Les droits de télévision dans le vélo, ce n’est pas pour demain

Voici plus ou moins douze mois, nous évoquions la possibilité pour le cyclisme de grandir à l’échelon des droits qu’il engendre à la télévision. Le groupe « Velon », la société qui a proposé au cyclisme le système de caméra embarquée (et dont les effets sont réussis, il faut en convenir), avait plus ou moins promis, dans sa quête de l’irrésistible ascension vers la perfection, un retour financier aux équipes. Directement ou indirectement par le biais des droits de télévision. [scald=125316:sdl_editor_representation] Un an plus tard, les choses ont légèrement bougé, mais pas dans les proportions que pensaient observer les onze formations ayant donné leur accord à Velon dont on rappelle la fonction en dehors de son système sophistiqué de caméra embarquée : ce groupement de onze équipes (Belkin, BMC, Cannondale, Lampre, Lotto, Etixx, Orica, Giant, Sky, Tinkoff et Trek) propose aux organisateurs les meilleurs coureurs des meilleures équipes au départ de leurs courses. N’est-ce pas déjà le cas du WorldTour ?, demanderont finement les observateurs. Si les meilleures équipes, ou en tout cas celles en possession d’une licence doivent participer aux meilleures épreuves choisies unilatéralement par l’UCI, rien n’oblige les équipes, contractuellement, à mettre leurs meilleurs coureurs à disposition même si, dans la plupart des courses, les meilleurs sont là. Avec Velon, c’est donc obligatoire. La maigre contrepartie vient des droits de télévision négociés avec le pays organisateur (rare), la société qui organise (systématique) et Velon. Récemment, le Tour d’Abou Dhabi disputé dans l’indifférence générale a rapporté plus d’argent aux équipes (45.000 euros chacune) inscrites que plusieurs compétitions du même niveau en Europe. Les grands coureurs, dont certains étaient déjà en vacances depuis un moment, étaient au départ… Cette diversion aide à mieux comprendre pourquoi le système reste encore figé. Car il ne dépend pas d’un protocole sain et unanimement ratifié. Il n’existe pas comme en football des répartitions des droits estimés par la valeur du championnat, par le nombre de chaînes qui retransmettent les images et surtout par la valeur d’une compétition estimée par ces mêmes chaînes de télévision. On s’étonnera ainsi de constater que la Bundesliga rapporte cinq fois moins d’argent que la Premier League, simplement parce que l’offre « TV » est moins supersonique en Allemagne. En cyclisme, c’est le Tour de France et sa société ASO qui ont la main. On estime la recette télé à plus ou moins 45 millions pour le Tour. A titre de comparaison, celle d’une course d’un jour comme le Grand Prix de l’E3 rapporte 200.000 euros à l’organisateur. Mais on est loin des… 7 milliards conclus par les chaînes anglaises pour la Premier League dans le nouveau contrat 2016-2019 signé récemment par « Sky » et « BT ». Pour en terminer avec cette comparaison, il faut savoir que les droits de télévision reversés aux équipes de football sont calculés en fonction d’un classement établi par les ligues respectives (Anderlecht reçoit davantage de droits que Westerlo et le club le plus bankable d’Europe est le Real Madrid avec 140 millions de droits reçus, devant Barcelone et Liverpool). Le budget annuel d’une équipe cycliste de très haut niveau est de 20 millions d’euros… En cyclisme, ces droits ne sont pas versés aux équipes directement. Prenons un exemple précis, celui d’une course d’un jour labellisée WorldTour comme le Tour des Flandres dont le budget est estimé à un million d’euros. Les 200.000 euros obtenus des droits de télévision, au prorata du nombre de chaînes qui diffusent l’épreuve, permettent de verser 7.500 euros à chacune des équipes inscrites. Dans le milieu cycliste, on parle de « remboursement des frais de déplacement » octroyés aux équipes, pas de droits de télé. Au Tour de France, cette somme est de 60.000 euros par équipe. Ce qui fait 1,2 million d’euros, une paille par rapport aux 45 millions des droits perçus par la société organisatrice, ASO qui, soyons précis, verse également aux équipes des primes de victoire, etc. Pour les équipes, d’une manière générale, le système est insuffisant, il a été dénoncé à plusieurs reprises par les grands managers. Les équipes doivent en effet payer leur licence WorldTour (sur trois ans) ainsi qu’un droit d’enregistrement annuel (85.500 euros en 2016) et s’acquitter d’un droit d’entrée de 100.000 euros pour accéder à Velon. Les acteurs doivent donc payer pour se produire sur la route, ce qui est plutôt rocambolesque. L’Union cycliste internationale a d’ailleurs rééquilibré la répartition des engagements financiers qui étaient de 40 % pour les équipes et de 60 pour les organisateurs. Ceux-ci paieront plus cher en 2016 : le GP Prix de l’E3, épreuve WorldTour, coûtait 24.000 euros pour obtenir l’inscription au calendrier. Le montant sera de 28.800 euros l’année prochaine, une sérieuse augmentation. Que réclament les équipes inscrites ou non au système Velon ? Plus d’argent issu de la télévision. C’est compliqué pour plusieurs raisons. Le cyclisme est gratuit et n’engendre aucune recette sur les entrées comme à un match de foot. Tout juste peut-il faire du profit avec des organisations VIP et bien entendu avec ses sponsors. Le cyclisme est, pour l’essentiel, produit et diffusé par des chaînes publiques (RTBF, Sporza, France Télévisions, RAI, etc.). Il ne peut donc générer des bénéfices via un abonnement sur une chaîne payante. Les équipes reprochent aux organisateurs, à ASO surtout, de gagner trop d’argent « sur leur dos ». Elles réclament donc davantage que les sommes énoncées jusqu’ici. Des patrons qui investissent personnellement de l’argent, comme Oleg Tinkov, dénoncent « un empire dictatorial sans foi ni loi à fin de profits unilatéraux », dixit l’oligarque russe. Du coup, ces managers poussent Velon à discuter avec les organisateurs. C’est déjà fait avec RCS (Giro), on peut même parler d’un sérieux rapprochement dont la concrétisation s’est matérialisée à Abou Dhabi. Mais tout cela pourrait être remis en question. D’abord, le groupe Velon ne recense toujours que onze équipes, ce n’est pas assez. Ensuite, il est devenu impopulaire en un courrier envoyé aux coureurs des onze équipes pas plus tard que mardi. Poussé par les… équipes, et donc l’employeur des coureurs, il demande aux athlètes de céder leurs droits d’image, ce qui est impossible, en France par exemple, où certains sont payés, pour une partie de leur salaire, via ces droits. Gianni Bugno, le président de l’Association des coureurs professionnels (CPA), a envoyé un courrier aux coureurs leur intimant de ne pas signer ce document. Enfin, Velon insiste pour diffuser sur antenne les données statistiques des coureurs pendant la course. Ce système a déjà été testé, il a peu d’intérêt car c’est très technique et les coureurs estiment, à juste titre, qu’il s’agit là d’une sorte d’atteinte à leur vie privée déjà largement entaillée avec l’antidopage.

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