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Joëlle Milquet et Philippe Maystadt signent une carte blanche qui appelle à «une sortie de crise collective»

Alors que la crise politique dure, les deux ex-présidents du CDH et du PSC mettent en garde contre l’instabilité, la désunion francophone et le populisme dans une carte blanche.

Carte blanche - Temps de lecture: 6 min

Après deux mois de crise politique francophone et à deux semaines d’une rentrée à risques, nous nous permettons, suite aux différentes sollicitations d’interview adressées tantôt à l’une, tantôt à l’autre, ces quelques considérations personnelles, dénuées de toute velléité partisane ou polémique et basées sur le sens que nous avons toujours voulu donner à notre action politique.

Quels que soient les ressentiments actuels entre les partis francophones, les questionnements des uns et des autres relatifs à la pertinence des actes ou déclarations faites par chacun et malgré les reports mutuels des responsabilités, les positionnements parfois particratiques des uns et des autres, voire les invectives entre responsables francophones, force est de constater qu’il est plus que temps pour tous d’atterrir à la rentrée dans le calme et de mettre un terme ensemble à la « crise francophone » dans le respect mutuel, le sens des responsabilités et de l’intérêt général.

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Quatre raisons majeures

Le monde politique francophone, aussi divisé soit-il pour le moment, doit donc avoir le courage de mettre fin, sans délai, à l’instabilité politique existant depuis deux mois à la Région bruxelloise et à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Une solution raisonnable, au-delà des intérêts partisans et de certains anathèmes contre-productifs, s’impose à tous, pour quatre raisons majeures :

1.  Tout d’abord, il est urgent d’assurer le fonctionnement serein de nos deux institutions et d’y exercer pleinement les compétences, dès la rentrée, au service des citoyens. Il est à cet égard indispensable de faire avancer les différents projets essentiels dont nous avons besoin, et notamment le pacte d’excellence, qui constitue le chantier collectif le plus fondamental pour l’avenir des francophones, la modernisation et la rationalisation de l’offre d’enseignement supérieur (y compris la formation initiale des enseignants), les règles ambitieuses de nouvelle gouvernance, la mise en place de la 6e  réforme de l’Etat et du nouveau régime d‘allocations familiales, les projets de développement au service des Bruxellois et de la capitale du pays.

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2.  Une solution raisonnable s’impose au plus tôt également si l’on veut tous éviter la montée du populisme et de la crise de confiance croissante de la population face aux responsables politiques quels qu’ils soient. Ce n’est pas l’image d’une guerre de tranchées entre appareils de partis qui va redorer le blason de la politique et redonner aux citoyens l’envie d’y croire et de s’y intéresser.

3.  L’identité collective francophone doit être sauvegardée par les Wallons et les Bruxellois ainsi que la cogestion de matières aussi essentielles que l’éducation et la culture, sans pour autant renier le fait régional croissant. Il est dès lors fondamental de ne pas condamner à l’errance la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il ne s’agit pas d’être attaché à l’outil institutionnel en tant que tel ; celui-ci doit sûrement évoluer, être simplifié et être mieux intégré aux politiques régionales. Mais, en même temps, il faut sauvegarder les aspects positifs de la cogestion selon des modalités à redéfinir et empêcher une division croissante entre Wallons et Bruxellois. Sans solution de compromis rapide, c’est la nécessaire unité des francophones qui pourrait aussi être mise en péril.

4.  Il existe enfin une urgence collective francophone qui semble quelque peu oubliée : la nécessité d’une réponse conjointe aux probables exigences communautaires posées par la N-VA. Cela exige, dès à présent, la préparation minutieuse d’une stratégie commune des formations politiques. Si les négociateurs francophones de 2011 ont pu protéger les francophones au cours d’une crise longue et profonde, c’est grâce à l’unité francophone, la préparation faite en commun pendant de longs mois, la grande confiance et complicité entre tous les négociateurs politiques francophones de l’époque ainsi qu’avec le formateur. Il sera donc de toute façon indispensable de dépasser les conflits actuels et de réparer les relations humaines dégradées, relations essentielles en politique comme dans la vie, afin de rétablir un dialogue constructif et pragmatique entre les formations politiques francophones.

