La défense d’Ocampo: «C’était quelque chose de positif, de très bien»

La position des avocats de Luis Moreno Ocampo est qu’« il a conseillé un client en Libye en 2015 pour une courte période sur des points de droit international liés au conflit libyen. Le but de ces conseils était d’utiliser le droit international pour réduire la violence en Libye. Ce conseil était sans lien avec le travail entrepris en 2011 comme procureur de la CPI, lorsqu’il enquêtait sur les crimes commis par le régime Kadhafi. M. Moreno Ocampo a agi de manière adéquate, en accord avec ses obligations professionnelles, pour promouvoir le respect du droit. » Mais encore ? L’ancien procureur a rencontré le 25 septembre à Londres des membres du réseau EIC ; il s’est expliqué sur son rôle dans le dossier libyen et a justifié la création de plusieurs sociétés offshore. Il confirme notamment avoir été contacté par Hassan Tatanaki, qu’il aurait à plusieurs reprises mis en garde à l’égard du général Haftar et des exactions commises par les troupes de celui-ci : « La CPI, aurait-il averti son client, pourrait ne pas seulement juger vos ennemis, elle peut poursuivre n’importe qui, y compris votre général. Soyez donc prudent ou contrôlez-le. » Puis, avec plus de précisions : « Nous avons enquêté sur les crimes qui auraient été commis mais je n’ai envoyé personne sur le terrain : nous collectons des informations à propos de sources publiques. Il est évident que des crimes ont été commis par le gouvernement de Tripoli, et qu’il y a des connexions avec Al Qaïda. Et il est probable que le général Haftar et un grand nombre de milices ont commis des crimes. En Libye, tout le monde a commis des crimes, la situation est très moche. J’ai dit à M. Tatanaki que de chaque côté, des crimes avaient été commis. Je lui ai conseillé de ne pas être impliqué dans leur financement. Ça, c’était mon travail. » Un avertissement qu’il a réitéré devant une audience plus large, lors d’une rencontre au Caire avec des leaders libyens : « Parce que même si c’est le chaos comme en Libye et que vous pensez avoir besoin d’une milice pour vous protéger, vous devez la contrôler. » Interrogé sur ses liens directs ou indirects avec d’actuels employés de la Cour pénale, il affirme qu’ils n’existent pas et n’ont pas existé depuis son départ, « car ce serait une infraction ». Des correspondances ont pourtant été échangées le 18 mai 2015 entre une de ses assistantes et une des juristes de La Haye. Il réfute également s’être rangé auprès d’une des parties au conflit : avoir conseillé Hassan Tatanaki ne suppose pas s’être aligné auprès du général Haftar et de ses hommes, en dépit des appels aux crimes lancés par Saker Jaroushi sur Libya Awalan. « J’ai rappelé à M. Tatanaki comment la justice, la Cour pénale pouvaient intervenir en Libye (…) Je lui ai dit d’être prudent avec le général Haftar. C’était mon conseil. Est-ce que ça me rend responsable d’autre chose ? Ne m’accusez pas sans preuves. Je n’ai jamais rien fait de mal, je suis très prudent. Je n’aime pas travailler sur les choses que je n’approuve pas, je suis passé à côté de millions de dollars parce que les dossiers ne me plaisaient pas (…) Dans le dossier Libyen, je pense qu’il est très important de trouver des armes légales pour lutter contre le terrorisme islamique parce que la seule alternative, ce sont des bombardements. Les opérations militaires menées contre les islamistes sont exactement comme l’a décrit le général McChrystal. Voici ce qu’il a dit en Allemagne : “Il y a 10 terroristes en Afghanistan, nous en tuons deux, combien en reste-t-il ? Vingt !” Parce que les amis et les familiers de ceux que nous avons tués vont devenir terroristes (…) Je conseille des personnes qui sont impliquées dans des conflits en leur disant toujours la même chose : restez dans les limites de la loi et comprenez comment celle-ci peut vous aider. Et ça crée de la controverse. » Il affirme d’ailleurs ne pas avoir été directement impliqué dans Justice First – sont client était Tatanaki –, ne jamais être allé dans leurs bureaux mais s’être contenté de prodiguer ses conseils dans un dossier précis. « Ce que j’ai fait. Puis je suis parti. » Quant au dossier libyen et aux appels haineux lancés sur une des chaînes télés de Tatanaki, il réfute toute comparaison avec Radio Mille Collines au Rwanda : « Au Rwanda, il a été prouvé que la radio était un des éléments du plan visant à pousser les gens à tuer. Si une chaîne de télévision prend part à une conspiration pour promouvoir de telles idées, elle doit évidemment être inculpée. Mais il faut faire la distinction sans quoi, vous feriez un mauvais procureur. Il faut des preuves, il faut relier les crimes aux actions qui ont été commises. » Et il conclut, sur ses rapports avec Tatanaki : « C’était un homme très riche en Libye. Il m’a dit qu’il voulait arranger les choses et bien sûr, il ne m’a pas caché qu’il connaissait Saïf Kadhafi. Mais je le répète, ce qu’il me proposait – utiliser le droit pour améliorer la situation – n’était pas seulement légal, c’était quelque chose de positif. Ce n’était pas seulement quelque chose de bien, c’était quelque chose de très bien. » Puis, fataliste : « Réparer, sur le plan légal, la Libye était une bonne idée. C’est juste que ça n’a pas marché. »

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