Mazzù, le coach que les grands clubs n’auraient pas dû snober

Quand les dirigeants d’Anderlecht, du Standard, de Gand et Genk vont parcourir, ce lundi matin, avec leur café, le classement de D1, ils ne pourront que s’en prendre à eux-mêmes. Pas d’avoir raté leur début de saison. Ça peut arriver à tout le monde. Mais d’avoir snobé les deux meilleurs entraîneurs actuels de D1, Félice Mazzù et Francky Dury, au profit de solutions beaucoup plus aléatoires. Passe pour Gand qui, avec un Hein Vanhaezebrouck dont l’avenir nous dira s’il dispute la saison de trop à la tête des Buffalos, tenait ce qui se faisait de mieux sur nos terres. Mais les autres ? Seul, finalement, Mehdi Bayat a vite vu ce qu’il pouvait gagner en pratiquant la politique de la terre brûlée autour de son entraîneur. On pourra toujours lui trouver quelques défauts, au cadet des Bayat, mais pas ceux d’apprendre et d’analyser vite. Alors que tout le monde prédisait à Mazzù un départ, Mehdi a réussi le tour de force de le garder. Aujourd’hui, Charleroi pointe en tête avec le maximum de points après quatre journées et après avoir croqué Anderlecht et Genk dans sa Luminus Arena, a priori deux morceaux trop indigestes pour l’estomac des Zèbres. Pragmatisme et psychologique Et ce qui relevait de l’improbable s’est matérialisé grâce à la qualité du travail de Felice Mazzù depuis quatre ans. Là où d’autres équipes pensaient mercato, Charleroi bossait déjà dur pour être prêt pour la reprise, Mazzù ayant très vite perçu que la seule manière de compenser les départs et les failles de son noyau consistait à aborder le championnat le couteau entre les dents et à profiter de la période de rodage de certains clubs pour engranger le maximum de points. Comme on dit : ce qui est pris n’est plus à prendre. [scald=6415782:sdl_editor_representation] Mais, derrière cette vision pragmatique, digne des plus grands, se cache aussi une approche psychologique. Une bonne entame influence généralement tout le reste de la compétition. Débordant de confiance, les joueurs se sentent pousser des ailes et peuvent aborder la suite des événements sans retenue. Tout cela, Mazzù l’a compris. Alors qu’il entame sa cinquième saison, il a déjà prouvé toute sa qualité de meneur d’hommes en renversant la vapeur, après une entame catastrophique – les Zèbres n’avaient-ils pas atteint les Playoffs 1 en 2015 après un 1 sur 12 en août ? – ou, au contraire, en réussissant à maintenir le rythme d’une formation parfois partie trop vite (comme la saison dernière). Bref, en quatre ans à Charleroi, Mazzù a démontré qu’il savait manager son équipe quelles que soient les circonstances, mettre en place un état d’esprit, construire une organisation très vite et à plusieurs reprises lors de la même saison, son noyau étant maintes fois amputé de ses meilleurs éléments. Persuader malgré les qualités Et à celui qui a montré une capacité d’adaptation à nulle autre pareille, les grands clubs n’ont cessé de lui renvoyer à la figure son pedigree trop carolo ou sa méconnaissance du néerlandais. Les dirigeants avaient beau louer son travail, ils ne cessaient d’apposer un « oui mais » à la fin de chaque phrase. Trop peu expérimenté pour un grand club ? René Weiler et Ivan Leko n’avaient pourtant pas plus d’expérience quand ils ont signé à Anderlecht et à Bruges. Un néerlandais trop basique ? Bart Verhaeghe n’a pas sorti cet argument lorsqu’il était allé dénicher l’Espagnol Juan Carlos Garrido. Et Weiler, ou Paul Le Guen et Roberto Martinez cités à Anderlecht avant ne parlent pas mieux flamand que lui. Trop vieux ? Genk a nommé Peter Maes alors qu’il avait 51 ans, l’âge actuel de Mazzù. Au final, tous les grands clubs l’ont snobé depuis deux ans. Bruges n’a pas osé, respectant le pacte de non-agression conclu entre Mehdi Bayat et Bart Verhaeghe, les deux hommes forts de la Fédération. Quant au Standard, il a préféré jouer au poker et plonger dans l’inconnue Sa Pinto. Les dirigeants rouches peuvent toujours se défendre en affirmant avoir tenté le coup et contacté Mazzù, qui a finalement décliné. Mais n’est-ce pas à leur pouvoir de persuasion qu’on reconnaît les grands dirigeants ? Mazzù et Dury sont les symboles du manque d’imagination de nos dirigeants. Les deux entraîneurs ont prouvé leur capacité tactique mais aussi mentale depuis plusieurs saisons. Malgré cela, ils doivent lutter pour persuader un milieu, qui, derrière son modernisme de façade, reste accroché à certains clichés (comme la connaissance du néerlandais). En occupant les deux premières places, ces messieurs ne prennent pas seulement leur revanche : ils renvoient aux grands clubs leur absence de vision. À moins que tout simplement, les deux hommes ne soient pas représentés par le bon agent. Celui qui ouvre les portes et dicte la politique sportive d’un club.

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