Pas d’exigences figées

Voilà les quatre raisons majeures justifiant, selon nous, à la rentrée, un atterrissage forcé, mais en douceur, et un retour à la stabilité.

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Cela demandera aux uns et aux autres de dépasser les intérêts partisans et de ne pas se figer jusqu’à l’extrême sur l’ensemble de leurs exigences relatives aux programmes ou aux types de coalitions :

1.  En matière de gouvernance, il semble y avoir enfin une volonté commune de voter des textes forts visant à éviter les scandales inacceptables découverts cette année, déclencheurs, au départ, de la crise actuelle. Il est possible d’aller collectivement très loin et de dépasser les derniers tabous, notamment en matière de cumul.

2.  En matière de stratégie francophone au sein de l’Etat belge comme dans le paysage intra-francophone, il peut y avoir un consensus intégrant les sensibilités de chacun.

3.  En matière de coalitions, chacun devra évidemment faire un pas. Si aucune solution alternative, quelle qu’elle soit, ne pouvait se dégager rapidement dans les deux institutions ou dans une des deux (nous pensons surtout à la Région bruxelloise), il faudra alors, pour chacun des partis appartenant aux majorités actuelles, poser un constat lucide et rationnel, faire passer l’intérêt général et le sens des responsabilités avant toute autre considération, ne pas ajouter du chaos à la crise et donc continuer à assumer les engagements pris et à exercer les responsabilités actuelles au nom de la continuité de l’Etat et du service au citoyen.

Pas de bons et de mauvais

Les cinq formations politiques francophones ont toutes des responsabilités passées, présentes et sans doute futures et ont chacune gouverné à leur tour avec les autres. Non, il n’y a pas d’un côté deux partis purs et irréprochables et de l’autre trois partis traditionnels entachés ; non, il n’y pas d’un côté un président responsable de tout et de l’autre des partis victimes sans reproches ; non, il n’y a pas d’un côté un parti devenu intégralement et collectivement infréquentable et de l’autre quatre partis qui ne pourraient connaître la critique. Il y a cinq formations francophones qui ont toutes, au-delà de leurs différences, des objectifs et intérêts communs dont il faudra reparler au plus tôt. Elles ont toutes des présidents de parti, des ministres, actuels ou anciens, ou des chefs de groupes, compétents, respectables, responsables et capables de compromis et de relations humaines.

Au vu de ce qui précède, une sortie de crise, dans le calme et le fair-play, doit être possible. Elle est en tout cas indispensable pour gérer la Région bruxelloise et la Fédération Wallonie -Bruxelles durant les 18 mois à venir dans le cadre des seules majorités qui seront objectivement possibles, qu’il s’agisse de majorités nouvelles ou actuelles ou encore de majorités complétées en tout ou partie, de majorités symétriques ou asymétriques. Mais cela ne sera possible que si, par sens de l’intérêt général, il existe une volonté commune d’opter pour des solutions constructives et pragmatiques afin d’éviter la paralysie et le blocage des institutions et la non-prise de responsabilité face aux citoyens.

Pour nous, c’est aussi cela « la bonne gouvernance ».

 

Joëlle Milquet et Philippe Maystadt signent une carte blanche sur la crise politique : ce qu’il faut en retenir

Les deux ex-présidents du CDH et du PSC mettent en garde contre l’instabilité, la désunion francophone et le populisme. Analyse de cette carte blanche.

Analyse - Journaliste au service Politique Temps de lecture: 3 min

Si Joëlle Milquet et Philippe Maystadt, grands formats centristes-humanistes, ex-futurs-sociaux-chrétiens, prennent la plume (voir ci-dessous), c’est parce que – c’est leur thèse au fond – notre histoire politique part à vau-l’eau, et qui sait pour quelles aventures ? Tout y passe dans ce texte aux accents graves. Trois choses principalement : 1. le risque d’instabilité dans l’immédiat ; 2. à moyen terme, la désunion francophone face à la N-VA ; 3. le péril populiste.

