Notre-Dame de la Garde, ultime juge de paix du Tour de France

Depuis Salon-de-Provence Oh, Bonne-Mère, il va y avoir du sport au pied et au sommet de Notre-Dame-de-La-Garde, la difficulté du contre-la-montre final à Marseille ! Sous la chaleur accablante de la cité phocéenne, le destin du 104e Tour de France va se jouer et, très sincèrement, cette perspective n’était pas attendue lors de la présentation du parcours en octobre dernier à Paris. La liste des difficultés était suffisante, en amont, pour s’épargner un thriller. L’idée de partager un pastaga et une bouillabaisse en regardant distraitement les coureurs avait germé dans l’esprit des suiveurs aussi lessivés que les champions. Mais peuchère, ils attendront Paris. Trois hommes se tiennent en 29 secondes, soit le temps utilisé par le gardien de but de l’OM dans les arrêts de jeu pour dégager lorsque l’équipe est en passe de remporter la victoire. À l’échelon du stress, cette situation rappelle follement d’autres empoignades (lire par ailleurs). Les nerfs seront davantage soumis à l’épreuve que le corps, certes meurtri par trois semaines d’efforts mais prêt à cet ultime combat, à cette petite demi-heure de vérité (en tout cas pour les plus forts). 29 secondes pour moins de 30 minutes d’explication, c’est énorme dans la gestion psychologique de l’effort avec cette angoisse essentielle : la chute, l’ennui mécanique. Les mécanos, acteurs essentiels de la réussite des athlètes, qui œuvrent dans l’ombre d’un camion surchauffé pendant trois semaines ne devront pas trembler au moment de poser les roues lenticulaires, de vérifier les plateaux, la solidité du guidon et de leurs prolongateurs, pour ceux qui en prendront, comme Greg LeMond en 89 à Paris. Choisir le casque profilé, établir un programme d’échauffement ciselé au bistouri, reconnaître le parcours, prendre les temps de référence de ses équipiers partis avant, tourner les jambes, transpirer, s’hydrater et enfin se vider la tête. Certains avec de la musique, d’autres en regardant le micro-ordinateur sur la potence indiquer les pulsations, les paramètres. Et tout cela pendant que les gens s’amusent sur la Canebière. Rigoberto Uran, la menace Voilà un Tour résumé en fractions de secondes pour Froome, Bardet et Uran, qui ne gagneront pas forcément le chrono, car ce n’est pas leur spécialité majeure, mais qui veulent remporter le Tour. Les faveurs vont au maillot jaune qui s’était imposé, l’année dernière, au chrono de 17 bornes entre Sallanches et Megève. C’était en côte. L’Anglais s’était aussi montré le meilleur des favoris au premier essai, entre Bourg-Saint-Andéol et la Caverne du Pont d’Arc en Ardèche, deuxième derrière l’inaccessible Dumoulin, dans cet exercice-là en tout cas. Ce jour-là, il avait repoussé Romain Bardet à plus de 2mn50. L’Auvergnat avait été nettement meilleur à Megève (cinquième, mais à 42 secondes tout de même du Britannique). La menace viendrait moins du Français que du Colombien Rigoberto Uran, la surprise de ce podium final à Paris. L’homme au double nom de l’équipe Cannondale a joué au suiveur depuis le départ de Düsseldorf où les temps ne peuvent servir de références par rapport à celui de Marseille. D’abord par rapport à la distance, mais surtout par rapport aux conditions climatiques. La pluie avait freiné les ardeurs des concurrents. Cela dit, même dans ce contexte, Froome avait été de loin le meilleur : sixième à 12 secondes de son équipier Thomas, mais avec 39 secondes d’avance sur Bardet et 51 sur Uran. Dans tous les cas de figure, le Britannique est supérieur à ses adversaires, statistiques à l’appui. Uran n’a intégré aucun top 20 dans les chronos disputés cette année, à Tirreno, au Pays Basque, en Romandie ou au Tour de Suisse. Le vice-champion olympique de Londres fait pourtant peur à tout le monde car il n’a jamais donné l’impression de forcer son talent. L’ascension de la côte de la Bonne-Mère pourrait lui profiter mais c’est son seul espoir. En 2014, il avait ainsi remporté le contre-la-montre du Giro, à Barolo, sur 42 kilomètres. Une certitude, ou presque, la deuxième place lui tend les bras car avec six secondes de retard sur Bardet, il a la main. Même si le Français, porté par la foule du bien nommé Stade-Vélodrome donnera tout, jusqu’au bout du bout, en particulier dans la descente périlleuse de Notre-Dame-de-La-Garde. Où certains iront brûler un cierge.

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