Planter des arbres pour restaurer les sols

Les sols s’appauvrissent. Ce triste constat se dresse tant au nord qu’au sud. Et si la solution à ce problème global résidait en partie dans les arbres ? La reforestation enrichit naturellement les sols et crée des micro-climats favorables. Et ce, tant en Belgique qu’au Mali. Même si les climats sont différents, l’objectif est le même : restaurer la terre. C’est pour reboiser de concert dans ces deux pays qu’un crowdfunding (1) est lancé par la coopérative Les compagnons de la terre (CDLT) et l’ONG Autre Terre. Avec les 10.000 euros (soit la moitié du budget de l’opération) qu’ils espèrent collecter auprès des citoyens d’ici fin octobre, 220 arbres fruitiers seront plantés à Mortier en province de Liège et 300 arbres le seront sur 3 parcelles maraîchères sises à Gao au Mali. En Belgique, cette opération « Restaurons la terre » vise concrètement à étendre le verger des CDLT. Déjà riche de 336 arbres fruitiers financés par le crowdfunding de l’an dernier, il se distingue par ses anciennes variétés de pommiers, de poiriers ou encore de pruniers en basses et hautes-tiges. Les bois greffés proviennent d’une pépinière bio proche. « Outre les bénéfices en termes de culture et de pollinisation grâce aux refuges créés pour les insectes et les oiseaux, la plantation permet de restaurer les bocages du pays de Herve mis à mal par les primes d’abattage de fruitiers dans les années 80, tout en empêchant les torrents de boue », explique Christian Jonet, directeur des CDLT. Et au Mali ? L’agroforesterie ne vise rien de moins que de créer des micro-climats favorables aux plantations et donc à la production vivrière. Mais faire émerger une oasis fertile dans ces zones pauvres et arides aux portes du désert, ce n’est pas une sinécure. L’opération de plantation de 300 arbres va se focaliser sur 3 parcelles à Gao. « Autour de chaque parcelle, des arbres sont plantés en haies pour freiner les vents desséchants. Ensuite, au coeur de ces parcelles, les bénéficiaires plantent différents types de cultures étagées : d’abord, des palmiers dattiers à grande hauteur, ensuite des fruitiers à moyenne hauteur puis des cultures maraîchères au plus près du sol. Cette diversité en arbres a le don d’augmenter l’humidité ambiante mais aussi la qualité du sol à force de perdre leurs feuilles, et par là de créer un environnement oasien propice au maraîchage, explique Benoît Naveau, chargé de partenariats avec l’Afrique de l’Ouest pour l’ONG Autre Terre. Grâce à l’agroécologie et à l’utilisation intense de compost, les sols des parcelles maliennes vont gagner en fertilité chaque année. Après seulement 3 ans, on aura déjà un sol productif pour le maraîchage, tandis qu’il faudra attendre 5 ans pour les fruitiers et environ 10 ans pour les palmiers dattiers. » Aux 3 parcelles maraîchères que l’ONG espère voir financées par le crowdfunding, s’en ajoute une multitude d’autres. Voilà déjà 10 ans, en effet, que l’ONG Autre Terre essaime l’agroécologie au Mali, en partenariat avec la coopérative malienne UGM (Union des Groupements Maraîchers). C’est ainsi que 22 associations locales, dotées chacune d’une parcelle maraîchère, ont d’ores et déjà été aidées, pour un total de 35 hectares cultivés. Et avec une production de 20 tonnes par hectare, le rendement est au rendez-vous. « On arrive à cette production incroyable en sensibilisant les agriculteurs à la rotation : ils cultivent toute l’année, alternant de 3 à 4 cultures par an sur le même sol. On a un peu moins de 600 bénéficiaires pour environ 600 tonnes récoltées par an. Ils en consomment un tiers et en vendent deux tiers, précise Benoît Naveau. Ils en tirent donc de la nourriture et des revenus. Si bien que dans cette zone du Mali délaissée au niveau sécuritaire et économique, les adeptes de l’agroécologie sont devenus résilients. » Si l’agroécologie exige de nombreuses connaissances, issues des savoir-faire ancestraux et des recherches agronomiques, elle nécessite peu de moyens : on évite en effet au maximum la mécanisation, les engrais et les pesticides dépendants du pétrole. Aussi, on utilise les produits locaux, comme le compost pour amender les sols. Mais aussi des semences paysannes permettant de maintenir la diversité légumière, de la choisir la mieux adaptée au sol tout en étant indépendants des multinationales. Aux 3 zones maraîchères touchées par le crowdfunding s’ajouteront, dans les 5 ans, 32 autres parcelles qui, à force d’être reforestées, deviendront des oasis de maraîchage. Et des oasis de vie. *https ://www.miimosa.com/be/projets/restaurons-la-terre-2017 Vif succès pour l’auto-cueillette Les Compagnons de la Terre sont ambitieux. D’ici 2020, ils souhaitent être en mesure de nourrir 1000 familles liégeoises. Actuellement, sur les 30 hectares sis sur les hauteurs de Liège, en plus du verger de fruitiers, 6 ha sont dévolus aux cultures céréalières et 5,5 hectares au maraîchage. La production est écoulée dans de petits magasins bio à Liège. Du moins celle qui n’a pas été cueillie par les citoyens. En effet, ce potager géant est régi en grande partie par l’auto-cueillette. A toute heure, on peut y venir chaussé de ses bottes pour extraire des carottes du sol, pour couper une poignée de bettes aux cardes multicolores ou pour s’emparer de tomates bien juteuses. Une balance attend de peser les légumes. Une calculatrice aide à comptabiliser les achats. Il ne reste plus qu’à glisser dans la tirelire, le montant dû. Ce système marche bien entendu sur la confiance. « Cela rencontre un vif succès. Beaucoup de gens viennent des alentours. C’est un peu leur grand potager aux portes de leur jardin. Ils apprécient venir récolter les légumes en primeur, explique Elisabeth Gruié, chargée de communication. Pour d’autres, c’est l’occasion d’une visite en famille, de venir montrer à ses enfants ce qu’est un potager et comment on cultive des légumes. C’est l’occasion d’une rencontre avec la nature. » Bientôt, Les Compagnons de la terre se frotteront à l’élevage. Des poulets de chair devraient faire leur entrée en basse-cour d’ici fin d’année ou début de l’an prochain. Un pas supplémentaires vers l’élaboration d’un réseau de micro-fermes interconnectées – les déchets de l’une devenant la matière première d’une autre – sur le domaine des Cortils. L.Th. AGENDA La souveraineté alimentaire, un défi au Nord comme au Sud Encore méconnue du grand public, l’importance de l’arbre dans l’agriculture sera débattue mardi 10 octobre (dès 19h) au KulturA à Liège avant une soirée festive rythmée par le groupe bruxellois PANG. A une belle brochette d’intervenants du terroir (dont Pr Nicolas Vereecken de l’ULB) se joindra le malien Mahamadou Souleye, alias BB. Agronome, agroécologiste, spécialiste des semences et directeur de l’UGM (Union des Groupements Maraîchers) au Mali, ce dernier mettra en lumière la question de la souveraineté alimentaire dans son pays et expliquera en quoi l’agroécologie y apporte réponse. Cet invité de marque sera également présent au cinéma Le Parc à Liège le 18 octobre. En suite du film « Seeds » qui aborde la question des semences, il témoignera auprès du public, accompagné de la semencière condruzienne, Fanny Lebrun. L.Th.

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