«Il faut rétablir l’équilibre entre l’unité européenne et l’intérêt national»

Comment décririez-vous le positionnement politique de votre parti à des personnes qui ne le connaissent pas, ou à celles qui ont gardé une image problématique de son passage au pouvoir il y a dix ans ? C’est un parti conservateur pro-européen et pro-Otan de la droite et du centre-droit polonais, même si ces épithètes peuvent recouvrir des réalités politiques variées d’un pays européen à un autre. Mais la Pologne a cette chance qu’y domine un consensus politique et social très large quant aux choix stratégiques relatifs à sa place en Europe, et à où nous voyons les garanties de notre bien-être et de notre sécurité. Nous considérons l’intégration européenne et la coopération transatlantique comme une grande chance pour notre développement. Mais nous voyons aussi un hiatus entre la façon dont on perçoit la vie politique à Bruxelles et celle qui se définit dans les Etats membres. Nous voudrions que le processus d’intégration européenne s’appuie plus profondément sur la réalité politique des Etats membres, afin de reconnaître la variété de leurs attentes respectives.Mais aujourd’hui, de moins en moins de personnes et de responsables politiques soutiennent l’intégration européenne, et c’est une très mauvaise nouvelle. Quel manque de soutien ? Un symptôme notable : la conviction des élites européennes que le marché commun ou les libertés contenues dans les traités sont banaux, et qu’il faut se concentrer maintenant sur la construction d’une union politique. Cela entraîne un risque de segmentation de l’UE, où une union plus resserrée, notamment autour de la zone euro, serait la solution aux problèmes du moment. Je perçois un certain appétit pour une UE à six, et j’entends des discours qui tendent à négliger le Marché intérieur, comme étant banal et insuffisant, et qui nécessiterait des mécanismes plus développés d’union politique On entend plutôt beaucoup de discours sur l’indispensable achèvement de ce Marché intérieur… L’Allemagne est l’un des rares Etats membres qui conserve la conviction que l’effet d’échelle de l’UE reste essentiel, mais ce n’est pas aussi vrai ailleurs. Comment évaluez-vous la position de la Pologne dans l’UE ? Notre avantage est que nous n’avons pas de débat interne sur l’utilité ou non de l’UE, de l’Otan, et de l’économie de marché, comme c’est parfois le cas ailleurs. Et nous restons convaincus que les institutions occidentales font partie de la solution aux problèmes. Notre pays est perçu comme étant calme et prévisible. Mais nous remarquons que cela se produit parfois au prix de notre propre intérêt. Un certain calibrage serait indiqué. Pas une révolution ni une rupture, mais un calibrage. Le processus d’intégration était perçu il y a dix ou quinze ans comme une matière technique, quasi automatique. Aujourd’hui nous vivons dans une Europe où peut s’exprimer un intérêt politique, qui peut être différent au Nord par rapport au Sud. C’est acceptable, du moment où le fait d’énoncer son intérêt national est un moyen d’aboutir à une décision pour le bien de tous. Cela restera la position polonaise. Qu’entendez-vous par calibrage ? L’équilibre entre l’unité européenne et l’intérêt national s’est établi un peu trop au bénéfice de la première. Je ne rejette pas la valeur politique de l’unité du continent, mais elle doit être mesurée en fonction des changements qui s’opèrent en Europe, où chacun recherche plus son propre intérêt. Un exemple : la politique climatique. Nous n’essayons pas suffisamment de ménager notre intérêt économique national, qui, dans les décisions européennes actuelles, et quelles que soient les formules, en subirait un tort considérable. Autre exemple : la crise migratoire. La formation d’une position européenne unique a été défavorable à l’Europe : le prix politique à payer pour un programme en somme très mineur (les relocalisations, NDLR) a été inutile. Nous regardons ce processus par le prisme de l’équilibre social, et nous redoutons le fait que nos sociétés perdent le contrôle sur les processus migratoires. Le résultat en est que les gens commencent à croire dans des mécanismes qui sont mauvais pour l’Europe. A quoi pensez-vous ? Aux solutions populistes, qui sont confortées par le sentiment que le processus migratoire est incontrôlé. Or le transfert d’électeurs des partis de droite vers les partis populistes est notre problème commun à tous. Votre parti n’est pas étranger à ces tendances. La première déclaration de votre nouveau président remarquée à l’étranger est celle, il y a quelques jours, reprise à votre président de parti, où il évoquait les risques épidémiologiques transportés par les réfugiés… Andrzej Duda n’a jamais prononcé les propos tels qu’ils lui ont été attribués : écoutez l’enregistrement. Suggérer que l’interprétation qu’on en a faite représente le message du parti Droit et Justice, est absurde. Que pensez-vous de la façon dont Donald Tusk exerce sa fonction européenne ? Je pense qu’il est le produit de la culture politique propre à son camp, où atteindre une unité européenne est justifiée, quelle qu’elle soit. Nous pensons que c’est le contenu de l’accord qui importe et son effet concret, et non le fait qu’il y ait un accord si obscur que chacun peut l’interpréter à sa guise. Ce que vous dites est étonnant : c’est plutôt ce que certains reprochaient à Herman Van Rompuy. Tandis que d’autres reprochent aujourd’hui à Tusk d’être trop « polonais », de trop afficher ses vues « centre-orientales » et tenter de les imposer. Moi je le vois comme trop passif. Mais il faut reconnaître à ce sujet qu’il est la victime du processus de renationalisation des décisions politiques européennes.

Votre compte

«Il faut rétablir l’équilibre entre l’unité européenne et l’intérêt national»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Monde

Salman Rushdie: un symbole poignardé

L’enquête du FBI sur Trump concerne une possible violation de la loi sur l’espionnage

Entretien Centrale nucléaire de Zaporijia: «Le cocktail est réuni pour que quelque chose de grave se produise»

Un homme se tue après avoir foncé dans une barricade près du Capitole à Washington

Entretien Inde: pourquoi l’enthousiasme démocratique ne diminue pas dans ce pays dirigé par les nationalistes hindous

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Salman Rushdie «sur la voie du rétablissement» malgré de «graves» blessures, selon son agent

Des orages attendus lundi: le numéro 1722 activé en raison d’un risque de tempête ou d’inondation

La mobilisation déguisée de mercenaires par l’armée russe défaillante

Banques, postes, supermarchés…: ce qui est ouvert et fermé ce lundi de l’Assomption

Centrale nucléaire de Zaporijjia: «Les risques augmentent chaque jour»

Quelle banque choisir pour ses ados?

Gestion des salaires : quand la Belgique est à la pointe de la technologie

Combiner travail et études : voici vos droits et obligations

Voiture de société et grandes vacances : tout ce qu’il faut savoir

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel