Présidents de D1A : le changement, c’est maintenant!

Qu’ils soient omniprésents ou invisibles, des décideurs puissants ou des hommes de paille, les présidents demeurent inévitablement attachés à la destinée des 16 clubs de D1A qu’ils incarnent. Zoom sur ces personnalités bien différentes qui affichent, pour la plupart, un point commun, celui d’amorcer un changement au sein d’un sport qui évolue sans cesse. [scald=5275464:sdl_editor_representation] Quand on jette un rapide coup d’œil aux noms des présidents des seize clubs qui composent actuellement l’élite, un détail accroche d’emblée le regard. Sur ces 16 hommes forts, dont certains sont méconnus voire quasiment inconnus du grand public, pas moins de 12 d’entre eux (75 %) n’exercent cette fonction ingrate que depuis 2012 ou plus récemment encore comme c’est le cas du nouvel homme fort genkois, Peter Croonen, qui a remplacé Herbert Houben le 1er juin 2017. Et parmi les clubs du top, seuls Anderlecht (avec Roger Vanden Stock depuis 1996) et Gand (avec Ivan De Witte depuis 1999) misent plutôt sur la stabilité à leur tête. Ce phénomène de renouvellement massif est difficilement explicable puisque chaque cas semble particulier. « Chaque club essaie sans doute de trouver la meilleure solution possible pour vivre ou survivre dans un environnement de plus en plus réglementé, extrêmement concurrentiel et dicté par l’aspect financier », note ainsi le doyen d’entre eux, Roger Lambrecht. « Mais ces présidents-là, je ne les connais pas tous et ne peux donc tirer de conclusions hâtives quant à leur profil, leurs intentions réelles pour l’avenir de leur club. » Aujourd’hui, le temps des figures paternalistes, qui dirigent un club « à l’ancienne », semble devenu obsolète même si cela fonctionne toujours (mais pour combien de temps encore ?) au RSCA. Place à une gestion plus dynamique, à des changements plus fréquents souvent liés à la possibilité de rentabiliser son investissement le mieux et le plus vite possible comme l’avait fait Roland Duchâtelet au Standard. Chez les Liégeois, c’est un homme du sérail, supporter dès sa plus tendre enfance, qui a repris le commandement : Bruno Venanzi. Même s’il s’est parfois montré maladroit, l’ex-boss de Lampiris a essayé de replacer le club au centre des débats, avec d’anciens joueurs (Van Buyten, Renard) à ses côtés pour le conseiller. À Bruges, le Club, autrefois très stable, avait connu pas mal de mouvements à sa tête jusqu’à l’arrivée de Bart Verhaeghe, un homme ambitieux pour son club (comme pour l’ensemble du football belge…), qui a su ramener le calme et surtout un titre de champion en Venise du Nord après 11 ans de disette. À Ostende, c’est un milliardaire passionné et passionnant, atypique aussi, qui a fait du club côtier un trouble-fête récurrent dans un esprit folklorique rafraîchissant. À Charleroi, la gestion de Fabian Debecq, un président qui préfère l’ombre à la lumière et apparaît un peu comme l’antithèse d’Abbas Bayat, porte également ses fruits puisque le club a gagné en stabilité… Parmi ces 12 (quasi) néophytes, on retrouve aussi une femme, Marieke Höfte, qui n’est autre que l’épouse belgo-néerlandaise de Roland Duchâtelet, ainsi qu’un étranger : Teriq Abdulaziz Al Naame. Le président qatari d’Eupen mène à bien sa mission de mise en vitrine de jeunes joueurs via l’Aspire football Dreams dont il est également le président. L’ancienne génération : Roger Lambrecht (Lokeren) Roger Lambrecht possède la particularité de cumuler la double casquette de président le plus âgé (85 ans) et celle de plus ancien (il est entré en fonction en 1995) du championnat de Belgique. Même s’il est un peu dur d’oreille, il reste toujours aussi passionné et vif d’esprit. Roger Lambrecht, alors que vous avez fait fortune et dirigé Lokeren pendant 22 ans, pourquoi ne pas céder le relais ? « Ce n’est pas l’envie qui fait défaut mais je n’ai pas encore trouvé la bonne personne dans l’intérêt du club. Ces dernières années, j’ai régulièrement été approché, souvent via des managers parce que