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Maingain au «Soir»: «Que le MR soit cohérent et quitte le PS à Bruxelles et Liège»

Le président de Défi était très attendu à son retour de vacances. MR et CDH espèrent gouverner avec lui à la Communauté française. Lui leur pose des conditions.

Exclu Soir+ - Cheffe adjointe du service Politique Temps de lecture: 8 min

La trêve estivale se termine. Mais pas la crise politique dans les entités fédérées… Certes, une nouvelle majorité MR-CDH a vu le jour en Wallonie, après que le président du parti humaniste, Benoît Lutgen, ait rompu le 19 juin dernier avec le PS. Mais en Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles) et en Région bruxelloise, les anciennes coalitions sont toujours en place. Pas forcément dans la joie et la bonne humeur…

Les choses bougeront-elles dans les prochains jours, prochaines semaines ? Les contacts entre partis vont en tout cas reprendre. Et ce lundi, deux bureaux de parti importants se tiennent : celui de Défi et celui du PS. Le premier, pour adopter les conditions que le parti d’Olivier Maingain pose pour entrer dans un gouvernement à la Communauté et les ambitions qu’il a pour cette dernière ; le second, pour entériner le rapport de synthèse du fameux « chantier des idées ».

Tout cela dans la foulée des déclarations récentes : Didier Gosuin (Défi) estimant qu’il n’y a pas de raison de changer l’attelage PS-CDH-Défi-CD&V-VLD-SP.A à Bruxelles ; Benoît Cerexhe affirmant qu’il n’est pas question pour le CDH de continuer à gouverner à Bruxelles avec le PS ; André Flahaut poussant une majorité PS-Défi (voire MR) à la Communauté ; Olivier Chastel assurant que le MR ne s’alliera pas avec le PS dans les entités fédérées, et ne retenant qu’une coalition possible en Communauté : MR-CDH-Défi ; les humanistes Joëlle Milquet et Philippe Maystadt appelant à une «sortie de crise collective» et, à défaut, au statu quo PS-CDH…

Alors en ce début de semaine, tous les regards sont tournés vers Défi, son président ayant annoncé qu’à son retour de vacances, il prendrait une initiative pour tenter de sortir la Communauté française de l’ornière. C’est peu dire que, dans les autres partis, on attend avec impatience les (pro)positions amarante…

En exclusivité pour Le Soir, Olivier Maingain nous présente sa réponse politique et de fond aux offres de service des uns et des autres. Il se tourne vers le MR, dont il attend des gestes forts avant d’accepter de négocier/gouverner avec lui ; mais également vers les autres formations auxquelles il transmettra, lundi après-midi, les propositions amarante pour la Communauté, en termes de gouvernance et de dossiers concrets (comme l’enseignement) que son intergroupe parlementaire aura adopté le matin.

Les voici donc en primeur.

Vendredi, dans «Le Soir», le président Chastel assurait que le MR ne s’allierait pas avec le PS et invitait CDH et Défi à entamer les discussions en vue d’une nouvelle coalition à la Communauté française. Que répondez-vous ?

Nous demandons au MR de clarifier sa position sur plusieurs points, trois points en fait. Un : il est en majorité avec le PS à la ville de Bruxelles et en province de Liège, là où les scandales sont nés. S’il veut être cohérent, il doit changer sans délai ces majorités, il peut y en avoir d’autres. Le MR a-t-il cette volonté, car la cohérence c’est bien, mais il faut se l’appliquer à soi-même.

Vous jugez que la question se pose de la même manière dans les entités fédérées que dans une commune ou une province ?

C’est encore plus nécessaire [de changer les majorités] là où les scandales sont nés. Que le MR mette de l’ordre dans les institutions où il est et où il a participé aux scandales. La deuxième clarification à apporter concerne la gouvernance : jusqu’où le MR adhère-t-il à la charte de gouvernance publique pour Bruxelles que nous avons présentée mi-juillet avec Ecolo et Groen ?

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Jusqu’ici, seul le PS, plus disponible sous la contrainte des événements, nous a répondu. Ni le MR ni le CDH n’ont manifesté d’adhésion à ce cahier des charges qui va bien au-delà de ce qui existe en Région wallonne et de ce qui est prévu au fédéral où le MR s’est rallié à la proposition minimaliste de la N-VA (il n’y a pas de décumul intégral des mandats, pas de plafonnement à 150 % de la rémunération mandats privés compris…).

Jusqu’où le MR adhère-t-il à la charte de gouvernance publique pour Bruxelles que nous avons présentée mi-juillet avec Ecolo et Groen ?

Et votre troisième demande au MR ?

Nous lui demandons s’il a la capacité et la volonté de l’unité francophone pour préparer l’avenir des francophones. A cet égard, je rejoins la carte blanche de Joëlle Milquet et Philippe Maystadt dans «Le Soir».

Ah oui ?

