Grez-Doiceau. Ann-Laure Furnelle: «Je nettoie les stigmates de quarante ans d’urbanisation en Brabant wallon»
Bénévole depuis cinq ans, elle est désormais aidée par le Contrat de rivière Dyle-Gette. Elle a également créé une ASBL pour se sortir de l’enfer du chômage. Il lui faudrait encore 93 ans pour nettoyer le bassin de la Dyle-Gette.


Des vélos, des pneus, des bouteilles, un ventilateur, un tourne-disque, des vêtements… Le quai des Trompettes, le long de la Dyle, à Wavre, était ce mardi le théâtre d’une exposition d’un genre particulier puisqu’on pouvait y admirer le fruit de trois jours de travail d’Ann-Laure Furnelle, occupée avec quelques bénévoles à nettoyer la rivière. Entretien avec cette Grézienne de 45 ans, surnommée « la fée des rivières », qui vient de créer l’ASBL « Aer Aqua Terra ».
Qu’est-ce qui vous choque le plus dans cette pêche ?
Les témoignages des riverains qui viennent me dire que, tous les soirs, ils entendent des “plouf” dans la Dyle. Les gens considèrent encore nos cours d’eau comme des poubelles. Allez, regardez ceci, ce sont des batteries. Celle-ci est complètement éventrée. Vous imaginez l’acide sulfurique qui s’écoule dans l’eau. C’est sympa, non ? Et là, en tas, toutes ces lingettes humides soi-disant biodégradables. Quand comprendra-t-on que la nature ne pourra jamais les digérer ? Ce qui est fabriqué de manière biodégradable par l’Homme ne pourra être détruit de manière biodégradable que par l’Homme.
La qualité de l’eau n’est-elle pas meilleure qu’avant ?
La qualité de l’eau certainement. On voit même revenir quelques poissons, mais le lit de nos rivières, c’est une catastrophe. Je nettoie les stigmates de quarante ans d’urbanisation en Brabant wallon. Et ce n’est pas beau à voir tout ce que l’on trouve…
Même dans les villages ?
Surtout dans les villages ! Les fonds de jardins, ce sont de vraies favelas. On y trouve tous ces bidons usagés et vieux objets que l’on n’ose pas jeter car on va forcément s’en servir un jour, sauf qu’on ne s’en sert jamais, et qui tombent dans l’eau à la moindre crue, emportés avec les tontes des jardins.
Avec comme conséquence ?
Que tout est pollué et pour des années. Tout ce que l’on fait a une conséquence sur la qualité de notre environnement. Je pense par exemple à l’interdiction de fumer dans les lieux publics. C’est sans doute bon pour l’air des gens, mais pour les rivières, c’est une horreur totale. Tous les mégots jetés au sol s’y retrouvent. Et un seul mégot pollue 500 litres d’eau. Essayez dans une bouteille et regardez le résultat. Quand est-ce que l’État va réagir pour changer la donne ?
Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de faire ce travail ?
Il y a cinq ans, j’ai découvert un reportage sur Arte concernant la malédiction du plastique. Plus question de manger du poisson ou des moules après cela. Je préfère encore fumer ! Mais plutôt que de pester sur l’intellectualisation croissante de la notion d’environnement, j’ai préféré agir. J’ai commencé dans l’IJse, un affluent de la Dyle, à Huldeberg. J’habitais par là à l’époque, mais les rivières n’ont pas de frontières.
Et pourquoi n’avez-vous jamais arrêté ?
Certains pensent que je suis folle, que j’ai un comportement obsessionnel. Mais quand après une journée de nettoyage, je regarde le sable et les petits cailloux rouler dans les reflets de la lumière… Que vous dire ?
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