Theresa May demande deux ans de plus pour le vrai Brexit

Il y a des discours qui ne sont que des discours. Et il y en a qui sont censés constituer des faits politiques. C’est au titre de la seconde catégorie qu’était très attendu le speech qu’a prononcé la Première ministre britannique à Florence ce vendredi après-midi. Theresa May devait y dévoiler un peu plus ses cartes afin de débloquer les négociations du Brexit qui ont déjà connu trois « rounds » à Bruxelles, aussi peu concluants les uns que les autres. [scald=7875911:sdl_editor_representation] C’était du moins les espoirs des négociateurs européens, Michel Barnier en tête, lesquels n’ont pu qu’accéder à la requête britannique de repousser la quatrième session de négociations qui aurait dû avoir lieu cette semaine, justement afin de permettre à Theresa May de faire son discours à Florence. Où contrairement à ce qu’on avait cru au début, l’événement n’a pas été accueilli par le réputé Institut européen local, ni dans aucune enceinte de la Ville, mais dans le monastère de Santa Maria Novella. Le tout organisé par une entreprise de relations publiques sans y avoir impliqué les autorités locales… Ceux qui attendaient de grandes avancées en ont été pour leurs frais. Mais la Première ministre britannique a tout de même ouvert quelques brèches dans ce qui jusqu’à présent passait, côté européen, pour une muraille de mauvaise volonté ou d’impréparation… Une demande. Comme « ni le Royaume-Uni ni l’UE ne seront en position de mettre en œuvre les détails d’une nouvelle relation future », Theresa May a pour la première fois proposé une période de transition – officiellement de « mise en œuvre » – qui couvrirait « environ deux années » à partir de la date officielle du Brexit fixée au 29 mars 2019. Ceci afin d’assurer la sécurité aux « personnes et aux entreprises ». Et surtout, « l’accès réciproque aux marchés devrait continuer sur les termes actuels ». Ce qui suppose aussi la poursuite de la contribution au budget de l’UE. Autrement dit : la sortie effective du Royaume-Uni de l’UE serait repoussée ainsi de deux ans. Sous condition expresse, a précisé Theresa May – mais c’est un message à son public Brexiter qui en sera offusqué – que cette période sera bien limitée dans le temps, et qu’elle ne remettra aucunement en cause le Brexit lui-même. Des avancées. Sur le sort des citoyens de l’UE présents sur le sol britannique, Madame May a clairement voulu donner de meilleurs gages. La locataire du 10, Downing Street assure que les citoyens de l’UE « pourront poursuivre leurs vies comme avant » au Royaume-Uni : « Je dis clairement que les garanties que je vous donne sont réelles. » Plus concrètement, Madame May dit « vouloir que les tribunaux anglais prennent en compte les jugements de la Cour européenne de Justice » (CJUE) lorsqu’il s’agira d’interpréter les accords UE-Royaume-Uni sur le sort des citoyens. L’autorité de la CJUE est un véritable chiffon rouge pour les « Brexiters ». Reconnaissant à la fois que l’UE ne peut accepter de se soumettre à la férule des juges britanniques, comme les Britanniques veulent se libérer de celle des juges européens, Theresa May a aussi concédé qu’il faudra dès lors créer une juridiction spéciale pour arbitrer les litiges qui naîtront de l’interprétation de l’accord de sortie de la Grande-Bretagne. C’est sur la question du solde des comptes – ou la « facture finale » – que la cheffe du gouvernement était la plus attendue. Madame May a répété que son pays honorerait tous ses engagements financiers contractés en tant que membre de l’UE. On s’attendait à ce qu’elle dévoile sa manière d’en évaluer le montant, mais Madame May en est restée aux généralités. Le flou. Enfin, c’est sur le sujet qui lui tient le plus à cœur, mais dont les Européens ne veulent pas parler tant que les négociations de sortie n’auront pas produit de « résultats suffisants », que Madame May a été la plus lyrique : la nature de la relation future entre le Royaume-Uni et l’UE. « On peut faire bien mieux » que de choisir entre les deux modèles insatisfaisants que sont l’Espace économique européen (une association à la norvégienne) ou un accord de libre-échange de type Ceta, qui vient d’entrer en vigueur entre UE et Canada. Mais la Première ministre n’en a pas donné les contours. Sinon pour indiquer qu’in « n’y aurait pas de sens de mettre en place des tarifs douaniers là où il n’y en a pas actuellement ». Ce qui revient une nouvelle fois à vouloir « manger le gâteau et le garder », comme on dit outre-Manche… Réagissant par communiqué au discours de Florence, le négociateur européen Michel Barnier s’est réjoui de « l’état d’esprit constructif » de la Première ministre. Mais en précisant que ses « déclarations doivent maintenant être confirmées par des positions de négociation précises ». Tenue par l’anonymat, mais du coup beaucoup plus directe, une source européenne très proche du dossier nous confiait son impression par ce sms : « De belles paroles. Très peu de concret. Sur les citoyens : encourageant. Sur le financier : on n’y est pas encore. » Clair et net.

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