tout le monde sait que le président de Lokeren est un vieux monsieur de 85 ans. Moi, ce que je veux, c’est m’y retrouver financièrement, bien sûr, mais pas non plus vendre le Sporting au plus offrant, a fortiori s’il est étranger et que je ne peux pas déceler ses intentions réelles. Je n’ai pas envie, après avoir sauvé ce club de la faillite, lui avoir offert deux Coupes de Belgique et des soirées européennes, le vendre à un marchand de tapis qui le coulerait en moins de temps qu’il faut pour l’écrire. Je n’aimerais pas entendre que Roger Lambrecht a vendu l’âme du club ! » Aujourd’hui, Lokeren a-t-il un avenir sans vous ? « Oui, bien sûr mais vu l’évolution du football, il doit apprendre à se contenter de viser une place la plus proche possible du top 6, qu’il pourrait éventuellement intégrer à l’une ou l’autre reprise, si tout se met bien en place. J’ai entière confiance en Willy Reynders, qui gère le sportif, mais on ne peut pas se permettre les folies d’Anderlecht, Bruges, Gand ou Genk. » La nouvelle vague : Bruno Venanzi (Standard) L’homme fort de Sclessin est l’un des plus jeunes présidents en activité puisqu’il a pris le pouvoir en juin 2015. Bruno Venanzi, quelles sont les difficultés, en interne et en externe, auxquelles on se heurte quand on devient président d’un club ? « Comme lors de toute reprise de sociétés, il faut toujours un peu de temps pour connaître et comprendre les rouages de l’entreprise ; en particulier quand il s’agit d’un club de foot comme le Standard de Liège, qui n’est pas un club comme les autres. Au-delà de l’aspect financier qui reste malgré tout le plus important quand on pense à la chute aux enfers de clubs tels que le FC Liégeois, le RWDM ou tant d’autres, il y a une charge émotionnelle et passionnelle très importante. Il y a également un sentiment d’appartenance très fort que ce soit pour les membres du personnel comme pour les supporters. Il faut en tenir compte dans sa gestion tout en gardant une indépendance scrupuleuse de bon gestionnaire. » Quel est l’accueil des autres présidents, à la Ligue et à l’Union belge ? « Il est varié. En tant que président du Standard, on est toujours regardé comme un gros concurrent, donc, il y a de la méfiance. Si les présidents intelligents sont bien conscients qu’un Standard fort est une excellente chose pour le football belge, ils ne nous faciliteront néanmoins pas la tâche. Le président le plus bienveillant à mon égard a été dès le premier jour Roger Lambrecht de Lokeren. Fort de son expérience, il n’a jamais hésité à me donner des conseils qui se sont toujours révélés pertinents. C’est une personne que j’apprécie réellement. À l’Union Belge, j’ai de très bonnes relations avec le football amateur. C’est aussi celui dont je suis issu et celui dans lequel mes enfants jouent, donc, je le connais bien ! » L’atypique : Roland Duchâtelet (Saint-Trond) Le patron de Saint-Trond est aussi propriétaire de Charlton, Alcorcon et Carl Zeis Iena. Mais quand il a repris le Standard avant de le céder en 2015, c’était pour empêcher qu’il tombe entre des mains étrangères. Et c’est la même chose à Saint-Trond. « Il y a des patrons étrangers à Courtrai, à Roulers. Il y a un exemple où ça n’a pas marché, c’est à Visé, qui avait été repris par des Indonésiens. Ce n’est pas évident pour des étrangers de débarquer en ne connaissant pas le foot et le marché belges. Moi, j’ai repris Saint-Trond parce que Bart Lammens voulait vendre et que des Asiatiques, des Espagnols et des Allemands se sont manifestés. Je ne dis pas que cela n’aurait pas marché, mais il y avait entre le complexe Stayen et le STVV des accords. Par exemple, 3 euros, pour chaque spectateur, sont versés à la société qui possède et exploite le stade. Un repreneur étranger, avec une culture différente, aurait peut-être remis en question un système qui fonctionne bien… » Avec votre réseau de club, vous êtes atypique dans le milieu belge. Quelles sont vos relations avec les autres présidents ? « Je les rencontre pendant les matches, mais je n’entretiens