En Irak, les Kurdes ont voté sous haute surveillance

Depuis Kirkouk (Irak) Le gouvernement régional du Kurdistan irakien (GRK) a mis en place, lundi 25 septembre, le référendum d’indépendance sur l’ensemble des régions du nord de l’Irak qu’il contrôle, y compris Kirkouk, centre d’exploitation pétrolière à la population mélangée que revendique aussi le gouvernement central de Bagdad. Malgré les risques de tensions, les habitants se sont déplacés massivement pour aller voter en faveur de l’indépendance. La présence des Peshmergas – combattants kurdes – et des forces de sécurité locales a été renforcée aux abords des bureaux de vote. Ce matin, le rendez-vous est fixé à Kirkouk, une cité pétrolière voisine du Kurdistan irakien. A l’intérieur des locaux de l’une des vingt-huit casernes de l’UPK – parti d’opposition au PDK du président kurde Massoud Barzani –, une poignée de soldats se reposent en vue de la longue journée qui les attend. Un immense dispositif de forces de sécurité kurdes a été planifié trois jours à l’avance en cas de débordements éventuels que les communautés arabes et turkmènes, réfractaires au référendum, auraient pu planifier. Mais, selon Andaza Sleman, un Kurde responsable d’un bureau de vote, Arabes et Turkmènes auront leur place dans le futur Etat et les combattants kurdes pourront même assurer leur sécurité face aux forces paramilitaire chiites : « Vous savez, les Kurdes sont pour qu’il y ait une cohabitation et une cohésion entre les différentes communautés qui vivent ici. Si des Arabes ou des Turkmènes chiites décident d’attaquer, l’armée kurde répliquera. » La crainte de représailles Un autre risque n’était pas à sous-estimer ce jour-là : des représailles de la part de Bagdad. Car le Premier ministre irakien, Haider Al-Abadi, a fait savoir qu’il prendrait « les mesures nécessaires » pour préserver l’unité du pays en cas de maintien du référendum. « Prendre une décision unilatérale affectant l’unité de l’Irak et sa sécurité ainsi que la sécurité de la région avec un référendum de séparation est contre la Constitution et la paix civile », a-t-il déclaré à la veille du référendum. L’UPK et le PDK sont deux branches politiques kurdes, dominantes dans la région autonome, qui se sont par le passé affrontées dans de sanglants combats. Aujourd’hui, « leur » combat se trouve ailleurs car leur cause est maintenant commune. Tous les deux désirent la même chose : voir naître une nation enfin reconnue à travers le monde. Paradoxalement, tous les membres du PDK présents ce matin-là dans le bureau du responsable de la caserne de l’UPK, Ardalan Abdullah, désapprouvent la légitimité de Barzani de mener ce référendum. Malgré cela, ils se sont rendus dans les urnes pour voter « oui » en faveur de leur indépendance. Comme l’exprime Arsalan Abdullah, responsable d’un comité de l’UPK, « ce référendum n’est pas la décision d’un seul parti politique, mais la décision de plusieurs partis qui sont représentés dans la haute commission électorale du Kurdistan. Ce comité a vu que c’était le bon moment, donc nous pensons que c’est le bon moment ». Et de poursuivre : « En revanche, nous sommes déçus de ne pas recevoir le soutien de la communauté internationale. Reporter le vote serait une erreur. J’espère et je suis sûr qu’un jour ils comprendront notre décision. » Aucune tension palpable Contrairement à Erbil, la capitale de la région autonome, où le projet de référendum sur l’indépendance du Kurdistan est plébiscité, les réactions sont différentes chez les communautés turkmènes, assyriennes et arabes de Kirkouk qui, elles, refusent cette décision venue du gouvernement kurde. Et pourtant, aucune tension n’était palpable dans les bureaux de vote. La mise place du dispositif militaire a été dissuasif, selon les militaires sur place. Posté avec d’autres hommes munis de kalachnikovs devant un bureau de vote, Abdullah, lieutenant et membre d’Assayish – branche de la sécurité armée kurde –, se veut rassurant : « C’est une journée historique, les gens qui viennent voter sont contents. Je ne crains pas de débordements, on contrôle et on maîtrise tous les points. Nous avons calculé toutes les éventualités. S’il devait y avoir un risque, il viendrait de l’extérieur. Je pense à l’Iran, la Turquie ou nos voisins de Bagdad. » Au moment de rentrer son bulletin de vote dans l’urne, Ali Khalil, un jeune étudiant en médecine, s’exprime avec optimisme sur le futur de son pays : « Nous sommes prêts à vivre dans un pays libre, la jeune génération désire plus de liberté et je crois que ce référendum nous rendra plus forts et unis pour les prochaines années », conclut-il en repartant avec sa famille, le sourire aux lèvres.

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