Pourquoi Maingain s’acharne sur Milquet
Depuis que Benoît Lutgen ne veut plus du PS, un acteur de la pièce se démarque des autres par son intransigeance : Olivier Maingain.


Bon nombre d’observateurs tentent de trouver une explication à cette posture radicale. Il n’y en a peut-être pas une mais plusieurs…
D’abord, le fait que le président-bourgmestre de Woluwe-St-Lambert n’était pas en Belgique quand Lutgen a fait son annonce « explosive ». Il était à Montréal où il participait à la convention des maires francophones. Il a donc raté le début de la crise, ce qui n’est pas idéal dans ce genre de situation.
Une fois revenu au pays, le président des démocrates francophones a commencé à répondre aux sollicitations des médias en s’en prenant d’abord à Joëlle Milquet. « Elle est inculpée, il est temps qu’elle s’en aille, a lancé Olivier Maingain comme préalable à toute discussion avec le CDH. Quand on veut donner des leçons de bonne gouvernance, il faut d’abord être irréprochable ». Milquet étant la seule personnalité forte du CDH à Bruxelles, le calcul peut se comprendre.
« Il faut une véritable révolution »
Un proche du président de Défi trouve toutefois cette soudaine mise au pilori « étonnante ». Milquet est en effet inculpée depuis avril 2016 pour une affaire d’emplois fictifs pour sa campagne électorale de 2014. « Il la voyait régulièrement jusque-là sans qu’il n’en ait fait une paria. Ou alors, comme il s’agit d’un momentum particulier, on peut radicalement changer d’attitude parce que les conditions le permettent. Il faut profiter de l’instant, c’est peut-être ça l’interprétation », précise notre source.
Puis, Olivier Maingain a cité d’autres noms d’éminences socialiste (Stéphane Moreau) et libérale (Armand De Decker) mais surtout de démocrates humanistes jugées « infréquentables » : Dominique Drion (ancien vice-président de Nethys/Publifin), Carlo Di Antonio (ministre wallon de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire) et Philippe Buelen (chef de cabinet de Maxime Prévot, ex-administrateur d’Immo Circus qui gère le casino de Namur).
De là à en déduire que Défi ne veut pas s’embarquer dans de futures négociations avec le CDH et le MR, il n’y a qu’un pas… « Je me demande surtout si Lutgen n’a pas sauté sans parachute », a déclaré Olivier Maingain dans une récente interview au magazine flamand Knack. Il joue au poker, mais il n’a qu’un atout en main… Il n’y a pas que le PS qui est impliqué dans des scandales, tous les partis traditionnels le sont, CDH et MR inclus. Il faut une véritable révolution, en Wallonie et à Bruxelles ».
Et qu’est-ce qui met Maingain vraiment en colère ? Les problèmes communautaires qui pourraient en découler. « Cette crise donne du grain à moudre à ceux qui veulent scinder la Belgique, ça me rend furieux ».
Personnalité flamboyante
Pour Jean-Benoît Pilet, politologue à l’ULB, ce positionnement radical de Maingain s’explique par trois facteurs : une personnalité forte et flamboyante dans la prise de parole, une stratégie forte par rapport aux négociations et un positionnement fort en vue des élections communales de 2018 et régionales de 2019.
« Défi doit d’abord trouver sa place dans un espace politique très chargé. L’ex-FDF n’a pas trop envie d’entamer des négociations avec le MR dont il s’est détaché en 2011. Une des lignes de positionnement, c’est de se présenter comme un nouveau parti, une alternative réelle à l’inverse d’autres formations installées au pouvoir depuis longtemps, entame Jean-Benoît Pilet. Deuxièmement, c’est aussi une stratégie de négociation. Défi et Ecolo savent qu’ils n’ont pas d’intérêt à entrer facilement dans une coalition pour laquelle ils n’ont pas été consultés dès le départ. Ils font monter les enchères au maximum. »
Simple et complexe
Le calcul politique est complexe et simple à la fois. Avec 12 députés à la Région bruxelloise, Défi est incontournable et en bonne position pour revendiquer le poste de ministre-président. Mais d’après un mandataire amarante, le parti n’a pas trop envie de faire bouger les choses à Bruxelles… « Maingain ayant négocié un bon accord avec le PS en 2014, il n’a pas vraiment envie de changer la donne à l’instar des autres partis de la majorité bruxelloise. Le jeu nouveau de Lutgen bouscule tout, il y a aussi une part d’émotion, de surprise et de râlerie par rapport à tout ce qui avait été programmé. Recommencer et tout renégocier, il y a de quoi être en colère », explique une bonne source.
A la Communauté française, par contre, la situation est différente. Avec 3 sièges seulement, le parti amarante ne pèse pas lourd mais pourrait constituer un apport intéressant, avec ou sans les verts. « La culture et l’enseignement, c’est important pour eux. Pour beaucoup de réformes de transparence dont on discute, il faudra parfois adopter des décrets à la majorité spéciale des deux tiers. Défi et Ecolo ont intérêt à faire traîner les négociations pour mettre de plus en plus de pression sur le MR et le CDH. Défi le fait davantage sur des questions de personnes, Ecolo le fait plutôt avec des propositions de gouvernance », résume le politologue de l’ULB.
Quant à la personnalité même d’Olivier Maingain, elle explique aussi beaucoup de choses… « C’est son trait de caractère, tout le monde connaît sa radicalité. En interne, on lui demande souvent d’arrondir les angles et il y arrive. Mais dès qu’il est devant les caméras, le naturel revient au galop », explique un de ses proches.
« C’est une personnalité dure en négociation et flamboyante dans la prise de parole Il est prêt à sacrifier l’intérêt à court terme de son parti pour des positions de principe. On l’a vu lors des négociations sur BHV qui ont finalement mené à la séparation d’avec le MR. C’était un pari risqué pour le FDF », rappelle Jean-Benoît Pilet.
Ce vieux différend n’est d’ailleurs toujours pas réglé au niveau financier, Défi estimant que le MR lui doit de l’argent.
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S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir2 Commentaires
J'apprécie Olivier Maingain. Son analyse concernant les partis qui salissent la politique est on ne peut plus juste. Il était un peu tard "pour débrancher la prise" à 24 mois d'échéances électorales. Rien de ce qui ce qui se passait n'échappait aux leaders PS MR cdh, ils faisaient comme s'il ne voyait rien. Il faut dès lors les laisser se dépatouiller seuls avec le chaos qu'ils ont créé.
... et il tient à conserver une petite place pour son fils.