Benoot: «Le Tour, c’est plus dur que l’université»

Tiesj, quelles sont vos impressions avant les premiers coups de pédales ? C’est mon premier grand Tour et j’ai choisi le plus exigeant pour mon baptême. Je ne sais pas ce qui va arriver, je suis surtout très curieux de voir dans quel état je me trouverai à Paris après trois semaines au plus haut niveau. Je suis d’abord fasciné par le nombre de journalistes, ensuite par la foule à la présentation. Cela me rappelle le départ du Tour des Flandres. Un jeune coureur rêve paraît-il systématiquement du Tour, c’est aussi votre cas ? Oui ! Quand j’étais en vacances avec mes parents, on partait souvent en France, on allait voir la course. C’était passionnant, l’attente pour voir passer les coureurs. Et puis il y avait la caravane. Comme tous les gamins, j’ai ramassé les objets, j’ai mangé des bonbons et j’ai eu une indigestion ! Je sais que je vais moi-même passer sur un vélo et voir des gamins heureux, c’est énorme. Maintenant, j’ai déjà participé à des monuments au plus haut niveau mais ici, c’est une étape encore plus haut. Votre premier souvenir du Tour ? À la télévision, j’ai deux images avec des chutes. Celle d’Armstrong qui heurte un sac dans un col des Pyrénées et Beloki qui tombe sur le goudron de Gap. Je devais avoir 8 ou 9 ans. Vous êtes souvent prudent par rapport à votre plan de carrière, votre progression. Or, vous vouliez faire le Tour l’année dernière, c’est exact ? Par pure impatience mais mon entraîneur m’a conseillé d’attendre un an de plus. Je suis à ma troisième année chez les pros, c’était le bon timing alors que j’ai déjà participé au Dauphiné, au Tour de Suisse, à Tirreno-Adriatico, à l’Eneco Tour, au Tour de Pologne. Je suis le deuxième plus jeune à prendre le départ, c’est surprenant, cela signifie que le niveau est très élevé, que les meilleurs coureurs du monde sont là et avec déjà plus d’expérience que moi, forcément. Vous jouissez d’une confiance totale au sein de votre équipe ? Sinon, je ne serais pas venu. Quand le Tour a été présenté l’année dernière, Marc Sergeant et Herman Frison ont de suite considéré qu’il s’agissait d’un parcours intéressant pour moi comme pour Tim Wellens. Et puis, pour mon premier grand Tour, je préférais juillet. Le Giro, c’est trop vite après les classiques. Ici, j’ai pu prendre du repos, préparer mes entraînements, mes stages puis effectué une bonne reprise au Dauphiné. Et la Vuelta, c’était trop tard, car je veux participer aux classiques du Québec avant les championnats du monde de Bergen. Par rapport au Dauphiné que vous avez réalisé, précisément, ne vous a-t-on pas trop tôt, en Belgique, catalogué comme un coureur de classiques ? Chez les espoirs, j’étais meilleur dans les courses plus sélectives, dans la moyenne montagne en particulier mais également sur les courses ardennaises. Puis j’ai terminé cinquième de mon premier Tour des Flandres et tout est parti de là. Mais le fait d’avoir accompagné les meilleurs grimpeurs du monde dans le Dauphiné, c’était tout de même une surprise pour moi car j’avais un mauvais souvenir, deux ans plus tôt. J’avais réalisé une bonne étape puis, le lendemain, la canicule s’était installée, il faisait 38 degrés et j’ai dû décrocher très vite. Depuis, j’ai choisi de m’adapter à la chaleur et cela me réussit plutôt bien. Comment avez-vous fait ? Comme beaucoup de coureurs, je suis parti en stage en Sierra Nevada, en Espagne, où il fait déjà très chaud, genre 35 degrés, en mai et en juin. Au-delà de l’altitude et de la chaleur, j’y ai ajouté le sauna, chaque jour, comme si ce n’était pas assez (rires). Cela a fonctionné au Dauphiné mais ce n’est pas pour cela que cela marchera au Tour. À 23 ans, on peut aussi rêver du maillot blanc de meilleur jeune ? Certainement. Pas pour le ramener à Paris avec des concurrents comme Meintjes, Yates, Latour, Buchmann que j’ai vu très fort au Dauphiné. Mais il y a peut-être moyen de le prendre dans la finale pour puncheurs de Longwy ou à la Planche des Belles Filles. Le rêve serait de le conserver quelques jours, jusqu’aux Pyrénées et, ensuite, de prendre les échappées car je suis encore jeune pour me battre en fonction du classement. Vous dites souvent que votre premier objectif est d’atteindre Paris… Vous avez peur ? Non, mais je suis modeste et lucide. On peut tomber malade ou tomber tout court. Je veux assimiler un maximum d’expérience pour la suite de ma carrière, apprendre des indices sur ma récupération. Au Dauphiné, cela allait, mais au bout de trois semaines, je ne sais pas. Au Dauphiné, on y revient, vous avez couru avec Froome, Porte, Bardet, Contador etc. Qui va gagner le Tour ? Froome. Il était déjà fort sans être à son meilleur niveau, alors il ne faut pas demander ici. Il a la meilleure équipe. J’ai bien aimé les Astana aussi. Aru pourrait créer la surprise. En stage, vous avez croisé Valverde qui vous a complimenté. Vous pouvez expliquer ? Il logeait dans un hôtel un peu plus loin, c’était après le Dauphiné. Je l’avais déjà croisé en mai, avec Mate (Cofidis). Ils ne parlent ni l’un ni l’autre le français et moi j’en profite toujours pour parfaire une langue étrangère quand je voyage. J’ai donc papoté avec eux en espagnol, j’ai même pu accompagner Valverde qui s’amusait à lâcher les jeunes. Il a 37 ans, j’en ai 23 et quand je vois ce qu’il fait, c’est inouï. Il m’a effectivement chaleureusement félicité en ajoutant qu’il m’engagerait bien dans son équipe ! La préparation des classiques ou celle du Tour est forcément différente. Vous avez perdu du poids par rapport à avril ? Quatre kilos. C’était nécessaire car j’ai encore beaucoup de la graisse de jeune, comme on dit pour les jeunes athlètes. Mais je ne sais pas me passer de manger, comme d’autres. Pensez-vous devoir effectuer un jour un choix entre les classiques et les courses par étapes ? Non, car je ne pense pas être capable de jouer un jour le podium dans une course de trois semaines. Les classiques m’attirent toutes et, en 2018, j’aimerais me tester sur les Ardennaises. Cette année, j’ai fait troisième à la Flèche brabançonne et c’est moi qui lance les hostilités à l’Amstel. Sans un problème mécanique, j’étais avec Gilbert et Kwiatkowski. Après le Tour, je vais déjà savoir avec la Classique de Saint-Sébastien et surtout au Canada, en septembre. Vos équipiers vous laissent carte blanche pour votre… maillot blanc ? Ils me laisseront me débrouiller car la priorité, c’est une victoire d’étape avec Greipel le plus tôt possible. Le Tour, c’est un examen plus difficile qu’à l’université ? C’est incomparable. C’est un enchaînement de 21 examens plus difficiles les uns que les autres.

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