La puissance exorbitante de la Chine trouble la neuvième session du Brics

Les rues de Xiamen, au Sud-Est de la Chine, sont pavoisées aux couleurs du sommet « Brics », qui y tient sa neuvième session ces 4 et 5 septembre, rassemblant les leaders du Brésil, de Russie, d’Inde, de Chine et d’Afrique du Sud. Ce groupe de cinq grands pays émergents a été créé par Pékin, en même temps que d’autres tel le « Club de Shanghai » des pays d’Asie Centrale, pour concurrencer l’Occident et projeter à travers le monde le pouvoir chinois. Ensemble, ces cinq pays représentent 40 % de la population et 20 % de l’économie mondiale. L’interdépendance croît à vitesse de l’éclair : de janvier à juillet cette année, les échanges Chine/Brics ont augmenté de 26 %, passant à 167 milliards de dollars. [scald=7089302:sdl_editor_representation] Néanmoins, les rapports sont flous et chargés de non-dits : les autres pays du « club » se méfient de la puissance exorbitante de la Chine, qui par sa taille (22 % de l’humanité) et son PIB de 18 % de la planète, a les moyens de s’imposer. Pékin est en demande des matières premières de ses partenaires : le bois de Sibérie comme de l’Amazone, le pétrole de Russie et du Brésil, le charbon d’Inde, le minerai de fer du Brésil, le coton, le soja, le maïs, les métaux non ferreux, tout part chaque jour par cargos entiers vers les ports de Shanghai, Tianjin ou Hangzhou. Ces pays sont payés par la Chine, en dizaines de milliards de dollars, mais ils ressentent malgré tout l’appropriation chinoise, ces millions de Chinois qui s’installent sur leur sol et rachètent tout à tour de bras, petits commerces comme usines ou fermes. Le Brésil par exemple, a voté une loi pour empêcher la Chine d’acheter ses surfaces de terres à maïs ou à soja. Une puissance militaire qui effraie De même, 70 jours de conflit entre Inde et Chine dans l’Himalaya ont failli faire capoter le Sommet de Xiamen. En effet, depuis le 16 juin, l’armée chinoise s’était déployée au Bhoutan sur le plateau du Doklam, à 5.700 m d’altitude, tentant de passer en force pour créer une route stratégique. Quatre cents hommes de l’armée indienne avaient été lancés pour s’opposer aux éclaireurs de l’Armée populaire de libération (APL). Finalement, Xi Jinping, le leader chinois, conscient du fait qu’en cas d’insistance, le Premier ministre indien Narendra Modi boycotterait Xiamen, donnait l’ordre de retrait la semaine passée, sauvant ainsi « son » Sommet. [scald=7089300:sdl_editor_representation] La Russie de Vladimir Poutine, pour sa part, se livre à l’exercice périlleux d’armer la Chine. Mais les chasseurs bombardiers et les destroyers qu’elle lui livre, sont invariablement vieux de trois ou quatre générations, de manière à conserver son avance technologique sur le « partenaire » chinois. Ce qu’elle craint, bien sûr, est la capacité de ce voisin méridional, à peupler son sol. Actuellement, la Russie, qui ne fait plus d’enfants, angoisse de voir des colonies légales ou non, d’au moins 500.000 Chinois cultiver sa Sibérie d’Extrême-Orient – terres autrefois chinoises, qui furent prises par la Russie tsariste à la fin du XIXe siècle. Des « Nouvelles routes de la soie » Un des grands enjeux de cette alliance Brics, pour lequel la Chine est prête à sacrifier des centaines de milliards de dollars dans les décennies à venir, est le plan des « Nouvelles routes de la soie ». À travers ces pays – et bien d’autres –, la Chine veut créer des axes de développement regroupant internet, chemins de fer, routes classiques ou voies navigables. Ainsi la Chine bâtit pour 10 milliards de dollars un TGV Kazan-Moscou, qui doit plus tard rejoindre Pékin pour un coût total de 200 milliards de dollars. Dans l’immédiat, l’objectif du sommet de Xiamen, est d’agir pour intégrer des économies si différentes, de pays que presque rien ne lie culturellement. Par exemple, en créant des fonds d’investissement communs ou en réduisant mutuellement les droits de douane – à condition de parvenir à surmonter les méfiances réciproques. Un voisin encombrant, comme une bombe H Justement, un invité qu’on n’attendait pas s’est immiscé dans les débats : la Corée du Nord, en faisant détonner la veille du sommet une bombe à hydrogène quatre fois supérieure à celle d’Hiroshima ; et en tirant trois jours plus tôt un missile au-dessus du Japon. Cette affaire concerne la Chine et la Russie car ce missile a le potentiel de frapper Moscou comme Pékin. Et malheureusement, comme ces deux pays rivalisent pour l’influence sur le pays du Matin calme, celui d’entre eux qui couperait entièrement ses aides au petit voisin, perdrait tout, laissant champ libre à l’adversaire… [scald=7089301:sdl_editor_representation] Les dirigeants des cinq grandes puissances émergentes ont tout de même « désapprouvé fortement » lundi l’essai nucléaire effectué la veille par Pyongyang, appelant à « une solution pacifique ». Telle est l’ambiance du sommet Brics : peut-être une brillante union politique et monétaire à long terme, mais pour l’immédiat, un tissu de méfiance et d’arrière-pensées.

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