Faut-il se fier aux vins médaillés?
Les bouteilles médaillées emplissent de plus en plus les rayons des magasins où le choix du vin se fait large. Un macaron qui rapporte en jouant le rôle de guide auprès des consommateurs, sans être forcément gage de qualité.

Rouges, blanches ou rosées, elles sont bien plus d’une centaine. Rendez-vous dans le rayon vins d’une grande surface où le choix pour une bouteille est loin d’être restreint : difficile pour le consommateur occasionnel, qui n’a pas forcément de la bouteille, de s’y retrouver. Apparemment conçues pour le guider, des médailles sont présentes sur nombre de bouteilles. Ces médailles, d’or, d’argent voire parfois de bronze proviennent de concours qui sélectionnent « les meilleurs vins » : « Médaille d’Or Paris 2017 – Concours Général Agricole », « Concours International 2017 Gilbert & Gaillard – Or », « Concours des grands vins de France à Macon – Médaille d’Or 2016 »… la liste est longue. Mais comment choisir son breuvage parmi toutes ces pastilles, tous ces concours ?
De fait, ce qui se cache derrière ces distinctions reste assez opaque. Lorsqu’on creuse un peu, on constate en effet qu’il existe de fortes différences entre les compétitions. Ces concours peuvent en effet accepter la participation de vins exclusivement régionaux ou s’ouvrir à des participations de nature nationale, voire internationale. La plupart sont menés par des organismes privés, mais certains sont organisés par les pouvoirs publics, comme en France avec le Concours Général Agricole, sous la tutelle du ministère de l’Agriculture. Les jurys peuvent être composés de consommateurs, de professionnels, ou d’un mélange des deux. Une chose est sûre : il n’est pas possible de revêtir une bouteille d’une médaille sans que les organisateurs, qu’ils soient publics ou non, répondent à un prescrit réglementaire d’origine nationale.
Un système de quotas
Dès lors, à quelle médaille se fier ? « Le système est un peu biaisé, indique Julien Stéphant, caviste à Etiquette, à Bruxelles. «Vous avez par exemple des concours pour lesquels les producteurs payent afin d’y participer. » Le montant d’une telle participation peut se limiter à 50 euros par produit, avec la possibilité de présenter 15 échantillons maximum, comme au Concours régional des Vins d’Orange en France, par exemple, mais il peut aussi facilement grimper jusqu’à 150 euros, comme au Concours Mondial de Bruxelles. Pour accéder à l’un des concours les moins chers que nous avons recensé, il faut se tourner vers Gilbert & Gaillard, magazine vinicole qui décerne des médailles par sessions durant l’année. La participation s’y élève à 30 euros.
« La valeur d’un concours dépend de la quantité de vins sélectionnés : plus il y en a, plus on a de chance que les médailles soient de qualité », poursuit notre interlocuteur. Plus de 10.000 échantillons sont testés par exemple pour le Concours Général Agricole de Paris ou le Concours Mondial de Bruxelles. Autrement dit, plus le choix est large, plus il y a d’opportunités de voir des bons vins remporter un prix.
Il faut aussi savoir que certains concours fonctionnent avec un système de quotas : un certain nombre de médailles sont à décerner, quel que soit le nombre de participants. C’est le cas notamment pour les médailles du concours des vins d’Orange ou de Gilbert & Gaillard (environ 25-30 % des échantillons sont médaillés). Ces quotas soulèvent « un problème de rentabilité du concours » selon Julien Stéphant, qui estime que « même si le vin est médiocre, il y a un risque qu’il reçoive malgré tout une médaille. » Mais tout le monde ne partage pas cet avis : « On juge par rapport à un millésime. Il n’existe pas de mauvais millésime, il est juste différent. Le vin médaillé reste bon dans son millésime », affirme un producteur. Ceci étant, certains producteurs précisent que lorsque le millésime est moins bon, malgré les quotas de médailles, l’or n’est pas forcément décerné.
Les fraudes ne sont pas à exclure
S’agissant des concours internationaux, « il y en a une dizaine qui comptent vraiment » selon Thomas Costenoble, directeur du Concours Mondial de Bruxelles, qui épingle quelques exemples curieux, comme dans certains salons dits internationaux en Italie ou en Espagne où la plupart des vins présentés sont des vins… nationaux. Des fraudes sont aussi parfois suspectées. Thomas Costenoble accuse : « Par exemple, ce concours pour lequel des producteurs avaient envoyé des échantillons et avaient reçu une médaille d’or… en apprenant plus tard par la poste que leur échantillon n’était jamais arrivé. »
Enfin, « si vous voulez une découverte, vous n’êtes pas sûr de l’avoir avec un vin médaillé » confie Julien Stéphant qui estime que les amateurs éclairés n’y portent pas grand intérêt. « Ça ne veut plus dire grand-chose, la médaille. Mais c’est tout à fait légal d’en attribuer. » Cependant, plus il y a de jurés de diverses nationalités, « meilleur sera le vin sélectionné », poursuit-il. « Mieux vaut aussi privilégier les médailles d’or, se renseigner sur les sites des concours, ou encore se tourner vers les classements qui récompensent les vins sur plusieurs millésimes.
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