Peter Maes, avant Lokeren-Standard: «Je suis devenu un manager de crise»

Dans la vie de tous les jours, Peter Maes est sensiblement différent de l’image qu’il donne de lui au bord d’un terrain. Autant il gesticule quand il s’agit d’exhorter ses troupes, de les « pousser à se surpasser en mettant la barre le plus haut possible » comme il le dit lui-même, autant il apparaît calme et posé quand il jette un regard lucide sur ces derniers mois qui ont été particulièrement agités. Peter Maes, prenons les choses dans un ordre chronologique. Ce limogeage à Genk, le 26 décembre 2016, en a surpris plus d’un. Vous l’aviez vu venir ? Pour moi, c’était une première alors que j’entraîne depuis quinze ans. C’était une surprise dans le sens où, quand j’étais arrivé là-bas, il y régnait un certain négativisme. Le club ne s’était pas qualifié pour les Playoffs 1, beaucoup de joueurs avaient quitté le navire, le niveau avait baissé. En un an et demi, j’ai reconstruit quelque chose de concret, avec une qualification pour les PO1, un beau parcours européen, le tout avec un groupe très jeune. Globalement, l’équipe a progressé mais le club n’était pas d’accord avec ma manière de travailler, notamment le CEO (NDLR : Patrick Janssens, dont il refuse de prononcer le nom). Il voulait travailler d’une autre manière. Pourtant, pour moi, ce fut une période intéressante. Le fait d’avoir été limogé malgré de bons résultats, cela a été malgré tout plus facile à digérer ? J’ai mal vécu ce limogeage, je ne vous le cache pas, mais c’est vrai que le fait que ce ne soient pas les résultats qui l’aient dicté m’a permis d’avaler plus facilement la pilule. Durant sept mois, j’ai été forcé de rester à la maison, je me suis posé énormément de questions. Jusqu’à présent, j’ai entraîné quatre ans à Malines, cinq ans à Lokeren et j’aurais aimé m’inscrire dans la durée dans le Limbourg. Mon ambition, c’est de construire quelque chose dans chaque club où je passe, d’aider les joueurs à s’améliorer individuellement et à progresser collectivement. Selon vous, c’est en raison d’une relation individuelle que l’union avec Genk a capoté. Est-ce que cela a impliqué une remise en question de votre manière de vous comporter avec une direction ? Quand les gens doivent changer, ce n’est jamais bon. Chaque individu, et forcément chaque entraîneur, a sa personnalité, sa manière de travailler. Quand j’arrive dans un nouveau club, je dois forcément m’adapter mais cela ne doit pas influencer les résultats sportifs. Ce que je veux dire, c’est que si je dois faire des concessions pour plaire aux autres, je n’obtiendrai pas les résultats que j’ai déjà obtenus par le passé. J’aime bosser pour l’équipe, mais dans certains clubs, il y a certaines personnes qui ne pensent pas dans cette optique. Avez-vous malgré tout pu retenir du positif de ce premier limogeage ? Le point positif, c’est que je… n’ai pas changé. Je travaille toujours de la même manière même si je suis devenu plus réaliste. J’ai 53 ans et je suis occupé à temps plein par le football depuis 45 ans environ. C’était la première fois que j’étais obligé de faire le vide dans ma tête, de penser à d’autres choses. J’ai fait du vélo, un peu de natation, j’ai enfin eu le temps de profiter de moments de qualité avec ma famille. J’ai aussi pu rénover ma maison vieille de 30 ans, ce que je n’avais pas pu faire quand j’étais actif. J’ai en quelque sorte fait un reset pour revenir plus motivé encore. Je vois cela avec certains collègues, comme Preud’homme qui a aussi eu besoin de prendre un peu de recul. Oui, mais lui a choisi de prendre du recul. Vous pas… Mentalement, c’est sans doute plus facile pour lui mais cela produit les mêmes effets. Qu’avez-vous fait durant cette période ? Je n’ai pratiquement pas regardé le football belge, je m’en suis distancié parce que la Pro League, c’est mon milieu, mon habitat. Quand vous travaillez dedans, vous vous sentez membre d’une famille, ce qui n’est plus le cas quand on vous a licencié. Par contre, j’ai assisté à beaucoup de matches étrangers, sur place ou à la télévision. Justement, on a parlé d’un intérêt du Maccabi Tel Aviv après votre limogeage. Pourquoi n’êtes-vous pas parti là-bas ? J’ai reçu une offre, c’est vrai, ainsi qu’une autre du club émirati d’Al-Ain. Le problème, c’est qu’elles sont arrivées trop rapidement après mon limogeage. Or quand je m’engage quelque part, je veux le faire à 100 %. Je n’étais pas prêt, pas assez frais à ce moment-là pour relever ce défi. Ce qui ne veut pas dire que je n’ai plus cette ambition de coacher en dehors de nos