Le prix Sakharov pour le Saoudien Badaoui: un message à Riyad

Raef Badaoui lauréat 2015 du prix Sakharov pour la liberté d’expression décerné par le Parlement européen : la nouvelle, si elle fera grincer des dents à Riyad, réjouira au contraire dans le monde tous ceux qui se sentent concernés par les droits de l’homme. Badaoui n’est autre que ce blogueur saoudien lourdement condamné le 7 mai 2014 en degré d’appel pour avoir animé un site internet où il plaidait pour la libéralisation de son austère pays. Lourdement ? Dix ans de prison ferme, mille coups de fouet, 250.000 euros d’amende et dix ans d’interdiction de voyage à l’expiration de la peine de prison. Un enfer qui a débuté le 9 janvier Les coups de fouet ont commencé le vendredi 9 janvier 2015. Cinquante. Administrés en place publique à Jeddah, devant une foule criant « Allah est grand ! ». Des sessions de 50 coups de fouet devaient se succéder pendant vingt semaines pour arriver au total de mille coups. Mais une impressionnante levée internationale de boucliers - à laquelle Amnesty International a donné beaucoup de poids - a peut-être sauvé la vie du supplicié, qui avait mal supporté les premiers coups. Jusqu’à présent, aucun nouveau coup de fouet ne lui a été infligé. Mais la menace plane sur lui dans sa prison. Qu’étaient donc les « crimes » reprochés au Saoudien par la « justice » de son pays ? Le site internet intitulé Free Saudi Liberals, ouvert en 2008 avec quelques amis, n’y allait pas par quatre chemins : il comportait un forum en ligne où se traitaient des sujets comme la liberté religieuse. De quoi attirer les ennuis. Harcèlement policier, interdiction de quitter le territoire, retrait du permis de conduire, interdiction de travailler. Des intimidations qui n’allaient pas suffire. Arrêté le 17 juin 2012, il sera accusé d’avoir insulté les autorités religieuses, notamment le « Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice », qu’il avait raillé en le « remerciant d’enseigner la vertu et de son soin à veiller que tous les Saoudiens aillent au paradis ». Au royaume de Saoud, ce genre d’humour ironique se paie cher. Il ne voulait pas se cacher Rencontrée à Bruxelles, sa femme Ensaf Haidar, qui se bat comme une lionne pour la libération de son mari, confiait qu’il ne se considérait pas comme un opposant politique : « Il n’a jamais pensé qu’il agissait contre la loi, donc il n’avait pas l’impression de prendre des risques. C’est vrai, pourtant, que les autres personnes qui écrivaient sur son blog prenaient la précaution de signer avec un pseudonyme. Mais lui n’éprouvait pas le besoin de se cacher. Vous savez, il ne critiquait pas directement la religion. Mais il mettait en cause les activités de la police religieuse ». Le régime saoudien n’aime guère la critique. Autoproclamé « Gardien des deux Saintes Mosquées » (La Mecque et Médine), le roi règne sans partage. les seuls avis dont il doit tenir compte sont ceux des clans qui composent sa vaste famille qui a fait main basse sur le pays dans les années 1930. Salmane a succédé à Abdallah le 23 janvier 2015. A-t-il ordonné l’arrêt des coups de fouet ? Probable. Mais rien n’indique, par ailleurs, que l’Arabie saoudite, sous sa férule, s’orienterait vers un assouplissement en matière de droits humains. L’AFP annonçait le 27 octobre la 137e décapitation cette année d’un condamné à mort, un chiffre en nette augmentation puisqu’en 2014 il y avait eu 87 exécutions en 2014. Le prix Sakharov obtenu dans sa prison par Raef Badaoui aidera-t-il sa cause ? Et celle des droits de l’homme dans son pays en général ? Rien n’est moins sûr. Ce prix «est un message d’espoir et de courage pour lui», a commenté sa femme du Canada, où elle est réfugiée politique. Pourtant, il y a trois jours, elle avait indiqué craindre une reprise de la flagellation de son mari, après avoir reçu une information en ce sens depuis l’Arabie saoudite.

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