Je cours, tu cours, ils courent… de plus en plus

Une semaine après la Brussels Night Run, qui a réuni 6.000 participants au cœur de la capitale, c’est un nouveau rassemblement de près de 13.000 fondus de la course à pied qui s’est tenu ce dimanche avec le marathon/semi-marathon de Bruxelles. Un exemple de plus de la bonne santé de cette activité qui refuse de s’essouffler, que du contraire. Selon Gert Broekmans, directeur du département « running » de l’agence Golazo, « au minimum 2.000 courses de tous types auront été organisées en 2017. C’est 500 de plus qu’il y a 5 ans… » Golazo, c’est l’opérateur belge nº 1 des activités de « running ». L’agence limbourgeoise en organise 45 par an, soit presque une par semaine, et ce dans la plupart des grandes villes du pays, surtout en Flandre et à Bruxelles, avec des concepts – et donc des cibles – différents. Une vraie « machine de guerre » au professionnalisme avéré, dont la base de données recèle, selon Broekmans, près de 300.000 noms. Mais dans le sud du pays et à Bruxelles, l’ASBL Sport et Santé, qui a initié en 2008 l’opération « Je cours pour ma forme » visant à faire courir les francophones et qui touche aujourd’hui plus de 25.000 personnes et qui diffuse le magazine Zatopek, a réussi à faire son trou dans le secteur en misant plus sur la convivialité et l’enracinement local. Même si, selon son responsable, l’ancien athlète Jean-Paul Bruwier, « on aimerait parfois avoir plus de soutien des pouvoirs publics au moment du choix de l’organisateur pour éviter de se faire “manger” par les multinationales du sport ». Un sport devenu collectif Le concept des courses et la manière de les aborder ont fondamentalement évolué avec les ans. Comme le précise Bruwier « le running, que l’on pratiquait avant souvent seul dans son coin, de manière introvertie, est devenu aujourd’hui un sport… collectif. Comme tout le monde est aujourd’hui convaincu de l’utilité du mouvement et de ses bienfaits, ils sont de plus en plus nombreux à s’y mettre. Résultat : la course a pris un virage plus jeune, plus féminin et plus convivial. » Une analyse partagée par Marc Cloes, professeur au département des Sciences de la motricité de l’ULg, pour qui il y a désormais « une structure moins pyramidale et plus compartimentée du sport » avec trois strates bien définies : « Il y a le top niveau, le sport spectacle basé sur la performance et le pognon ; le sport traditionnel dispensé dans les clubs selon certaines valeurs ; et le sport alternatif que l’on pratique pour le plaisir, pour se fixer un défi et pour rester en bonne santé. » Cette notion de recherche du plaisir se traduit désormais dans les différents types d’épreuves proposés. La traditionnelle course sur route ne constitue plus qu’une partie de la palette. A côté d’elle, on trouve désormais des épreuves en pleine nature comme les (ultra-)trails… qui peuvent également avoir lieu en milieu urbain en permettant aux coureurs de passer dans des endroits improbables comme un stade de football ou le bureau du bourgmestre dans une maison communale, ou les courses dites « fun » comme les corridas de Noël ou les « Color Run » ou les courses « à obstacles » comme les spectaculaires « Spartacus Run », où les notions de classement sont très souvent abandonnées. Autant de courses qui touchent des publics souvent différents. [scald=8269881:sdl_editor_representation] « Dans nos marathons, la participation est à 80 % masculine, explique Greg Broekmans. Mais moins l’épreuve est compétitive, plus il y a de jeunes et de femmes au départ. Dans nos « Color Run » à Ostende et Bruxelles (NDLR : une course de 5 km imaginée aux Etats-Unis où chacun évolue à son propre rythme, sans chrono, et où on est aspergé d’une poudre colorée à chaque kilomètre avant une immense fête à l’arrivée), ce sont ces dernières qui représentent 80 % des partantes. » Un public très volatil puisque seuls 10 % des participant(e)s reviennent l’année suivante dans ce type d’épreuve.