frontières. Finalement, vous avez opté pour un retour à Lokeren. Ce n’est pas un pas en arrière ? Je reste ambitieux, je veux toujours atteindre le top. À Genk, je me suis fracassé sur quelque chose qui n’était pas de mon ressort, ce qui peut toujours arriver. Lokeren, c’est très bien aussi, je m’investis autant dans ma mission. Le seul problème, c’est quand je n’ai pas de travail. J’évoque souvent Hein Vanhaezebrouck ou Francky Dury, qui sont revenus une deuxième fois à Courtrai ou à Zulte Waregem, leur club de cœur, après avoir été virés à Genk et à Gand. Ils y ont obtenu de beaux succès en étant plus forts. J’espère connaître cela aussi ici. Que pouvez-vous encore faire pour vous améliorer ? La première chose, c’est de garder intact ce plaisir d’entraîner. Quand je n’aurai plus l’envie, ce sera fini. Je suis un « winner ». Mais regardez notre président, Roger Lambrecht : il a 86 ans mais reste jeune dans sa tête, motivé pour aller voir les Espoirs, défendre son club, ne pas se faire influencer. Quand je suis parti la première fois, il m’avait dit que sa présidence ne durerait pas, or il est toujours là. Comme lui, j’ai besoin de travailler, d’être sous pression pour me sentir heureux. Au bord du terrain, vous semblez nerveux en permanence… (Il coupe) Vous dites cela mais en réalité, je ne suis pas nerveux, juste expressif. Ma manière de travailler, c’est de mettre la pression, d’être présent à tout moment. Au niveau du langage gestuel, certains restent impassibles, alors que d’autres, comme moi, gesticulent et vocifèrent en permanence. Je ne joue pas de jeu, je suis comme cela. C’est, à mon sens, la meilleure manière de procéder. Vous avez failli signer à l’Antwerp ? Oui, et c’était une grosse désillusion de ne pas pouvoir y aller. J’avais parlé avec Paul Gheysens, le projet semblait exceptionnel mais D’Onofrio est arrivé et a placé un de ses hommes. Quelle est votre relation avec le Standard, où vous avez joué ? Au Standard, je suis arrivé après la période Bodart, qui était parti à Bordeaux. La première année, on a été vice-champions avec Jos Daerden, et puis cela a été moins bien quand il est parti, mais aussi à cause de blessures. Il y a eu pas mal de changements au niveau de la direction et j’ai dû partir pour laisser la place au jeune Runje. Par contre, je garde un excellent souvenir de l’ambiance de Sclessin. Les gens étaient chaleureux, enthousiastes, aimaient bien les Limbourgeois même si j’avais un passé d’Anderlechtois. Ce n’était pas comme quand Defour a fait le trajet inverse… On a parlé d’une approche du Standard cet été ? Qu’en est-il ? Il y a eu de l’intérêt via certains managers mais cela en est resté là. On ne s’est pas assis à une table pour discuter d’une collaboration. Olivier Renard, qui a été mon gardien pendant trois saisons, a voulu prendre une autre direction, je ne sais pas trop pourquoi. C’est à Sa Pinto de démontrer qu’il est un bon choix. On a pourtant l’impression qu’avec vos qualités, vous pourriez parfaitement convenir pour ce job d’entraîneur du Standard… Une de mes qualités, c’est que je sais remettre un club sur de bons rails quand il en a besoin. Je l’ai fait à Malines, à Lokeren, à Genk. Partout, j’ai obtenu très rapidement des résultats. Je trouve cela dommage mais je suis en réalité devenu une sorte de manager de crise en tant qu’entraîneur. Regardez Stuivenbergh : quand il est arrivé à Genk, il avait une structure à disposition. Si je peux commencer à travailler comme cela, c’est une autre histoire, non ? On m’a aussi approché à Bruges, cet été, mais ma mentalité est trop proche de celle de Preud’homme. La direction avait sans doute besoin de souffler. Comment jugez-vous le Standard actuel, qui ne parvient plus à prester correctement depuis quelques années ? Même si je ne sais pas tout ce qui s’y passe, cela ne m’étonne pas trop, en fait. Il manque de stabilité à tous les étages de ce club. Il faut reconstruire quelque chose chaque année et ce n’est pas évident pour le coach. Au niveau des individualités ce n’est pas suffisant non plus. L’année de leur titre, ils avaient Mbokani, Jovanovic, Dante, Defour, Fellaini, Witsel : ça, c’étaient des joueurs ! Au niveau de son standing, le Standard n’est clairement pas à sa place. Pour le reste… Craignez-vous quelqu’un en particulier ? Non, je ne m’intéresse qu’à mes joueurs. Prenez Scholz par exemple, que je connais bien. C’est un joueur formidable, intelligent, posé, mais on voit qu’il n’est pas bien dans sa tête en ce moment. Ce n’est pas normal.

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