La fin de rhéto, ça se fête à l’américaine
La fin de secondaire est un grand moment d’émotion pour les étudiants, les professeurs et les parents.

Pour l’instant, un piano résonne dans la salle des fêtes. Le DJ, un ancien élève, n’arrive que vers 18h30. A l’école Notre-Dame de Basse-Wavre, le thème de la soirée de fin de rhéto sera « le festival de Cannes », « pour pouvoir s’habiller classe ». En attendant, vendredi après-midi, ils sont encore une dizaine, sous l’œil averti de leur éducatrice, à accrocher les ballons et fignoler l’entrée avec le tapis rouge (« Tu veux pas bouger la poubelle, là ? »).
Avec la fin de l’année scolaire, les proclamations et bals s’enchaînent dans les écoles du pays. Si d’année en année, les rhétos se refilent des conseils d’organisation, leurs profs et leurs parents ont bien du mal à se souvenir avoir célébré aussi solennellement leur fin de secondaire. En une génération, les traditions ont bien évolué. « Il y a un effet de mode indéniable, abonde une professeure. Certains de mes collègues y voient d’ailleurs l’influence américaine ». « Ce qui a changé en vingt ans, c’est surtout le décorum et l’apparat », estime quant à elle Sarah Sepulchre, professeure en communication à l’UCL. La chercheuse y voit l’empreinte des séries et de l’imaginaire télévisuel ainsi qu’une manifestation du « besoin de rituel de passage à l’âge adulte ».
Demandeurs
De l’aveu de tous, les élèves sont en effet demandeurs de ces cérémonies. « Ce soir, c’est la dernière fois qu’on va tous se voir », explique Arthur, déjà un peu nostalgique alors qu’il slalome entre les ballons baudruches. La veille, il a assisté à sa proclamation. Où, cette fois, les parents étaient conviés.
Discours du directeur, proclamation des diplômés et petits cadeaux personnalisés. Le tout dans une ambiance très formelle face à un parterre de pères et mères souvent émus. De nombreux profs non plus ne louperaient ce moment pour rien. « Certains élèves nous demandent dans les semaines qui précèdent si on sera là. C’est l’occasion de se redécouvrir autrement que dans une relation prof-élève, se réjouit une enseignante. C’est émouvant, c’est un moment où on partage autre chose que le contenu d’un cours. » Dans plusieurs écoles, comme à Notre-Dame de Basse-Wavre, on anticipe certains résultats la veille. Le but : prévenir les candidats malheureux et éviter les drames, avec toujours l’envie de faire primer l’humain sur le solennel.
Pourtant, tous les établissements ne mettent pas à ce point les petits plats dans les grands. A Bruxelles, la semaine prochaine, plusieurs athénées organiseront certes une cérémonie de proclamation, avec un drink tout au plus. Mais pour le bal de fin d’année, il faudra repasser. Malgré un cérémonial plus sommaire, les élèves se mettent souvent d’eux-mêmes sur leur 31, avec toujours ces mots à la bouche : « Faire comme aux Etats-Unis ». Et certains commencent très tôt. Parfois dès le primaire, où sont bricolés de petits chapeaux à lancer en l’air.
« Une robe à 300 balles, non merci ! »
Depuis un coin de la cour de Notre-Dame de Basse-Wavre, ces petits de primaire-là regardent les grands s’affairer à enlever les plis du tapis rouge. « On s’inspire des soirées américaines, évidemment », admet sans souci Arthur, délégué aux festivités. Les rhétos ont leur « yearbook », on investit parfois jusqu’à plusieurs centaines d’euros pour une robe ou un costume et « chaque année, on a au moins une limousine », explique en levant les yeux au ciel Sophie Jacques, leur éducatrice. A Waterloo, où la commune organise depuis douze ans un bal, on élit aussi le roi et la reine de la soirée. Le jury jugera sur la tenue et l’assortiment des couples. Se parer d’un bracelet avec une petite fleur, à l’américaine toujours, sera évidemment un atout non négligeable.
A peine le temps d’entendre parler du concours (l’élève le plus sportif, le plus souriant et… le plus en retard) que les jeunes organisatrices de l’établissement wavrien se carapatent. « J’ai rendez-vous à 17h, faut que j’y aille. » Direction : le coiffeur. Seule Zoé reste là. « Moi, c’est pas trop mon truc. Je vais me coiffer chez moi, mettre ma robe, et me maquiller un peu plus que d’habitude. Mais acheter une robe à 300 balles, non merci. » Mais la jeune fille avoue d’elle-même être l’exception qui confirme la règle. Johanne Riss, créatrice de mode à Bruxelles, a d’ailleurs suivi la demande en lançant en vente flash une robe spécialement « pour les bals de promo et de fin d’année » à 300 euros. Les garçons Martin, Arthur et Fabio ont acheté leur premier costume. « Les chaussures, c’est horrible, ça fait mal aux orteils ! », constate l’un d’eux, horrifié.
On est donc dans une course à la soirée la plus classe ? « Y’a des bals rhéto hyper connus en Belgique », explique Fabio. Un peu plus tôt dans l’année, il y a « le Maredsous, le Saint-Michel. Ils louent des boîtes de nuit pour faire leur truc. » Ici, les délégués aux festivités ont bien tenté de convaincre Sophie Jacques d’organiser la fête ailleurs que dans la salle des fêtes du collège. « Ils voient ce qui se fait à Martin V, qui loue le château de Moriensart. » Les jeunes gens se défendent pourtant d’entrer dans une forme de concurrence entre écoles. « Madame, la salle, elle est quand même plus classe que l’an dernier ! »
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Le bal a lieu uniquement dans les écoles Saint-Machin des bobos bruxellois ?