Oui, car ils posent la question de l’unité des francophones. Par son geste du 19 juin, Benoît Lutgen a ouvert la boîte de Pandore d’une nouvelle réforme de l’Etat. Il est important de savoir comment les francophones vont s’y préparer, pour tenir une ligne commune plus ferme que celle sur la 6e réforme de l’Etat, où je rappelle que tous les partis francophones avaient dit « pas de scission de BHV sans élargissement de Bruxelles ». Nous voulons fortifier la Communauté et nous demandons un engagement solennel de tous les partis francophones pour pérenniser la Communauté et ses compétences. Nous nous opposons à tout transfert de compétences vers les Régions, car c’est une perte de temps et préjudiciable aux francophones.

Nous nous opposons à tout transfert de compétences vers les Régions, car c’est une perte de temps et préjudiciable aux francophones.

Tout transfert, quel qu’il soit ?

Oui. Nous demandons qu’on maintienne les compétences. Il y a mieux à faire que de se lancer dans un débat entre francophones sur les transferts de compétences. Mieux à faire, c’est quoi ? Notre première préoccupation, c’est la qualité de l’enseignement. Peut-on conclure un accord solennel sur l’amélioration de la qualité de notre enseignement et de ses performances par rapport aux enquêtes PISA dans les cinq ans, car augmenter nos résultats dans ces enquêtes serait la preuve que notre enseignement s’est amélioré. Il faut avoir l’ambition de dépasser la moyenne européenne dans les 5 à 10 ans (lire ci-dessous les propositions de Défi en matière d’enseignement).

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Et en matière de gouvernance, nous demandons la dépolitisation de la fonction publique en Communauté française. Or, le PS et le CDH portent une responsabilité historique en la matière (tout comme dans les Régions). Le CDH a été totalement complice du PS pour favoriser cette politisation à outrance.

Tout cela, ce sont des conditions préalables que vous posez ?

Lundi après-midi, nous transmettrons nos propositions aux différents partis, comme base de discussion. Pour savoir qui veut discuter avec nous, en prenant en considération ces points. C’est important que le citoyen sache sur quelle base chaque parti s’engage, tant sur les aspects programmatiques que de réforme de la gouvernance. On verra si on accepte de discuter avec nous.

Sinon ?

Je n’ose pas imaginer que les points que nous évoquons ne fassent pas partie d’une discussion entre responsables politiques qui veulent dépasser la phase conflictuelle. On est confrontés à une crise profonde. Il faut la lucidité de poser les choix essentiels pour l’avenir des francophones et le montrer aux citoyens au-delà du couplet « je t’aime moi non plus ». Comme le dit Olivier Chastel, c’est vrai, nous ne sommes pas indispensables en Communauté française. Mais que ceux qui veulent se passer du Petit Poucet le disent.

Et si le MR refuse vos conditions ?

J’attends les réponses. Si le MR dit qu’il a manqué de vigilance par rapport aux dérives, j’en prendrai acte, mais qu’ils en tirent les conséquences.

Mais vous posez aux libéraux certaines conditions difficilement acceptables, des changements d’alliance…

Pourquoi ce serait plus difficilement acceptable pour eux ? C’est tout aussi difficile pour nous de participer à une majorité alors que Benoît Lutgen et Elio Di Rupo nous ont dit en 2014 que nous n’étions pas indispensables. A l’époque, c’était l’enthousiasme PS-CDH et on nous a répondu sans sympathie.

Pour le MR, il n’y a plus qu’une majorité possible en Communauté : MR-CDH-Défi. Vous en pensez quoi ?

Ce qui est dit à un moment n’est pas forcément confirmé… Je ne cherche pas à savoir quels partis, mais qui adhère à un certain nombre de projets. Après, on verra avec qui négocier. Je veux savoir quel est le projet MR, quel est le projet CDH. Le CDH veut le changement en Communauté, mais lequel ? Je rappelle qu’il avait 80 % des moyens budgétaires liés aux compétences francophones : que veut-il changer dans ces compétences qu’il avait lui-même ? Nous mettons cartes sur table. Le CDH est-il prêt à abroger le décret inscription, qui est un échec car il n’a pas favorisé la mixité ?

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Et si vos conditions/propositions ne sont pas acceptées ?

Il y a un gouvernement qui doit continuer à fonctionner. C’est la logique dans les entités fédérées : il n’y a pas de gouvernement en affaires courantes, sauf si tous les ministres démissionnent. C’est la loi qui le dit : les gouvernements doivent continuer à travailler.

Vous ne vous sentiriez aucunement responsable de la crise en Communauté française ?

Non. Que Benoît Lutgen tire les conséquences de ses actes en proposant autre chose, mais jusqu’ici, il ne propose rien. Je n’ai pas de réponses quand je lui pose des questions précises. Moi, je rends public mes engagements ; que chacun dise ce qu’il veut pour former une nouvelle majorité.

