Emplois fictifs: comment la défense de Bayrou a été mise à mal

Depuis Paris François Bayrou, victime de « l’Inquisition ? » De « lettres anonymes » rappelant l’époque de l’Occupation ? L’ancien ministre de la Justice, qui se disait victime d’un climat délétère en quittant mercredi ses fonctions, n’a pas pour autant retrouvé la tranquillité maintenant qu’il s’est replié sur ses bonnes vieilles terres de Pau. Alors qu’il pensait peut-être mettre un terme au mauvais feuilleton des assistants parlementaires du MoDem en livrant sa version des faits au journal Sud-Ouest, sa défense est court-circuitée au même moment par un nouveau coup de théâtre. Le nouveau témoignage qui fait mal a été débusqué par France Info. Et plus particulièrement par cette fameuse cellule d’investigation que François Bayrou accusait justement de « harcèlement ». L’homme a été l’assistant parlementaire d’un député européen entre 2004 et 2009. Il décrit un véritable système qui prévalait au MoDem pour masquer les tours de passe-passe qui consistaient à employer les gens payés par l’UE à d’autres tâches. Certains eurodéputés se plaignaient même de ne pouvoir disposer eux-mêmes de leurs assistants, dit-il. À l’en croire, tout le monde connaissait le caractère illégal du circuit, mais ne pipait mot. Les élus craignaient de perdre leur investiture aux élections suivantes. Le témoin, qui jusqu’ici demeure anonyme mais se dit prêt à livrer sa vérité aux enquêteurs, révèle encore qu’il était demandé aux assistants parlementaires de fournir des « petites notes sommaires » ou des « revues de presse » pour pouvoir justifier d’un pseudo-emploi d’assistant parlementaire en cas de contrôle. « François Bayrou ment », accuse carrément le témoin. [scald=3452031:sdl_editor_representation] Dès 2014, dans son livre « Les mains propres », l’ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage avait déjà exposé la manipulation. Personne à l’époque n’y avait prêté attention. « Ce n’était que quelques lignes dans un livre plus général », dit celle qui a rejoint En Marche. Durant la campagne présidentielle les… fillonnistes, pour détourner l’attention des ennuis de leur propre champion, avaient pourtant su exhumer les bonnes feuilles. Corinne Lepage a été entendue cette semaine par les enquêteurs. « Une mauvaise passe » Au total, une quinzaine d’assistants parlementaires du MoDem sont visés par l’enquête préliminaire. Le système présumé ne prévalait pas seulement pour la période de 2009 à 2012 mais aurait existé déjà sous la précédente mandature, entre 2004 et 2009. Jusqu’alors, François Bayrou niait tout en bloc. Il change désormais sa stratégie de défense. « Dans une période de mauvaise passe comme toutes les formations politiques en ont connu, vous cherchez à recaser un maximum de salariés, des gens de confiance », explique-t-il au journal Sud-Ouest. « Il se trouve que les parlementaires européens recherchaient des assistants locaux. On leur a recommandé ces gens-là ». Mauvaise passe ? Les élections nationales de 2007 avaient été une catastrophe pour le MoDem, qui n’avait pu faire élire que trois députés. Sa dotation publique avait dès lors fondu. À l’inverse de Marielle de Sarnez et de Sylvie Goulard, les deux autres ministres MoDem qui ont quitté le gouvernement, François Bayrou n’était pas lui-même eurodéputé. Mais en tant que président de parti, il ne pouvait pas ignorer la ficelle. D’autant que sa propre assistante aurait ainsi été rétribuée sur des fonds européens. Selon le député Charles de Courson (Nouveau centre), d’autres courants politiques avaient recours au même mécanisme. « Tout le monde savait », dit-il. Le Front national est lui aussi visé par une enquête sur une vingtaine d’assistants parlementaires européens. Alors que Louis Aliot, qui fait son entrée à l’Assemblée nationale française, a refusé de répondre à une convocation des enquêteurs cette semaine, Marine Le Pen a fait savoir quant à elle qu’elle ne se déroberait plus. Elle avait refusé de répondre durant la campagne électorale. Si le départ des trois ministres du MoDem, ainsi que celui de Richard Ferrand, éphémère ministre de la Cohésion des territoires, est vécu comme la première crise du gouvernement Philippe, l’éviction des intéressés est en tout cas bien perçue par l’opinion. Selon un sondage Odoxa, huit Français sur dix approuvent le départ des ministres visés par les affaires. 67 % regrettent cependant que deux d’entre eux (Richard Ferrand et Marielle de Sarnez) soient pressentis pour diriger le groupe parlementaire de leur parti. Six Français sur dix maintiennent leur confiance en Emmanuel Macron pour moraliser la vie publique. [scald=3452032:sdl_editor_representation]

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