Sept choses à retenir de la longue interview de Macron

PARIS De notre envoyée permanente Il avait voulu prendre de la hauteur. Rendre sa parole rare, au point même de faire l’impasse sur la traditionnelle interview du 14 juillet. Mais cette posture, censée lui éviter le piège du commentaire permanent dans lequel avait sombré François Hollande, le conduisait à son tour droit dans le mur. Après une chute brutale dans les sondages, le changement de cap est radical. C’est dans une interview de vingt-deux pages qu’Emmanuel Macron rompt le silence ! Face aux journalistes du Point, qu’il a reçu il y a quelques jours, il n’a esquivé aucun sujet (en recevant la presse étrangère, dont Le Soir, en juin, il n’avait accepté de parler que de diplomatie). L’entretien, dans lequel le président français plaide justement pour le temps long, aura duré deux heures et demie ! Le moment ne doit évidemment rien au hasard. Le magazine sort ce jeudi, le jour même où le Premier ministre dévoilera à Matignon le contenu des ordonnances sur la nouvelle loi Travail. Un jour clé qui marquera l’orientation du quinquennat. Un quinquennat dont il a voulu redessiner le sens. Ce qu’il faut en retenir ? 1. Sur ses premiers pas « Les cent jours ne sont pas une étape pertinente », dit Emmanuel Macron. Il affirme qu’il s’attendait à vivre avec l’impatience du peuple, mais ajoute : « Quand on arrive au pouvoir, on ne fait pas les choses en cent jours. Ou alors nous serions le seul pays qui ferait deux ans de campagne présidentielle pour gouverner trois mois ». Il estime carrément avoir « tourné la page de trois décennies d’inefficacité ». C’est une constante des présidents français : revendiquer le temps long. François Hollande aussi revendiquait de n’être jugé qu’à la toute fin du quinquennat. Mais il s’était piégé lui-même en fixant l’horizon sur l’inversion de la courbe du chômage. [scald=6859600:sdl_editor_representation] 2. Sur le « monde ancien » Les « forces du monde ancien » en prennent pour leur grade : « Elles sont toujours là, bien présentes, et toujours engagées dans la bataille pour faire échouer la France. Tous ceux qui réclament un bilan dès aujourd’hui sont les mêmes qui disaient d’abord que j’étais un intrus, un opportuniste, ensuite qu’il n’était pas possible que je gagne, enfin que je n’aurais pas de majorité à l’Assemblée nationale ». C’est une nouvelle version du réquisitoire contre les freins français. Il y a quelques jours déjà, lors d’une tournée en Europe de l’Est, Emmanuel Macron avait lancé que les Français détestaient les réformes, qu’ils n’aspiraient qu’à une véritable « transformation ». 3. Sur sa présidence Il avait lui-même théorisé la « présidence jupitérienne » mais il en revient. Le mot a été largement raillé, devenant le gimmick de l’opposition et même des humoristes (« Par Jupiter ! » est le nom de la nouvelle émission de Charline Vanhoenacker sur France Inter) au risque de coller à son mandat comme le chewing-gum du capitaine Haddock. « Par la Constitution de 1958, le président de la République n’est pas seulement un acteur de la vie politique, il en est la clé de voûte. En architecture, quand la clé de voûte est mal positionnée, tout s’effondre », dit-il. Le chef de l’État, élu avec seulement 24 % des voix au premier tour, affirme avoir retenu la leçon. « La brûlure de l’attente, de la colère, du populisme, je l’ai encore là. » La mise au point vise à faire taire la critique qui le campe en président des plus aisés, négligeant les classes populaires. [scald=6857950:sdl_editor_representation] 4. Sur le terrorisme Avant son élection, Emmanuel Macron s’était déjà démarqué de l’ancien Premier ministre Manuel Valls pour qui il ne fallait pas s’étendre sur les causes du terrorisme. Le président, qui fait désormais de la lutte contre le terrorisme islamiste (qu’il nomme explicitement) reste sur sa ligne. Il convient, dit-il, de lutter contre le terrorisme sur tous les fronts. « Notre réponse doit être à la fois sécuritaire, économique, culturelle et éducative. Notre société a besoin de récits collectifs, de rêves, d’héroïsme ». [scald=6859601:sdl_editor_representation] 5. Sur la transformation française Emmanuel Macron devait redonner du sens, tisser un fil d’Ariane alors qu’une série de mesures prises dans l’urgence cet été ont été mal reçues par les Français : des efforts budgétaires (réduction du budget du logement pour les étudiants, réduction des contrats aidés qui ont fait bouillir les mairies, gros employeurs de ces emplois subventionnés, etc.). Le président affirme que ces mesures parcellaires sont destinées à s’inscrire dans un mouvement plus large. D’autres mesures seront prises pour les étudiants, y compris une réforme de l’entrée à l’université. « Nous ferons en sorte que l’on arrête, par exemple, de faire croire à tout le monde que l’université est la solution pour tout le monde », dit Emmanuel Macron. C’est une véritable bombe. La sélection de l’entrée à l’université a toujours été rejetée quand elle a été tentée. Mais l’Elysée veut en finir avec un système à bout de souffle, qui a conduit cette année à tirer au sort les dernières places en faculté. Emmanuel Macron fait de la jeunesse l’une de ses priorités : « Les pauvres d’aujourd’hui sont souvent moins les retraités que les jeunes ». Manière de préparer les seniors à une hausse de la contribution sociale généralisée qui leur sera défavorable. [scald=6859766:sdl_editor_representation] 6. Sur la réforme du travail Emmanuel Macron a choisi le jour de présentation de la réforme du Travail pour s’exprimer. C’est évidemment tout sauf un hasard. « C’est une réforme copernicienne », promet Emmanuel Macron. L’objectif est rappelé : faire baisser le chômage, qui reste l’une des préoccupations essentielles des Français (9,5 % de chômage). Le locataire de l’Elysée n’ignore pas les efforts exigés : « Mon souhait n’est pas que ce soit facile mais efficace ». Alors que les ordonnances seront dévoilées ce jeudi midi par le Premier ministre Édouard Philippe, Emmanuel Macron peut se féliciter d’une excellente nouvelle : contrairement à la CGT, qui a déjà prévu de manifester le 12 décembre, l’autre grande centrale, Force ouvrière, qui avait pourtant battu le pavé contre la loi El-Khomri ne défilera pas cette fois, jugeant que les circonstances ne sont plus les mêmes. [scald=6859765:sdl_editor_representation] 7. Sur François Hollande L’ancien locataire de l’Elysée avait attaqué le premier, mettant son ancien poulain en garde contre les « ruptures » s’il allait trop loin dans la réforme du travail. Emmanuel Macron lui renvoie la monnaie de sa pièce. « Il serait étrange que l’impossibilité qui a été la sienne de défendre son bilan devant les Français puisse motiver une tentation, durant les années qui viennent, de le justifier devant les journalistes. » Emmanuel Macron, qui avait jusqu’ici plutôt épargné François Hollande, même s’il avait rompu avec l’ancien Président, est prêt à oublier la bienveillance si l’ex-chef de l’État venait à entraver son action.

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