Comment l’Union européenne lutte contre l’existence de consommateurs de «seconde zone»

Face au désamour grandissant de certains pays, l’UE est prête à faire d’à peu près tout une priorité politique. Pour retenir le Royaume-Uni avant qu’il ne se décide en faveur d’un Brexit, la Commission européenne s’était drapée dans l’indignation face aux taux élevés de TVA qui y étaient pratiqués sur les tampons. Quelques mois plus tard, les dirigeants européens, entre leurs discussions sur le Brexit et le futur de leur Union, avaient également disserté sur la composition du Nutella. Aujourd’hui, la Commission européenne veut s’assurer qu’un Slovaque a la même quantité de poisson dans ses fish-sticks qu’un Européen de l’Ouest. A première vue, cela peut prêter à sourire, mais ça cache un véritable problème de fond décrit très simplement par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker : dans un marché unique, il ne devrait pas y avoir des consommateurs de « seconde zone ». Le président français Emmanuel Macron a lui-même fait un petit détour par cette question lors de son discours sur le futur de l’Union européenne, mardi. Mais ce qu’a présenté la Commission, le même jour, a montré qu’elle s’était quelque peu précipitée sur une opportunité politique (tendre la main aux pays de Višegrad avec lesquels la relation n’est pas toujours au beau fixe) sans trop savoir si elle pourrait étayer leurs allégations par des faits. Des centaines de produits concernés En juillet dernier, quand Juncker s’indignait publiquement de la mauvaise qualité des produits vendus à l’Est, ses services expliquaient en coulisses au site d’informations EUObserver qu’ils n’en avaient reçu que des preuves « anecdotiques ». La Commission dit avoir « plus d’éléments » aujourd’hui. Cela concernerait des « dizaines, voire peut-être des centaines de produits ». Mais la commissaire en charge du dossier, la Tchèque Vera Jourova, a dit elle-même ne pas vouloir travailler sur un problème « anecdotique ou insuffisamment prouvé ». Elle a donc mis un million d’euros sur la table pour financer des tests dans les pays qui se disent touchés et recueillir des données empiriques sur le problème. Les contacts qu’elle a eus jusqu’ici avec l’industrie alimentaire l’ont aussi poussée à s’interroger sur les méthodologies utilisées pour comparer la qualité des marchandises au niveau national. « Les producteurs nous disent que les pays utilisent différentes méthodes pour tester les produits et que les résultats des tests ne sont pas comparables ou suffisamment crédibles », a expliqué Vera Jourova. L’institution européenne a donc dégagé un million supplémentaire du budget européen pour que le Centre commun de recherche puisse établir une méthodologie unique pour tester et comparer la qualité des produits vendus d’un bout à l’autre de l’UE sur une base scientifique solide. Enfin, la Commission a présenté des lignes directrices pour aider les autorités nationales à s’y retrouver « dans le labyrinthe » des législations existant en matière de protection des consommateurs. Il appartient donc aussi aux pays qui se plaignent de mettre en place les garde-fous que la législation européenne a déjà pensés. Une question de goût Puisque le salaire moyen peut varier du simple au double dans l’UE, les producteurs avancent également que la moindre qualité d’un même produit dans certains pays leur permet d’y raboter les prix. « Nous n’avons pas de preuve de cela », a indiqué la commissaire. Qui a ajouté que quand bien même ce serait vrai, les producteurs avaient toujours le choix de varier les packagings afin que les consommateurs sachent ce qu’ils ont vraiment dans les mains. Certains cafés vendus dans le même emballage « contiennent moins de caféine et plus de sucre » dans les pays de l’Est. « Ce que je veux, c’est la même qualité partout », a-t-elle dit. « Il y a eu une hésitation depuis plusieurs années (sur ce dossier) parce qu’il s’agit de définir la qualité de la nourriture, et c’est une notion abstraite », a conclu la commissaire. Qui ne promet à ce stade aucune initiative législative. Elle ne s’engage que sur une seule chose : une fois les preuves en main, elle n’hésitera pas à dénoncer publiquement les entreprises qui s’adonnent à ce dumping alimentaire.

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