Réussir le Pacte d’Excellence nécessite l’adhésion des profs, mais pas seulement!
Une carte blanche collective. Plus d’une centaine de parents, d’acteurs et de travailleurs du secteur de l’enseignement adressent une lettre ouverte Message aux partis et mandataires de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Réformons la gouvernance, mais faisons-le en profondeur, en nous fondant sur les véritables acteurs de terrain et les citoyens. Les membres, quels qu’ils soient, d’un groupe central n’ont pas la légitimité pour valider des réformes au nom de l’ensemble des acteurs de première ligne.
Réformer l’école en profondeur, c’est une nécessité, pour de nombreuses raisons : la rendre compatible avec les évolutions sociétales, favoriser la réussite scolaire, réactiver la fonction d’ascenseur social… Réussir cette réforme n’est pas sorcier : il faut la faire avec les profs, pas contre eux. Mais aussi pour les élèves et avec les parents, avec les directions et tous les partenaires de l’École et de l’Enseignement. Depuis des décennies, de multiples tentatives de réformes scolaires ont été lancées, mais toutes ont échoué́ : les disparités s’accentuent, les échecs restent trop nombreux, l’insatisfaction grandit…
Des réformes contre-productives
Pourtant, sur le terrain, que de créativité́, d’initiatives, de projets innovants, d’équipes qui montrent qu’il est possible de rencontrer les besoins des élèves et de les mener très loin, en leur redonnant confiance, en leur rendant le goût et le plaisir du travail exigeant, la volonté́ de relever des défis ! Réformer l’école, à la base, sur le terrain, c’est possible pour ces équipes pédagogiques qui se retroussent les manches, mais réformer en profondeur le système scolaire, d’en haut, par décret, s’est avéré́ jusqu’à présent contre-productif. Nous le constatons tous : les réformes décrétées d’en haut ne marchent pas. Jamais.
Les penseurs du Pacte pour un enseignement d’excellence semblaient pourtant l’avoir compris. Ils annonçaient haut et fort une gouvernance différente, respectueuse de tous : « Nous allons consulter les acteurs du terrain, les écouter, leur demander de réfléchir ensemble, mettre le politique en retrait pour la conception, en lui laissant prendre les décisions au final sur la base des propositions venant du terrain. »
Pas assez de consensus
Malheureusement, de nombreux pièges se sont glissés dans le processus et ont torpillé les intentions déclarées. Ne citons ici que les deux principales chausse-trappes dans lesquelles sont tombés les concepteurs politiques du Pacte : ils ont laissé́ des instances intermédiaires, trop souvent en décalage avec leur base et donc peu représentatives, s’approprier les discussions au niveau d’une structure administrative ad hoc créée : le Groupe central. Ainsi, des représentants de Pouvoirs Organisateurs trop déconnectés des directions d’établissement, des représentants syndicaux loin des préoccupations pédagogiques des enseignants et des membres de cabinets professionnels préoccupés par leurs petits calculs politiciens se sont-ils approprié ces discussions en visant la prévalence de leurs intérêts particuliers et de leurs positions idéologiques qui sont perceptibles dans les nombreuses contradictions et imprécisions du rapport final (avis nº 3). Par ailleurs, au sein du monde politique qui prend à présent le relais – majorité́ et opposition confondues –, il n’y a pas le large consensus indispensable pour que les conclusions du Pacte puissent s’appliquer dans la durée au-delà̀ d’une législature, impératif d’une réforme efficace.
Dans ces conditions, nous lançons un vibrant appel aux consciences, et formulons des propositions concrètes, pour que l’on revienne aux fondamentaux, de façon à ce que le Pacte ne soit pas la énième réforme inefficace, voire contre-productive.
Un échec annoncé si…
L’enjeu est de taille : sans l’adhésion des profs et des autres partenaires, le Pacte échouera inévitablement tôt ou tard et l’on multipliera le nombre d’enseignants dépités, d’élèves perdus et malheureux, de parents désemparés, sans évoquer les budgets galvaudés. Si au contraire le Pacte s’appuie réellement sur les préoccupations légitimes des enseignants, des directions… et sur leur expérience de terrain, la confiance sera retrouvée à la base et permettra aux équipes pédagogiques d’exploiter toutes les ressources dont elles disposent pour relever les nombreux défis propres à l’enseignement. Quelle belle opportunité́ pour le monde politique : il y a là une occasion unique de montrer la capacité́ de notre système démocratique à dépasser les clivages traditionnels, à donner la priorité́ au long terme, à prendre en compte les grands enjeux et les questions de fond plutôt que les petits calculs politiciens, à montrer au sommet l’exemple d’une nouvelle gouvernance prônée dans les écoles !
Cinq propositions
Dans cet esprit, nos propositions concrètes pour redéfinir les axes prioritaires du Pacte sont les suivantes :
1. Inversion de la méthode. Partons du bas et non du haut ! Plutôt que d’imposer un nouveau modèle rigide à toutes les écoles (comme le tronc commun allongé), identifions et valorisons tout ce qui, selon l’esprit du Pacte, fonctionne déjà̀ bien dans certaines écoles et incitons les autres équipes pédagogiques, non pas à calquer aveuglément ces modèles, mais à s’en inspirer pour initier leurs propres démarches, de manière à dégager les solutions les plus adaptées à la relève de leurs défis.
2. Plus d’autonomie aux équipes pédagogiques. Tout d’abord en allégeant considérablement le travail administratif des directions, particulièrement dans l’enseignement fondamental, ensuite en leur donnant bien plus de liberté́ quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés par le politique. Revoyons également, ou supprimons carrément, un certain nombre de dispositifs législatifs contraignants et de surcroît en contradiction avec les intentions du Pacte, en commençant par le « Décret des titres et fonctions », dont les effets sont catastrophiques. Dans cet esprit, privilégions tout ce qui relève de l’accompagnement et de la dynamisation pédagogiques plutôt que le contrôle normatif. Revoyons enfin, du sommet à la base, les mécanismes de gouvernance, avec la volonté́ de redonner au politique sa fonction de détermination des grands objectifs, tout en le libérant de la fixation des moyens. Pour ce faire, déléguons à une instance spécifique la capacité́ d’assurer la continuité́ de la mise en œuvre de ces objectifs, le respect de la priorité́ qui doit être accordée aux enjeux pédagogiques et la réelle prise en compte des réalités du terrain. Objectif : responsabiliser par l’autonomie et la confiance, seules génératrices de l’engagement et de la créativité́ généralisés des profs, conditions indispensables pour réussir la réforme de l’enseignement.
3. Plus de collaboration. Repensons et adaptons le recrutement et la formation des directions, de façon à augmenter leurs compétences, notamment dans les domaines du leadership partagé, du coaching des enseignants et de la gestion des ressources humaines. Repensons et adaptons également le recrutement et la formation des enseignants pour qu’ils soient non seulement des experts thématiques, mais aussi dans le travail en équipe, la prise en compte des intelligences multiples, la pédagogie par projet, les « savoirs comportementaux » et autres soft skills (ce que les indicateurs Pisa prennent encore insuffisamment en compte). Donnons enfin aux directions les moyens de composer des équipes cohérentes au regard des projets pédagogiques et des réalités du terrain – des équipes dynamiques, ouvertes au travail collaboratif et aux innovations pertinentes. À cet égard, les aménagements du décret « Titres et fonctions » sont nettement insatisfaisants et seule une révision en profondeur permettra de renouer des liens de confiance avec les enseignants et les directions.
4. L’élève au centre. Sur le plan pédagogique, mettons enfin vraiment l’élève au centre, en conciliant l’exigence et la bienveillance ; il ne suffit pas d’adapter le système de certification pour obtenir les résultats statistiques désirés : il s’agit avant tout de stimuler le travail des élèves pour que les résultats statistiques augmentent naturellement. Comment ? En cultivant la relation de confiance dans le triangle « école-parent-enfant », qui permet à son tour à l’enfant d’avoir confiance en lui, lui donne le goût de l’effort et le responsabilise dans sa capacité́ à relever des défis. Dans le même esprit, donnons aux directions et aux enseignants les moyens d’assurer une réelle mixité sociale et pédagogique plutôt que de la décréter d’en haut, ce qui, l’expérience et les faits le prouvent, ne fonctionne pas. Pour ce faire, revoyons le « Décret inscription » du secondaire et adaptons-le aux réalités locales ; permettons plus de souplesse dans les horaires et les grilles horaires ; autorisons l’engagement de personnes-ressources complémentaires au travail de l’enseignant stricto sensu, mais permettant de faire évoluer ce travail ; valorisons les projets locaux où la mixité sociale est réellement et positivement vécue… Refaisons ainsi de l’école un ascenseur social et non pas un lieu de nivellement par le bas.
5. Enseignants respectés et responsables. Sans enseignants, pas d’enseignement Or nombre d’enseignants motivés quittent la profession faute de pouvoir se consacrer suffisamment au cœur de leur métier. Trop d’élèves leur manquent de respect, ce qui n’est in fine, que le reflet du manque de respect dont la société́ dans son ensemble témoigne envers le métier, pourtant l’un des plus nobles qui soient. Pour changer cela, donnons aux enseignants les marges de manœuvre qui leur permettent d’être entreprenants, valorisons, dans l’école et en dehors, leurs initiatives pédagogiques, aidons-les quand ils peinent. Et prenons les mesures qui s’imposent vis-à-vis de ceux qui ne se sentent plus aptes à respecter leurs engagements ou ne remplissent pas leur contrat : le respect des autres enseignants passe aussi par là. L’objectif doit être de dynamiser partout l’enseignement public et non de l’appauvrir, ce qui, si l’on n’y prend garde, entraînerait une privatisation sournoise, et délétère pour tous, de l’enseignement de qualité́.
Changer de posture
La mise en œuvre de ces propositions n’exige pas d’investissements financiers considérables, mais une valorisation des ressources humaines et un changement de gouvernance ! Elle requiert principalement un changement de posture des mandataires politiques et des instances intermédiaires qui négocient les réformes loin des réalités du terrain, pour favoriser les changements escomptés au sein des équipes éducatives et chez les élèves. La seule méthode pour une réforme réussie de l’enseignement vers l’excellence est celle qui accordera aux enseignants respect, confiance et autonomie, conditions indispensables à la prise d’initiatives adaptées à chaque situation et à la collaboration entre tous, avec pour unique guide la remise des élèves au centre des préoccupations.
Insistons sur le fait que les participants du groupe central ne représentent pas – et cela entame la légitimité du processus – l’opinion des acteurs de première ligne de notre enseignement que sont les enseignants, les directeurs et les parents. Réformer la gouvernance doit se traduire par une réelle écoute en profondeur des véritables acteurs de terrain et des citoyens.
Mesdames et Messieurs les Présidents et mandataires de partis, vous avez la chance de repenser l’approche de ce dossier essentiel pour l’avenir de nos enfants et de lui permettre d’aboutir correctement, en évitant les erreurs du gouvernement précédent. Ne la gaspillez pas et démontrez dans les faits votre volonté de changer de gouvernance.
