du coach Karim Dighou, Jaouad Achab, dont les points forts sont la souplesse et la rapidité, progresse effectivement à vue d’œil même si ses journées sont loin d’être reposantes puisqu’il fait la navette entre Bruxelles et Anvers quatre fois par semaine une fois ses cours terminés. « Je rentrais rarement chez moi avant minuit, je ne parvenais plus à récupérer. »

A l’aube de la rentrée 2012-2013, alors que sa carrière est clairement à un tournant, Laurence Rase lui propose de venir s’établir à Wilrijk et de poursuivre ses études d’éducateur sportif… en néerlandais à la Topsportschool dirigée par l’ancien arbitre Frans Van den Wijngaert. « Pour moi, ce n’était pas possible. Suivre des cours en néerlandais alors que je commençais à peine à maîtriser le français, je ne voulais pas. C’est comme si on me demandait d’étudier le japonais après avoir appris le chinois ! Mais Laurence a insisté, et avec elle, les profs de l’école, qui, lors d’une réunion, m’ont dit que, si je n’y arrivais pas, ce serait de leur faute, pas de la mienne. J’ai fini par céder et, à coups de cours particuliers, que je suivais notamment pendant les cours de français, je suis parvenu à apprendre le néerlandais… et l’anglais. Moi qui ne parlais qu’une langue en arrivant en Belgique, en 2009, j’en parle désormais quatre ! Et à l’école, c’est moi qui ai les meilleures notes ! »

Naturalisé belge en avril 2013, il s’est également rapidement élevé au rang d’élève modèle en équipe nationale de taekwondo. Encore sorti en huitièmes de finale, dans sa catégorie des moins de 63 kg, aux Mondiaux 2013 pour sa première sélection noir-jaune-rouge, il est ensuite devenu champion d’Europe en 2014 et, donc, champion du monde en 2015. Sans compter ses multiples breloques dans d’autres tournois internationaux, qui lui ont valu un contrat de la part de la Communauté flamande dont il dépend. Des résultats qui en font d’ores et déjà l’un des candidats les plus sérieux au podium, l’an prochain à Rio.

« Le sport m’aide à survivre, avoue le Bruxellois d’adoption. Mes résultats, c’est comme un diplôme, un plus dans mon CV. C’est mon avenir. La Belgique m’a donné ma chance. Grâce à elle, la porte du succès s’est ouverte devant moi tant à l’école qu’en sport et je m’y suis engouffré. Je ne la remercierai jamais assez. »

 

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