In vitro Infernales crucifixions

Plus de deux ans après avoir lancé sa propre galerie dans la foulée de Mons 2015, Benoît Dumortier poursuit son exploration de l’art belge contemporain en invitant le plasticien Dany Danino (né à Bruxelles en 1970, diplômé de l’Académie royale des Beaux-Arts) à investir l’ancienne chapelle des Telliers. Conçue comme espace artistique et convivial, la galerie mêle les artistes confirmés (Pascal Bernier, Ann Veronica Janssens, Jacques Charlier) et les jeunes plasticiens en soutenant les projets de ces derniers au moyen d’un système de crowfunding encourageant le mécénat à la portée de tous. [scald=8071374:sdl_editor_representation] Cet automne, l’invitation faite à Dany Danino – dont l’univers fougueux, au Bic bleu, s’est imposé sur la scène contemporaine depuis une dizaine d’années –, est aussi l’occasion de découvrir le travail de quatre artistes émergents – quatre personnes avec qui Danino entretient un dialogue plastique assez serré et qu’il connaît depuis longtemps. Une affaire de complicité visuelle et d’amitié. Maureen Ginion et Mandy Payot sont ainsi intervenues sur la façade extérieure du bâtiment tandis que Vincent Sainlez et Cyril Bihain dialoguent avec les œuvres de Danino au cœur de la chapelle. Pour cette nouvelle série, composée de grands formats sérigraphiés et intitulée Le vent d’Arcay, Dany Danino a travaillé en collaboration avec un maître imprimeur parisien, familier des artistes contemporains. Une rencontre fortuite qui a débouché sur cette première collaboration afin de créer des « toiles drapeaux » conçues pour le lieu. Une démarche qui s’approche de l’installation présentée cet été au Musée Ianchelevici de La Louvière, où l’artiste a construit un espace dans l’espace au moyen de grands voiles : un imposant dialogue de 120 m2 avec Ianchelevici, au trait bleu, dans la salle des marbres de la collection permanente du musée. Ici, les toiles translucides de 1,60 mètre sur 1,10 mètre ont été imprimées des deux côtés et comprennent trente propositions iconographiques différentes, déclinant six dessins qui se répètent et se surimpriment pour créer des variantes et des motifs différents. [scald=8071375:sdl_editor_representation] « Le thème a été choisi en fonction du lieu », raconte l’artiste, évoquant l’omniprésence des motifs iconographiques de crucifixion, d’écorchés, de villes tentaculaires développés au départ d’images photographiques : « Un propos existentiel qui prend le contre-pied de la photographie comme document pour aller au plus proche du détail et de la matière. » Souvent rapproché de l’univers foisonnant et virevoltant de Rops, Danino se sent plus proche de la démarche d’un Ensor, dont la recherche visuelle mélangeait librement dessin, peinture et gravure. Interrogé sur ses affinités avec les maîtres du passé, il répond que ce lien n’est pas aussi évident qu’on pourrait le croire : « On est tous connectés au passé d’une façon ou d’une autre. C’est sans doute particulièrement flagrant dans mon cas car j’ai une démarche figurative basée sur des techniques qui ont une longue tradition – le dessin, la pointe sèche, l’eau-forte. C’est plus facile de relier ce que je fais avec une certaine tradition, comme le travail des fresques dans les églises, par exemple. » Pour lui, cet inlassable renouvellement de la figure est avant tout affaire d’engagement et de résistance : « Quand j’étais plus jeune, il m’est arrivé de me demander comment peindre encore un corps humain à l’époque de Gerhard Richter, puis j’ai compris quels seraient mes moyens pour y arriver. Mes préoccupations plastiques touchent à la contemplation et au temps que l’on prend pour regarder et observer. » Si on est attentif, une impression de mouvement, se dégage en effet de ses dessins, comme dans la peinture baroque ! Jusqu’au 14 octobre à la Thanksgalerie (Mons). [scald=8071376:sdl_editor_representation]

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