*Premiers signataires :
Arends Frédérique, chargé de projet ˝Ça s’débat˝ ; Baudet Eric, formateur en intelligence collective ; Beaudry Véronique, enseignante ; Benyeklef Fouad, acteur associatif ; Beroudiaux Olivier, parent ; Billiau Kim Maman, coach, facilitatrice et citoyenne ; Bimson Thomas, chef d’entreprise et parent ; Boulanger Kathleen Ethnologue et parent ; Brasseur Delphine, parent ; Bribosia Marianne, parent et Finance, Human Resources and Administration Manager dans une PME ; Brolet Cathy, enseignante ; Casterman Priscilla, parent, membre AP ; Clinquart Catherine, enseignante ; de Bellefroid Benoît ; formateur et coach ; de Gerlache Jacques, citoyen ; de Wilde Daniëlle, formatrice de formateurs et de coachs, directrice institut Bao Elan Vital ; Deguide Eric, préfet Lycée Jacqmain ; Dehon Denis, directeur du lycée de Berlaymont (Waterloo) ; Delannoy Catherine, enseignante, écrivain documentariste ; Delbecq Caroline, enseignante et parent ; Dembour Philippe, parent, ancien responsable de la formation financière à Ichec-Entreprises ; Desclée Benoît, parent ; Deveen Frédéric, parent, président AP Sacré-Cœur Jette, membre du conseil général de l’Ufapec jusque juin 2017 ; Druet François-Xavier, docteur en Philosophie et lettres, enseignant e.r. du Collège d’Erpent et de l’Université de Namur ; Dujardin Etienne, juriste et chroniqueur ; Fettweis Dominique, futur grand-parent ; Fischbach Jonathan, administrateur délégué d’Enseignons.be ; François Anne, conseillère psychopédagogique ; Gevers Géry, parent et manager ; Gilis Marc, Manager de société ; Goetghebuer Tatiana, maman ; Goffart Pascale, enseignante ; Grosjean Gaelle, enseignante et parent ; Haenen Valérie, directrice adjointe ; Hédia Hakim, ex-président de la Fapeo ; Henquet Laurent, directeur Namur ; Hittelet Gérald, administrateur PO ; Honoré Christian, ancien attaché à la direction des monuments et site de la Région bruxelloise ; Horner Sarah Jane, parent, coprésidente du comité de parents de l’école de Bettincourt et manager RH d’une multinationale ; Hubaille Nathalie, parent ; Huberland Françoise, proviseur du lycée de Berlaymont (Waterloo) ; Jacques Cécile, enseignante ; Jandrain Hugues, enseignant ; Jans Anne-Françoise, directrice Saint André Bruxelles ; Kelecom Anne, parent ; Klinkenberg François, parent ; Kropek Franjo, président de l’APNDS section primaire et parents concernés ; Laccasagne Khadija, enseignante ; Lambert Laurence, parent ; Ledoux Laurent, manager, ex-président SPF Mobilité ; Lejeune Béatrice, parent ; Lesire Nicole, enseignante ; Lobert Yves, parent ; Lobert Marie, ancienne élève ; Massart Marcelle, professeur de philosophie et de morale à l’Athénée Léon Lepage, Robert Catteau et Académie des Beaux-Arts ; Moens Marie-Laure, citoyenne, entrepreneur, manager ; Nandrin Jean-François, directeur Sacré-Cœur Lindhout ; Noirhomme Mchel, administrateur PO ; Nollet Catherine, enseignante retraitée ; Parys Michel, parent et analyste ; Pauwels Thierry, parent, coach sportif, manager équipe expert, gérant SPRL ; Pilawski Ceslaw, Ing ind retraité ; Pilawski Pascale, traductrice ; Possot André, ancien préfet Athénée Catteau ; Quarré Patricia, parent ; Rizzo John, explorateur de l’enseignement ; Rolin Patrick, administrateur PO ; Rolin Charles, parent, grand-parent, associé de la plateforme de gestion iT.School en contact permanent avec les écoles ; Rolin Bruno, citoyen ; Ska François, ancien directeur, administrateur PO ; Sohier Ignace, enseignant ; Stevens Bernadette, directrice Institut de l’Assomption ; Thirault Rose-Line, enseignante retraitée ; Thomas Luc, enseignant ; Tihon Alain, auteur ; Valette Philippe, enseignant ; Van Exter Tanguy, enseignant ; Vancoillie Carine, administrateur PO ; vanderhaeghen Sylvie, directrice école Jacques Brel à 1090 Bruxelles ; Vanderschueren Hervé, citoyen ; Vanhamme Patrick, parent ; Vaxelaire Roland, dirigeant d’entreprise ; Waucquez Caroline, directrice Learn to Be ASBL ; Wilket Annick, enseignante ; Wittorski Henri, ex-président de l’Ufapec et ex-président de PO ; Zinzen Xavier, entrepreneur ;
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