avec aucun des relations privilégiées. On essaye, ici à Saint-Trond, d’avoir de bonnes relations avec le Standard et Genk, mais aucune avec Anderlecht, Charleroi, Bruges et La Gantoise, qui sont main dans la main. Ils se partagent le pouvoir, à la Pro League et à la fédération Ce n’est pas de la bonne gouvernance. Ce n’est pas bon et sain comme situation. Je ne trouve pas qu’il faille soutenir cela. Ce ne sont pas des alliances de cœur, mais des alliances de raison, même si celle entre Bruges et La Gantoise est fébrile. J’aime autant rester à l’écart. » Des méthodes plus modernes Quelles sont les idées de ces présidents ? Difficile à dire car chaque nouveau président développe sa stratégie et sa politique en fonction des besoins de son club. Mais l’arrivée de sang neuf a abouti à une nouvelle manière de gérer les affaires. Plus entrepreneuriale ! Au Club, la gestion de Bart Verhaeghe est complètement différente de celle de ses prédécesseurs. Il a apporté plus de modernité mais cela génère aussi des désagréments car un club de football ne peut pas être géré comme une entreprise traditionnelle. Il y a, dans ce sport, une grande part émotive qui n’existe pas ailleurs. Également issu du monde de l’entreprise, Bruno Venanzi, ancien coprésident de Lampiris, a compris un peu plus cette donne puisqu’il tient toujours compte des supporters dans ses décisions. Mais comme Bart Verhaeghe à ses débuts, il faut que son club s’habitue à ce nouveau modèle. Cela explique les résultats décevants de ces deux dernières années. Le Club de Bruges, malgré de lourds investissements, avait dû assimiler la méthode Verhaeghe. Anderlecht aussi est tout doucement en train de passer à cette vision entrepreneuriale. Certes, le maintien de Roger Vanden Stock et de Herman Van Holsbeeck à leur poste respectif de président et de vice-président permet de conserver une certaine continuité et gestion patrimoniale mais l’influence d’Alexandre Van Damme et l’arrivée de son bras droit, Jo Van Biesbroeck, au poste de directeur administratif a changé l’état d’esprit, calqué sur celui d’Ab-Inbev. Bruges et le Standard ont le mérite de miser sur une plus grosse transparence. Comme Duchâtelet avant eux, ils ne veulent pas confier la destinée de leur club à un seul agent. Le Standard aimerait même lier le contrat du joueur à celui de l’agent qui effectue le deal. Cela a déjà fait des étincelles, Verhaeghe étant réputé pour « parler trop et trop vite et passer en force » alors que la communication de Venanzi, comme dans l’affaire Legear, a souvent été raillée. Qui dit nouvelle génération dit nouvelle communication. Les relations entre chaque club sont plus directes. « Si nous sommes en concurrence pour un joueur avec Bart Verhaege ou Roger Vanden Stock, nous allons nous appeler, tenter de trouver une solution ou nous dire : « Moi aussi, je veux le joueur, bonne chance », explique Venanzi. « Concernant Trebel ; c’est Herman Van Holsbeeck qui m’a appelé et qui m’a demandé : « Si je t’offre tel prix, c’est discutable ou non ? » et ce, sans passer par un agent. Je préfère ces méthodes-là à celle de Gand qui passe systématiquement par des agents et qui ne décroche pas quand on les appelle en direct. » Au-delà des idées, il y a une urgence que les dirigeants devront gérer : les infrastructures. Le Standard, Bruges et Anderlecht sont les principaux concernés. Ils doivent soit construire un nouveau stade, soit inventer de nouvelles idées autour de l’utilisation de leur enceinte actuelle, comme Roland Duchâtelet l’a fait à Saint-Trond et aurait voulu le faire au Standard. Dans ce domaine, ils pourront suivre l’exemple des plus petits clubs, pour une fois en avance. Malines, Zulte, Ostende, Lokeren et Waasland ont érigé une nouvelle tribune. Mais cette nouvelle génération doit faire face aussi à l’arrivée d’investisseurs étrangers. Ceux-ci ont de l’ambition et de l’argent mais ont tendance à minimiser les spécificités de leur club et du championnat belge. De plus, ils n’ont certainement pas vocation à développer