Les Belges parcourent toujours plus de kilomètres dans leur voiture
Le parc automobile continue de croître. Même si les voitures belges font un peu moins de kilomètres chaque année, la distance totale parcourue par nos véhicules augmente. En 2015, 84,2 milliards de km avaient ainsi été parcourus. Un record.
Lundi à Tournai. Mardi à Bruxelles. Mercredi à nouveau à Tournai. Jeudi à Jodoigne et vendredi à Waregem. Le tout en partant de Ciney. Voilà à quoi ressemblait la dernière semaine de travail d’Olivier Nyssen, formateur et coach en management, qui passe d’entreprises en sociétés à travers tout le royaume. Avec pas moins de 40.000 kilomètres parcourus sur ces cinq derniers mois seulement, cet automobiliste quotidien contribue certainement aux 84,2 milliards de kilomètres avalés en une année par les véhicules immatriculés en Belgique. L’année 2015 avait en effet signé un nouveau record, selon le rapport du SPF Mobilité publié le 17 juillet dernier, synthétisant des statistiques déjà distillées au fil de l’année.
Mais pourquoi les Belges continuent-ils à parcourir toujours plus de kilomètres ?
Des voitures de société deux fois plus gourmandes
La réalité est plus complexe. Si le nombre de kilomètres augmente, c’est d’abord parce que le parc automobile continue invariablement à gonfler d’année en année. Car, inversement, les distances moyennes parcourues par les Belges eux-mêmes fondent doucement depuis plusieurs années, malgré une reprise en 2015. « Le boom du parc automobile dans les années 80 et 90 était nettement plus important, explique Marc Kwanten, auteur de l’étude du SPF. A l’époque, on passe d’une à deux voitures par ménage. Depuis 10 à 15 ans, l’augmentation se tasse, mais elle perdure car elle suit l’évolution de la population. La composition des familles a également changé : il y a plus de familles monoparentales, par exemple, qui ont des véhicules propres. » En résumé, plus de gens acquièrent une voiture mais celles-ci parcourent un peu moins de kilomètres qu’avant. Ce qui n’est pas suffisant pour que le nombre total de kilomètres parcourus diminue. Les projections du Bureau du Plan estiment d’ailleurs que ces distances en voiture vont encore augmenter de 19 % d’ici 2030. Même si la population, elle, ne croît que de 7,6 %…
En cause notamment : les voitures de société. Car ces salaires en nature ont pour effet d’augmenter l’usage de la voiture, et ce particulièrement lorsqu’une carte carburant accompagne le précieux bolide.
Sur une année, une voiture de société parcourt en moyenne le double de la distance qui s’affiche au compteur d’un véhicule personnel lambda. Mario Cools, professeur à l’ULG, spécialiste des transports et de la mobilité, estime d’ailleurs que la mesure du gouvernement fédéral ne devrait pas inverser la tendance : la voiture restant plus avantageuse que le cash que l’employé empocherait. Olivier Nyssen l’admet d’ailleurs volontiers : « J’ai eu une voiture de société pendant toute une période. Si mes enfants avaient besoin de faire un aller-retour rapide à Louvain-la-Neuve, depuis Ciney, pas de problème ! En fait, on ne réfléchit pas à ses trajets. » Pour ce travailleur toujours sur la route, le problème, en Belgique, « c’est qu’il est beaucoup trop facile de prendre sa voiture »
: « Etant un passionné, j’ai quelques voitures de collection. Pour les faire rouler, je dois dépenser une fortune. On taxe la possession et non les kilomètres. Ce n’est pas normal parce que je pollue pendant ce temps ! Si on nous faisait payer le coût réel pour la collectivité, je n’irais plus chercher mon pain en voiture… »
La périurbanisation à la belge
Mais si Olivier a tendance à faire ses courses en voiture, c’est aussi parce qu’avec son épouse, ils ont acheté en milieu (semi)rural. C’est évidemment une autre caractéristique belge, qui nous différencie de nos voisins, comme l’explique Céline Brandeleer, chercheuse pour l’Observatoire de la mobilité de la RBC : « Ce qui est propre à la Belgique, c’est la périurbanisation. La dispersion de l’habitat a été subventionnée par l’Etat. Or, l’emploi, lui, est concentré – et de plus en plus – dans quelques pôles spécifiques, principalement dans les grandes villes. » D’autant plus qu’accéder à la propriété dans les villes s’avère nettement plus coûteux, comme le souligne Mario Cools. Qui ajoute : « Politiquement, des actions peuvent être menées. En Flandre, des villes comme Gand et Louvain commencent à développer des pôles d’activité près de leur gare. Changer l’aménagement du territoire est la mesure la plus lente et compliquée, mais la plus décisive ! »
Céline Brandeleer cite encore quelques évolutions sociologiques qui ont contribué à augmenter constamment le nombre de kilomètres parcourus : l’accès des femmes à l’emploi (deux lieux de travail à considérer pour le choix d’une résidence), la fin des carrières dans une seule et même entreprise, ce qui empêche de s’établir durablement près de son emploi, l’augmentation des trajets pour d’autres motifs que le travail… Mario Cools souligne quant à lui la recherche d’emplois très spécialisés, pour lesquels les candidats sont prêts à faire de plus longs trajets.
Habitudes et compromis
C’est le cas de Camille Delmarcelle, jeune archéologue, qui après plus d’une année de recherche d’emploi, a fini par décrocher un CDD au préhisto-museum de Ramioul. Elle qui « détestait conduire », n’a pas vraiment le choix : depuis sa colocation à Bruxelles, elle prendrait jusqu’à trois heures pour rejoindre son travail si elle optait pour les transports en commun. En voiture, elle roule tout de même une heure le matin et une heure le soir.
Enfin, l’habitude joue un rôle capital dans nos déplacements. Céline Brandeleer explique ainsi que les automobilistes venant de la périphérie acceptent de passer jusqu’à une demi-heure de plus dans le trafic que des voyageurs urbains avant de changer de mode de transport.
Depuis plusieurs années, Bruxelles, engluée dans le trafic, est la seule région à avoir inversé la tendance. Mais individuellement, toutefois, certains automobilistes se questionnent. Camille n’attend qu’une chose : avoir un contrat stable pour s’installer plus près du Préhistomuseum. Olivier, lui, pense à rapatrier une partie de ses activités dans sa région.
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S'identifier Créer un compteQuelques règles de bonne conduite avant de réagir1 Commentaire
Ah mais, on voudrait bien, qu'on ne le pourrait pas, faute d'une offre alternative performante en transport en commun! C'est le problème quand on n'a rien foutu depuis 30 ans ...