L’accord sur le climat déjà fragilisé

Après huit années de négociations, les quatre ministres de l’Environnement que compte la Belgique se sont enfin mis d’accord sur le partage des objectifs climatiques de notre pays pour 2020. Renouvelables, réduction des émissions de gaz à effet de serre, répartition des revenus de la mise aux enchères des quotas de CO2, participation au financement international des pays les plus pauvres, tous les points en discussion ont été conclus samedi vers une heure du matin. Bingo ? L’affaire n’est pas complètement jouée, cependant. Les quatre gouvernements doivent encore donner leur aval au compromis conclu par leurs ministres. Et on chuchotait, dimanche soir, que des réticences sont apparues après l’annonce des détails de l’accord du côté de la Flandre et du fédéral. De quoi remettre en cause le fragile édifice ? Les pressions sont telles que ce n’est pas exclu. Les dossiers en discussion sont lourds d’enjeux. Et certains milieux économiques font le forcing pour améliorer l’épure à leur profit… « Chaque ministre doit encore rendre compte à son gouvernement, nuançait-on au cabinet de la ministre fédérale de l’Environnement Marie-Christine Marghem (MR). C’est un projet d’accord qui comporte des éléments de consensus. Les discussions se poursuivent ». Du côté bruxellois et du côté wallon, l’affaire semble mieux passer. « Il est vraiment historique que toutes les composantes de ce pays se mettent en ordre avant un sommet sur le climat tel que celui de Paris, explique le Wallon Paul Furlan (PS), seul ministre à accepter de réagir officiellement dimanche soir. Chacun a pu dépasser ses intérêts personnels pour trouver cet accord. L’envie d’arriver à une entente a été plus forte que les mandats de nos gouvernements. Chacun peut voir les choses en pointant les bonnes ou les moins bonnes nouvelles, évidemment. Mais à force de vouloir trop, personne n’obtenait rien. Je vois dans cet accord la preuve que notre Etat compliqué peut aussi marcher quand on mobilise la bonne volonté des uns et des autres ». Ecolo inquiet Reste que comme dans tout bon compromis, chacun de laisser quelques plumes et a engrangé des gains. Tant sur les renouvelables que sur les émissions de gaz à effet de serre, les trois Régions obtiennent des chiffres étonnamment plus favorables que dans la dernière proposition mise sur la table en mai dernier. Les résultats de la négociation restent même en deçà du mandat de négociation flamand sur la plupart des sujets en discussion. Le fédéral a accepté d’augmenter sa contribution à l’objectif d’énergie renouvelable. L’engagement wallon pour ce dernier point a été réduit de 12,5 à 11,5 % de la consommation énergétique en 2020. « Cela ne veut pas dire que le gouvernement wallon qui s’est fixé déjà l’objectif de 12,5 % pour 2020 va le réduire, rassure Furlan. Mais nous allons pouvoir dégager un surplus que nous pourrons valoriser à l’étranger ou auprès d’autres Régions ». Seul point où chacun a dû céder un peu : la répartition des 326 millions d’euros issus de la vente des quotas de CO2 et des 188 millions à venir chaque année ensuite. Il est vrai que les demandes initiales dépassaient largement les 100 %. Il a fallu réduire les ambitions. Reste que les Régions et le fédéral repartent avec une coquette somme dont un minimum (selon une directive européenne), servira à la politique climatique. Il s’agit par exemple de financer la politique des primes énergies ou de l’aide climatique internationale. En Wallonie, une partie substantielle de l’argent servira à la création d’un mécanisme de tiers investisseur pour des travaux économiseurs d’énergie dans les bâtiments publics ou du secteur non-marchand (hôpitaux…). Réagissant aux premières informations Ecolo dit avoir « de très fortes inquiétudes quant à la capacité des 3 Régions et du Fédéral d’atteindre les objectifs de 15 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de 13 % d’énergie renouvelable. En matière de financement climatique international, le montant annuel annoncé de 50 millions d’euros est largement insuffisant ». Tout en saluant la « volonté » de la Région bruxelloise qui présidait les négociations, le CNCD a rappelé quant à lui que « l’accord de burden sharing est une casserole que la Belgique traîne depuis des années, et qui handicape l’ensemble de l’économie belge et ses relations avec les pays les plus vulnérables aux changements climatiques ».

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