des idées à long terme pour le football belge. Certains investisseurs, comme Aspire à Eupen ou les Chinois en D1B comptent même utiliser notre compétition pour servir leurs intérêts nationaux. Tout cela pourrait déstabiliser le championnat et surtout rompre l’équilibre au sein de nos dirigeants. À l’inverse, cela pourrait conduire certains des caciques à une remise en question salutaire. Un pouvoir parfois très minime Qui est le patron ? Cette question, on se la pose parfois. On se demande de temps en temps qui sont ces personnes dont l’objectif est de ne pas perdre d’argent, d’équilibrer les comptes, voire de gagner un peu d’euros dans un milieu où l’incertitude financière existe. Le titre de président peut s’assimiler à un pouvoir décisionnel, mais il peut tout aussi bien être honorifique. À cet égard, le plus bel exemple restera à jamais Reto Stiffler, le sympathique hôtelier de Davos qui avait été nommé président du Standard à la demande du duo Robert Louis-Dreyfus-Luciano D’Onofrio. Mais le Suisse cachait difficilement sa méconnaissance de ses propres joueurs derrière son humour. Ce genre de présidents fantômes existe encore. Certains ont même des visages aussi méconnus que les raisons de leur présence dans ce milieu moins rationnel que leur environnement professionnel classique. À des degrés divers évidemment. Certains apportent une certaine caution de l’ancrage local et un apport évident en termes de relations comme l’industriel mouscronnois Patrick Declerck à l’Excel ou Fabian Debecq, dont la discrétion tranche avec l’omniprésence de son prédécesseur Abbas Bayat, à Charleroi. Ce dernier laisse les clés du pouvoir à Mehdi Bayat comme le font Carl Ballière à Zulte Waregem avec Francky Dury ou Jan Michel complètement éclipsé par un trio décisionnel (Paul Gheysens, le patron de Ghelamco, Patrick Decuyper et le nouveau directeur sportif et vice-président Luciano D’Onofrio) à l’Antwerp. Idem à Courtrai où Joseph Allijns préside un club qui a été racheté en 2015 par l’excentrique milliardaire Vincent Tan. Un Malaysien qui possède aussi Cardiff et Sarajevo et qui avoue se mêler des décisions… sans connaître le football. Le pouvoir d’un club ne se situe donc pas toujours en haut de l’organigramme de celui-ci. Avec l’aide d’un directeur ou manager sportif Mais ce qui est vrai pour le ventre mou du championnat ne l’est pas dans le haut de la pyramide. À Anderlecht, Bruges, le Standard ou Gand, le président n’est pas un homme de paille. Avec l’aide d’un manager ou d’un directeur sportif selon le titre qu’on lui donne, ils donnent le tempo dans leur club en tenant à l’œil la gestion quotidienne de celui-ci. Depuis plus de vingt ans (Roger Vanden Stock à Anderlecht) ou presque vingt ans (Ivan De Witte à Gand) ou depuis moins de cinq ans (Bart Verhaeghe à Bruges et Bruno Venanzi au Standard). Avec un objectif commun : ne plus perdre de l’argent dans l’exploitation avant d’enrichir le palmarès. En attendant, si une tendance actuelle veut que des fonds étrangers viennent s’emparer de clubs internationaux avec le pouvoir décisionnel qui l’accompagne, les ténors du football belge évitent ce problème. À Gand, il est même stipulé dans un document officiel qu’il ne peut pas y avoir d’apports financiers en provenance de l’étranger pour que le club reste associé à la communauté gantoise. Parce que la crainte de voir le nouveau propriétaire tourner le dos à l’ADN du club existe forcément. Sans oublier que les décisions risquent d’être prises de l’étranger sans tenir compte des réels intérêts des clubs. C’est d’ailleurs la raison qui, selon ses dires, a poussé Roland Duchâtelet à racheter le Standard : pour éviter qu’il ne tombe dans les mains des Néerlandais de Value8. Même si les faits ont démontré qu’il y en avait d’autres… Cela dit, si l’exemple anglais n’est pas encore de mise dans notre Royaume, c’est aussi parce qu’on ne parle pas le même langage sur le plan financier. Notamment en matière de droits télévisés…

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