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L’iPhone, à la fois force et faiblesse d’Apple

L’entreprise a décollé il y a 10 ans grâce à son terminal tactile. Aujourd’hui, Apple présente son nouvel iPhone. Tous modèles confondus, l’iPhone représente deux tiers de son chiffre d’affaires.

Analyse - Journaliste au service Economie Temps de lecture: 4 min

Cela fait plus de deux ans qu’il alimente les plus folles rumeurs de la planète high-tech, accompagnées d’images de synthèse par centaines. Le nouveau modèle marquant les 10 ans de l’iPhone sera dévoilé par Apple ce mardi à 19 h (heure belge) en direct sur le net depuis le Steve Jobs Theatre, au cœur du nouveau QG californien de la marque.

Pour marquer cet anniversaire, la Pomme devrait frapper les esprits grâce aux innovations de cet « iPhone X » (nom présumé définitif de ce modèle super premium, les iPhone 8 et 8 Plus n’étant que des resucées du 7 et du 7 Plus). Celui-ci se distinguerait des versions précédentes et de la concurrence tant par son design (un écran Oled de 5,8 pouces occuperait toute la face avant, l’arrière renouerait avec le verre) que par ses fonctionnalités (identification par reconnaissance faciale, caméra 3D, recharge sans fil).

Condamné à renouer avec la croissance

A quelques heures de cette annonce, le géant de Cupertino est sous pression maximale. En effet, au cours des dix dernières années, il a connu un succès étourdissant avec son smartphone qui constitue aujourd’hui plus de 60 % de ses revenus. Autrement dit, la santé d’Apple est conditionnée par celle de l’iPhone. « Ce type de lancement représente donc un gros risque pour Apple, explique Nicolas Van Zeebroeck, professeur d’innovation numérique à la Solvay Brussels School of Economics & Management (ULB). Mais nuançons : ce risque ne relève pas d’un effondrement des volumes de ventes mais plutôt de l’incertitude sur le taux de croissance de ces ventes. »

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Poussé dans le dos par le marché, Apple est condamné à renouer avec la croissance de ses ventes d’iPhone (elles avaient chuté légèrement l’an dernier, pour la première fois depuis 2007). Dur ! Le secteur du smartphone a en effet connu un net ralentissement l’an dernier (« seulement » 2,5 % de croissance en 2016) et reprend une vigeur toute relative depuis le début 2017 (+3 %). Pour compenser cela, la Pomme pourrait miser sur l’accélération de ses ventes d’Apple Watch et de ses services en ligne (iCloud, iTunes, App Store), de même que sur un accroissement de ses marges sur l’iPhone. Le modèle X premier prix devrait ainsi effet tutoyer les 1.000 euros. Un tarif que les consommateurs apprécieront très diversement selon le degré d’attrait du nouveau joujou…

En position dangereuse

Et le marché financier ? « Il s’attend à une croissance moindre qu’initialement envisagée », répond Nicolas Van Zeebroeck tout en ajoutant : « Malgré ses 10 ans et le lancement imminent d’une nouvelle génération, l’iPhone a jusqu’ici continué à croître très rapidement et a dépassé les attentes des analystes. De plus, les autres catégories de produits de la marque – singulièrement les services et les montres connectées – ont grandi plus vite. On peut donc s’attendre à ce que l’entreprise continue à dégager une croissance de plus de 5 %. Le titre pourrait même prendre 10 % dans les 12 mois si les ventes de l’iPhone X s’avèrent concluantes. »

Et après ? Depuis la disparition de son fondateur, Steve Jobs, en 2011, on dit Apple en panne d’innovation. Or, c’est celle-ci qui déterminera l’avenir à long terme de la première capitalisation boursière au monde (plus de 800 milliards de dollars). «  Avec les deux tiers de son chiffre d’affaires tirés de l’iPhone, Apple est en position dangereuse pour les années à venir. Elle a besoin de nouveauté, estime Gino Van Ossel, professeur de marketing à la Vlerick Business School. D’autant qu’elle manque actuellement de relais de croissance. Elle est passée à côté du monde de l’entreprise avec le Mac et doit faire face au déclin de la tablette, phagocytée par les smartphones à grand écran. »

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Voiture électrique, enceinte intelligente...

Des relais de croissance, Apple en cherche activement. La Pomme a voulu un temps se lancer dans le marché de la voiture électrique, autonome et connectée, avant de reconnaître à demi-mot l’abandon partiel de cette ambition. On lui prête l’intention de développer fortement son offre de contenus audiovisuels avec un service de vidéo en streaming, un rapprochement avec Hollywood et un lancement dans la production de contenus. Encore lui faudra-t-il jouer des coudes avec Netflix et Amazon... Puis, tout comme Mark Zuckerberg (Facebook), Tim Cook, CEO d’Apple, ne cache par son net attrait pour la réalité augmentée. Enfin, l’entreprise entrera sur le marché de l’enceinte intelligente en commercialisant son Home Pod, dès la fin de l’année aux États-Unis, face à l’Echo d’Amazon et au Google Home. Or, la reconnaissance et la commande vocales pourraient constituer un grand virage de l’informatique personnelle d’ici 5 à 10 ans.