Vous dites vouloir fortifier la Communauté, mais cette crise l’affaiblit. Ce n’est pas embêtant pour vous ?

Non. Ceux qui ont pris le risque de l’affaiblir, c’est le CDH, par une initiative mal évaluée. Il ne faut pas confondre. C’est embêtant surtout pour ceux qui en ont pris la responsabilité. C’est pour cela que nous faisons des propositions, pour solidifier la Communauté française.

Depuis juin, vous adoptez des positions très fermes, très dures, qui peuvent surprendre. Pourquoi ?

Ma stratégie est simple, cohérente : il y a eu des accords de majorité et un seul parti a décidé de les rompre, sans concertation, alors qu’il n’y a rien à reprocher à Défi en termes de scandales. Pourquoi devrions-nous être moins exigeants alors qu’eux sont responsables ?

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Maingain demande l’abrogation pure et simple du décret inscription

Voici quelques propositions de Défi en matière d’enseignement.

Cheffe adjointe du service Politique Temps de lecture: 2 min

Au-delà du propos plus purement politique, Défi adoptera ce lundi, en intergroupe parlementaire, des propositions concernant les dossiers concrets de la Communauté française. Olivier Maingain nous en livre quelques-unes en matière d’enseignement, « l’amélioration de sa qualité et de ses performances » étant la priorité du parti amarante. Une amélioration que Défi veut voir paraître clairement dans les enquêtes PISA, espérant que la Communauté y dépassera la moyenne européenne dans les 5 à 10 ans.

Pour cela, différentes pistes sont retenues par le parti.

Que tous les partis soient liés au Pacte d’excellence. « Nous demandons, explique Olivier Maingain, que le Pacte d’excellence ne soit pas seulement lié aux partis de la majorité, mais que tous les partis s’engagent à son égard, avec des objectifs chiffrés et évalués régulièrement, pour qu’il n’y ait pas de remise en cause permanente, aux changements de gouvernement, ni de débats futiles comme sur les sodas. Il faut garantir tous les objectifs sur le long terme. »

Allonger le temps scolaire. « Il faut avoir le courage de dire qu’il faudra allonger le temps consacré aux études, le temps passé à l’école chez nous étant l’un des taux les plus faibles des pays développés. »

Abroger le décret inscription. « Nous demandons l’abrogation pure et simple du décret inscription. L’excellence doit être la condition de notre enseignement. Il n’y a pas lieu de considérer que des écoles sont trop élitistes ; il faut donner à chaque enfant le moyen d’atteindre son excellence. »

Mettre de l’ordre dans l’enseignement fondamental. « Nous voulons que le ministre de l’enseignement n’ait plus la double autorité : celle du pouvoir organisateur et celle du pouvoir régulateur. Il faut l’indépendance du ministre pour gérer l’enseignement officiel. Or, il y a parfois une concurrence entre pouvoirs organisateurs (ville, commune, province, Communauté…). »

Revaloriser la formation initiale des profs. « Nous demandons que l’on revalorise la formation initiale des enseignants, notamment en organisant la 4e année pour les enseignants du fondamental en l’axant sur la formation en alternance et sur le renforcement de la maîtrise de la langue de l’enseignement, car il y a de terribles lacunes à cet égard, chez les élèves mais aussi chez les professeurs. »

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13 Commentaires

  • Posté par Jean Wallon, jeudi 24 août 2017, 15:39

    La Wallonie n'appartient pas à Bxl. Défi n'a pas sa place en Wallonie. Nous n'avons pas besoin des bruxellois ni de la bruxelloise RTBF et de sa compère rtl. Il est urgent que la Wallonie se libère de la Flandre de la belgïe et des bruxelllo-flamands.

  • Posté par Wathelet Michel, mardi 22 août 2017, 8:48

    Peut on espérer des réponses aussi claires et précises de la part du MR et du CDH, j'attend avec beaucoup d'impatience.

  • Posté par Mernier Andre, lundi 21 août 2017, 22:13

    Excellent Monsieur Maingain! En poussant les apprentis-sorciers au bout de l'absurdité de leur raisonnement, il montre qu'il y a encore des politiques responsables et intelligents.Merci.

  • Posté par Slezingher , lundi 21 août 2017, 12:15

    Monsieur Maingain ferait mieux de montrer l'exemple et faire de ce qu'il réclame aux autres partis et particulièrement au MR: 1. il abandonne tous ses postes à l'exception d'un et 2. il quitte le gouvernement bruxellois puisque le PS le dirige!! Autant rêver!

  • Posté par Slezingher , lundi 21 août 2017, 12:15

    Monsieur Maingain ferait mieux de montrer l'exemple et faire de ce qu'il réclame aux autres partis et particulièrement au MR: 1. il abandonne tous ses postes à l'exception d'un et 2. il quitte le gouvernement bruxellois puisque le PS le dirige!! Autant rêver!

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