Hypothèse rouge-romaine

Joëlle Milquet et Philippe Maystadt appellent à mettre fin « sans délai » à l’« instabilité existant depuis deux mois » – et l’appel de Benoît Lutgen le 19 juin, si on compte bien. Ce qui requiert du « respect mutuel », « le sens de l’intérêt général », et puis, quand même, soyons pragmatiques, des coalitions. « Si aucune solution alternative ne pouvait se dégager rapidement » à la Fédération et à Bruxelles, alors les signataires appellent « les partis appartenant aux majorités actuelles », en l’occurrence PS et CDH à la Communauté, ajoutez Défi à Bruxelles, à poursuivre jusqu’à 2019. On a bien lu.

Au nom de la « continuité de l’Etat », et du « service au citoyen ». Une hypothèse qui semble tomber sous le sens, sauf qu’aucun représentant du CDH n’a tenu ce langage depuis le coup d’éclat du président. Au contraire. Alda Greoli, Carlo Di Antonio, Benoît Cerexhe, entre autres, en des termes durs ou feutrés mais implacables à tous les coups, ont juste plaidé tour à tour la cause de l’opération anti-PS. Excommunié par Benoît Lutgen le 19 juin. Et réhabilité ici – si l’on peut dire – par Joëlle Milquet et Philippe Maystadt, qui voient « cinq formations francophones qui ont toutes des présidents de parti, des ministres, actuels ou anciens, ou des chefs de groupes, compétents, respectables, responsables et capables de compromis et de relations humaines ». On dirait peace and love, c’est juste raisonnable, ose-t-on croire.

Tout le monde

L’instabilité politique n’est pas tout. En plus de gouverner, il faut prévoir, et pour le coup, en fait de coalitions, ici on aura besoin de… tout le monde. Tous les partis francophones. Philippe Maystadt et Joëlle Milquet, en effet, voient « une urgence collective qui semble quelque peu oubliée : la nécessité d’une réponse conjointe aux probables exigences communautaires posées par la N-VA ». A la façon de 2010-2011, écrivent-ils. Les 540 jours. On a oublié. Et on est loin du compte : déchirés après la constitution des majorités au sud en 2014, et de la suédoise au fédéral, les partis francophones le sont plus encore dans leur terrible saga estivale. La Flandre regarde, la N-VA se marre, ce n’est jamais bon.

Attention, populisme

Instabilité ? N-VA ? Plus grave, ceci : « Une solution raisonnable s’impose au plus tôt également si l’on veut tous éviter la montée du populisme et de la crise de confiance croissante de la population face aux responsables politiques quels qu’ils soient »… Employé souvent pour disqualifier les antagonismes politiques et aplatir les clivages historiques, à la façon d’un Macron en mai (qui fait pschitt, du reste), on sent bien que l’argument bateau – attention, populisme ! – est ici, au contraire, de raison. Qu’il veut ramener à une sorte de condition minimum pour garantir un vrai débat politique général. Message, autrement dit : aujourd’hui, on ne s’affronte pas, on dérape. Nuance.

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1 Commentaire

  • Posté par delpierre bernard, vendredi 18 août 2017, 14:09

    C'est vrai que pour Milquet, égérie des milieux huppés, jouer à la bobo adepte de la gauche caviar a constitué l'essentiel de ses activités et que donc la priver de son PS chéri doit lui être insupportable même si cette découverte inopinée par Lutgen et ensuite par Cerexhe des errements de ce parti relève d'une révélation étrange pour des anciens et tenaces compagnons de route muets jusqu'ici. Quant à Maystadt dont les compétences ont toujours été louées, sa grande erreur fut en 1987 de renverser le gouvernement de salut public (Maertens -Gol) avec le hérisson fouronnais et donc de ramener le ps de Spitaels au pouvoir ("le fameux retour du coeur" mais curieusement sans la restitution des trois indexations soi-disant volées aux travailleurs....) et ainsi retarder de deux décennies la périlleuse oeuvre de réhabilitation du budget selon des normes de déficit acceptables. .

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