Le pharmacien, barrière à la surconsommation de médicaments

Il y a, en Belgique, près de 1,2 million de consommateurs d’opioïdes. C’est l’Inami qui, la semaine dernière, mettait le doigt sur ce phénomène. Tout en pointant une tendance à la hausse régulière : un tiers de plus en six ans. Préoccupant ? Sans entrer dans les détails, disons que l’Inami s’inquiète surtout pour les « grands consommateurs chroniques », soit la petite minorité de patients qui ingurgite en moyenne annuelle au minimum une DDD (la dose thérapeutique quotidienne) par jour de Contramal, de Valtran, d’Oxynorm, de Durogesic… [scald=8090855:sdl_editor_representation] L’Inami sait que le médicament est indispensable à haute dose dans le traitement des douleurs liées à des maladies graves. Il sait aussi que dans d’autres cas, un usage quotidien peut être la conséquence des substances elles-mêmes (elles impliquent de nombreux effets secondaires comme l’accoutumance, la dépendance physique et psychique…) ou est lié à de la toxicomanie. Ainsi, l’Inami a repéré des patients fréquentant plusieurs dizaines de médecins et autant de pharmaciens pour se faire délivrer des milliers de doses… susceptibles d’alimenter un trafic. Shopping médical Un tel « shopping médical » lié à un comportement déviant est-il évitable « a priori » ? Le dossier médical global (DMG) est-il une réponse possible ? Nous avons posé la question au directeur des Mutualités libres, Xavier Brenez. « Le DMG est un concept administratif plutôt que matériel. Il encourage le patient à fréquenter le même généraliste mais ne permet pas aujourd’hui de prévenir le shopping médical. Par contre, le développement d’eHealth constitue les prémices d’une politique de prévention en la matière ». EHealth permet au médecin de gérer sa patientèle, de prescrire électroniquement, etc. Il permet en outre la création d’un « dossier médical informatisé » et offre la possibilité de le partager avec d’autres prestataires à condition que le patient ait donné son consentement. Avec d’autres prestataires dont… le pharmacien, qui voit désormais sa mission revalorisée. « Le rôle des pharmaciens d’officine est renforcé en première ligne, assure la ministre De Block. Ils prêtent une plus grande attention à l’accompagnement des patients au niveau de la médication, de l’éducation à la santé ainsi qu’à la collaboration avec les autres prestataires ». Suivi plus précis Ils ont deux outils à leur disposition. Il y a d’abord le « dossier pharmaceutique partagé », qui comprend les délivrances de médicaments prescrits et non prescrits, les posologies, etc. Le partage, avec un médecin ou d’autres pharmaciens, est soumis à l’accord du patient. Il y a ensuite le concept de « pharmacien de référence » qui entrera en vigueur le 1er octobre. Réservé dans un premier temps aux patients chroniques, il permettra au pharmacien, par analogie avec le concept de « médecin de famille », de mieux adapter ses conseils aux besoins individuels. De quoi lutter contre la surconsommation de médicaments ? « En lien avec le dossier pharmaceutique partagé, cela permettra certainement un suivi plus précis des médications d’un patient », dit-on aux Mutualités chrétiennes. Le cabinet de la ministre de Block précise : « Le patient sera libre de choisir, ou pas, un pharmacien de référence mais il devra avoir donné son consentement pour le partage de ses données de santé. Les services du pharmacien de référence comprendront l’enregistrement systématique de tous les médicaments dans le dossier du patient, le partage de ces données et l’enregistrement d’autres informations pertinentes ». Même si ce n’est pas le but premier, l’opération aura, entre autres, comme intérêt de prévenir d’éventuels excès dans la délivrance de médicaments sensibles chez les patients chroniques. Jusqu’à prévenir l’usage détourné de certains traitements, dans le cadre d’une toxicomanie par exemple ? « Il faudrait pour cela un consentement éclairé mais c’est typiquement le public qui, pour préserver son accès au shopping médical, ne le donnera pas, dit Xavier Brenez pour les Mutualités libres. Vouloir aller au-delà c’est poser un vaste débat sur les limites entre liberté thérapeutique, contraintes de santé publique et impératifs budgétaires ».

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