« Il y a un renouvellement permanent, sans doute aussi grâce au choix qui est offert et qui permet de tester de nombreuses formules différentes. » Un renouvellement qui empêche aussi d’avoir une idée très précise du nombre de pratiquants de la course à pied en Belgique aujourd’hui, d’autant que tous, loin de là, ne s’inscrivent pas à une épreuve répertoriée dans le calendrier. « Il y a une bonne dizaine d’années, 10 % de la population se disait « coureur » de l’une ou l’autre façon, indique Jean-Paul Bruwier. On peut sans doute estimer que ce chiffre a désormais doublé. » « Et ce n’est pas un « hype », ajoute Greg Broekmans. Selon moi, le phénomène est irréversible. » Par ici la monnaie La course, du coup, est aussi devenue, pour certains, un marché juteux, notamment dans les recettes générées par les organisations. A titre d’exemple, alors que certains, comme Sport et Santé, se contentent de réclamer 10 euros pour les 15 Kilomètres de Liège, d’autres comme Bruxelles-Promotion et Golazo demandent respectivement 25 euros pour les 20 Kilomètres de Bruxelles et 28 euros pour les 10 Miles d’Anvers (et même 60 euros pour le marathon de la ville portuaire organisé le même jour, justifiant ce prix comme étant celui du marché ; à titre de comparaison, un dossard au marathon de Paris coûte entre 80 et 119 euros en fonction de la rapidité avec laquelle on se le procure). Et pour maximaliser son investissement, on organise, parallèlement aux courses phares, des épreuves réservées aux enfants ou à ceux qui se contentent de 5 kilomètres, ce qui permet de toucher une famille complète en un jour. Il faut évidemment ajouter à ces rentrées les subsides des villes/communes/régions et le sponsoring. Dans la partie dépenses, il faut toutefois remarquer que la partie consacrée à la sécurité est en constante augmentation, surtout depuis les attentats de Bruxelles en 2016. Les équipementiers – surtout – et ceux qui distribuent leurs produits sont les autres gros bénéficiaires de ce « boom » du running. « Nous sommes en progression grâce à l’ouverture de nouveaux magasins, indique Christophe Thomas, fondateur de l’enseigne Trakks, aujourd’hui présente à quatre endroits dans les trois parties du pays (Bruxelles, Uccle, Namur, Gand), spécialisée dans le domaine de la course sur route (2/3 des ventes) et du trail (1/3). Mais nous sommes concurrencés par les marques elles-mêmes qui vendent de plus en plus en direct via leurs magasins en ligne ; à titre d’exemple, 60 % des ventes de Nike dans le monde passent désormais par ce canal… ». Même si comparaison n’est pas raison, selon une étude diffusée ce jeudi dans L’Equipe, le marché du commerce d’articles de sport en France, deuxième marché européen, a connu une augmentation de 20 % depuis 2010. Dans les secteurs de loisirs, ils représentent la deuxième plus forte hausse de ventes de ces deux dernières années derrière les biens techniques (téléphonie, hi-fi, photographie…) Le cordonnier est le plus mal chaussé Finalement, et assez paradoxalement, la moins bien servie par la bonne santé du « running » est peut-être… la Ligue francophone d’athlétisme (LBFA). Parce que son président de l’époque ne croyait pas en la pérennité du « jogging » quand il faisait ses premières dents, elle n’a rien fait, au début des années 80, pour tenter de séduire ses premiers adeptes, « une erreur historique » selon les dirigeants actuels. Elle a bien tenté depuis une dizaine d’années de récupérer ce qui peut l’être en instaurant des licences « hors stade » relativement bon marché (15 euros à partir de l’an prochain) qui permettent aux coureurs d’être assurés, d’avoir un encadrement dans un club, de faire du cross et de pouvoir disputer deux courses sur piste par an, alors que ses clubs ont mis sur pied des sections courses sur route ou trail. Mais elle n’a jamais pu rattraper le train en marche et fédérer cet immense vivier. Une vérité d’autant plus vraie que le « runner », par essence, est un homme libre qui fuit le sport organisé parce que fondamentalement, il n’en a pas besoin pour s’offrir une santé. Et pour s’amuser.

Votre compte

Je cours, tu cours, ils courent… de plus en plus

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Société

Remontée des cas, variant BA.5... faut-il encore avoir peur du covid?

L’e-cigarette moins nocive que le tabac… pour les ex-fumeurs

Le yoga est-il la solution à tous les maux?

Météo: un ciel généralement ensoleillé ce week-end

Variole du singe: les symptômes des premiers cas européens diffèrent des cas africains

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Les tarifs des maisons de repos montent, sauf en Wallonie

Entretien Raoul Hedebouw: «Le PTB est prêt à aller au pouvoir dans les communes en 2024»

Météo: un ciel généralement ensoleillé ce week-end

Ryanair et les grèves en Belgique: pourquoi la situation n’est pas près de s’apaiser

Coronavirus: ce qu’il faut retenir pour éviter le faux départ en vacances (vidéo)

Assaut du Capitole: la dernière ligne de défense s’écroule pour Donald Trump

Le présentéisme structurel est en hausse

Dépliants toutes boîtes : un vrai service à la clientèle

Les postes vacants en Belgique suscitent moins d'intérêt auprès des étrangers

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel