Il y a dix ans dans Le Soir: «Cinq milliards de dollars, très vite»

(article paru le 19 septembre 2007) Depuis plusieurs mois, le Congo observait l’ampleur des investissements chinois en Angola et déplorait la lenteur des déboursements de l’aide occidentale. Cette fois, le pas a été franchi : au terme d’un protocole d’accord signé à Kinshasa, la Chine va prêter cinq milliards de dollars à la République démocratique du Congo pour la construction d’infrastructures et le développement de partenariats pour l’exploitation minière. C’est le ministre congolais des Travaux publics et des Infrastructures, Pierre Lumbi, qui a détaillé les termes de cet accord, publié par l’Agence congolaise de presse. Trois milliards de dollars seront consacrés à la construction de 3.213 km de voies de chemin de fer entre Sakania (Katanga) et Matadi (Bas-Congo) ainsi qu’à la réhabilitation et la construction d’une route reliant Kisangani (Province-Orientale) et Kasumbalesa (Katanga) soit une distance de 3.042 km. Considérée comme une priorité, une autoroute entre Lubumbashi, capitale du Katanga, et Kasumbalesa, un important poste douanier sur la frontière avec la Zambie, devrait être construite dans un délai de 36 mois. D’autres travaux de voiries, sur une distance totale de 450 km seront également financés par la Chine. Pékin aidera ainsi les nouvelles autorités congolaises à réaliser le premier des cinq chantiers prioritaires définis par le président Kabila. Sur le plan médical aussi, une aide importante est prévue. Alors qu’un hôpital construit par les Chinois vient d’être inauguré dans la zone populaire de Tshangu à Kinshasa, le nouvel accord prévoit la construction à travers le pays de 31 hôpitaux, 145 centres de santé, de deux grandes universités de standard international et de 5.000 logements sociaux. L’accord prévoit aussi deux milliards de dollars destinés à relancer l’exploitation minière, dans le cadre de partenariats entre des entreprises des deux pays. Défendant cet accord, qui provoquera certainement des froncements de sourcils en Occident, le ministre Lumbi a souligné que certains pays africains et asiatiques s’étaient développés grâce à de tels contrats, et il a rappelé que « la coopération avec la Chine se fondait sur un certain nombre de principes, notamment permettre aux deux parties de gagner, de faire en sorte que tous les projets à exécuter par les entreprises chinoises et congolaises soient porteurs d’emplois pour les Congolais . » Prévoyant les critiques des milieux environnementalistes, qui craignent que certaines routes prévues par les Chinois n’empiètent sur la forêt tropicale, le ministre a insisté sur le fait que les projets devaient intégrer la dimension environnementale. De son côté, l’ambassadeur de Chine en RDC, M. Wu Xexuan, a souligné que la coopération entre son pays et la RDC n’en excluait pas d’autres. Même si le ministre n’a pas détaillé les conditions des prêts consentis par la Chine, ils apparaissent plus intéressants aux yeux des Congolais que les offres occidentales : généralement, leur taux d’intérêt est très bas, ils ne sont pas liés au remboursement de la dette à l’égard des institutions financières internationales et ne sont assortis d’aucune condition de politique ou de gouvernance. En outre, les Chinois, qui ne manquent pas de liquidités, proposent de réinvestir dans de nouveaux projets les sommes qui leur seront remboursées. Quant aux modalités d’octroi de contrats aux entreprises minières, elles n’ont pas été détaillées, mais les entreprises occidentales craignent d’être détrônées par de nouveaux partenaires. En ce moment, Kinshasa procède à une révision des contrats conclus au cours des dix dernières années, souvent avec des entreprises canadiennes, américaines, sud-africaines et européennes. Suivant le rapport publié par le député Christophe Lutundula, corroboré par de nombreuses ONG, la plupart de ces contrats ont été passés au détriment de l’Etat, dont les apports en matériel mais surtout en gisements étaient sous-évalués. Depuis quelques années, parallèlement à des géants comme BHP Billiton, l’Américain Phelps Dodge ou le Sud-Africain Anglogold Ashanti, de petites sociétés indiennes ou chinoises se sont installées, principalement au Katanga, achetant directement le minerai aux creuseurs et exploitant la matière première vers la Chine, pratiquement sans transformation et sans payer de taxes à l’exportation. Pour la Chine, assoiffée de matières premières, le Congo représente un fabuleux jackpot : le pays recèle 34 % des réserves mondiales de cobalt, 10 % des réserves de cuivre, d’importants gisements d’or et des carrières de diamants. Sans oublier la présence de pétrole sous le lac Albert et dans la cuvette centrale.

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