Les dirigeants d’Apple le savent : ce virage s’accompagnera du déclin du smartphone tel que nous le connaissons aujourd’hui. Ils ne pourront pas se permettre de le rater. Sous peine de rejoindre Nokia et les autres, au cimetière des géants technologiques devenus trop peu visionnaires.

 

Tarif: le cap pas si fou des 1.000 euros

Journaliste au service Economie Temps de lecture: 3 min

Seriez-vous prêt à débourser 1.000 euros pour un smartphone ? Ce mardi soir, Apple devrait probablement imposer cette question à ses adeptes les plus fervents, en annonçant un iPhone X à partir de 999 euros. Juste sous le fameux seuil psychologique des quatre chiffres mais vite dépassé si l’on choisit une meilleure dotation en mémoire de stockage et avec quelques accessoires. Ce ticket d’entrée supposé aura-t-il de quoi freiner les pulsions consuméristes les plus ardentes ? « Non, ce n’est pas une entrave majeure à l’acquisition de ce futur smartphone, répond Alexandra Balikdjian, psychologue de la consommation à l’ULB. Il se peut même que ce prix soit l’un des nouveaux attributs attirants de cette nouvelle version. En étant reconnu comme le produit le plus cher de sa catégorie, l’iPhone renforcerait son statut de référence du smartphone, standard que des consommateurs seront prêts à payer au prix fort. »

« En roue libre »

Encore faudra-t-il que l’iPhone X marque une nette différence avec la génération antérieure, tant par son design que par ses fonctionnalités pour faire craquer sa première cible : les consommateurs en quête permanente de nouveauté, adhérant de surcroît à l’image d’Apple. Les autres écarquilleront les yeux devant un tarif aussi élevé, puis ricaneront ou s’énerveront. « Depuis la disparition de Steve Jobs en 2011, Apple tourne en roue libre, tant au niveau matériel que logiciel. Ses produits sont bien trop chers et fort bridés, critique Manuel Kolp, professeur d’informatique à la Louvain School of Management (UCL). A 999 euros, on sera face à un produit de luxe qui ne proposera technologiquement pas grand-chose de plus qu’un smartphone sous Android trois fois moins cher. Une telle différence de prix s’explique par le design et les coûts en marketing et en recherche et développement. Pas par une innovation radicale. »

Il y a donc fort à parier que les consommateurs les plus rationnels ne céderont pas (tout de suite) au chant de l’iPhone X payé à prix fort. Soit ils se rabattront sur un modèle Android. Soit ils profiteront des bonnes occasions, les fans frénétiques revendant leur modèle 6 ou leur 7. Ou ils attendront un adoucissement du tarif du « X » dans les mois à venir, sous forme de vente couplée avec un abonnement GSM. Ou bien ils viseront l’acquisition d’un iPhone d’entrée de gamme tout neuf.

La déclinaison d’une gamme

« Apple a bien compris que des consommateurs nantis et/ou les inconditionnels de la nouveauté sont prêts à payer le prix fort dès la sortie d’un nouveau modèle. En même temps, pour ratisser plus large, la firme a décliné sa gamme en proposant des modèles nettement moins chers mais à jour techniquement, observe Gino Van Ossel de la Vlerick Business School. Ce fut le cas du SE, à moins de 500 euros, avec les composants performants du 6 dans le boîtier plus petit et daté du 5. »

Malgré ce type de proposition plus raisonnable et le tarif supposé démentiel du futur nouveau né, il a fort à parier qu’Apple déclenche à nouveau l’hystérie consumériste. D’autant que, selon des rumeurs non démenties jusqu’ici par la firme californienne, l’iPhone X risque de se faire très rare lors de son lancement…

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3 Commentaires

  • Posté par De Potter Claude, mardi 12 septembre 2017, 20:46

    Quand je lis "Le Soir" auquel je suis abonné, j'ai parfois l'impression de lire un catalogue d'apple !!! Ca m'enm.....

  • Posté par De Potter Claude, mardi 12 septembre 2017, 17:40

    A lire : le livre de Nikos Smyrnaios expliquant très clairement comment les "GAFAM" et notamment "la pomme" exploitent leurs clients...leurs fans sans aucun scrupule.

  • Posté par Pinchart Patrick, mardi 12 septembre 2017, 12:37

    La notion-cliché de "seuil psychologique" (qui le définit ?) me semble très élastique. Déjà, 500 € me semble un seuil que la majorité des gens ne sont pas près de franchir pour un smartphone.

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