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Bye Bye Belgium? Les Flamands ne sont pas les Catalans

En 2006, alors que les Wallons croyaient voir arriver la fin de l’Etat belge, les Catalans figuraient au rang des autonomistes sages. Onze ans plus tard, les rôles ont bien changé. Chronique.

Chronique - Editorialiste en chef Temps de lecture: 4 min

Une déclaration unilatérale d’indépendance ? Les Belges francophones savent parfaitement de quoi il s’agit. Et pour cause, ils l’ont vécue en direct, en décembre 2006… Ce soir-là, leurs émissions télévisées sont interrompues. Flash spécial. Christophe Deborsu, le journaliste (alors) de la RTBF est en direct devant le Parlement flamand, où les députés viennent de déclarer l’indépendance. Des reporters sont déjà dans ce fameux tram bruxellois qui s’arrête à l’entrée de Tervuren et dont le conducteur soudain lâche : « Tout le monde descend, nous ne pouvons plus aller plus loin.  » Dans leur salon, les francophones sont tétanisés, terrifiés, paniqués. Les Flamands, eux, ne se doutent de rien : ils vivent une soirée télé normale, ignorant cette fiction ravageuse que leurs compatriotes de l’autre côté de la frontière linguistique vont prendre pour argent comptant pendant près d’une heure et demi.

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C’était Bye Bye Belgium : la projection en « faux », de ce que les Espagnols sont en train de vivre en « vrai ». Aujourd’hui, on se dit que le monde est vraiment étrange. En 2006, les Belges francophones étaient à deux doigts de penser que la Flandre pouvait se lancer dans une aventure indépendantiste. Pour eux, les aventuriers irresponsables en Europe étaient potentiellement les séparatistes flamands, alors que les Catalans figuraient au rang des autonomistes sages – on ne croyait d’ailleurs guère à leurs velléités d’indépendance.

Rôles inversés

Onze ans plus tard, les cartes se sont complètement inversées. Le leader catalan Puigdemont est prêt à lancer son «peuple» dans une aventure institutionnelle, non validée par un référendum tenu dans les formes qui assureraient sa crédibilité et sa légitimité, tandis que la N-VA en Belgique se montre extrêmement rationnelle sur le sujet. À la manière de Jan Jambon qui déclarait d’abord en riant dans Le Soir ce week-end que « si les sondages montraient une majorité pour l’indépendance, on ferait un référendum tout de suite  », pour dire plus sérieusement ensuite : « Nous ne sommes pas favorables aux référendums. Ce sont les élus qui doivent gérer cela. »

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Alors que l’Espagne est prête d’éclater, voilà que la Belgique, dont on a cru cent fois qu’elle y « passerait », semble moins menacée que jamais. Tout ça, grâce au modèle belge et à ce système de dialogue/négociation menant à de grands accords et à une usine à gaz institutionnelle d’une complexité infinie mais qui in fine, nous a acheté la paix ? Pas si vite, car trois éléments structurels très spécifiques à notre pays empêchent depuis des années le rêve autonomiste de se réaliser : la dette, Bruxelles et le sentiment majoritaire « belge » des flamands. Mais une fois cela dit, on peut reconnaître que notre nécessité de nous enfermer dans des châteaux pendant des jours, semaines ou mois pour arriver à un accord qui satisfait toutes les parties, a permis de calmer les esprits et les demandes. Au moins un temps.

La présence de la N-VA au pouvoir fédéral a ajouté paradoxalement une couche « pacificatrice » à cet édifice : en muselant le communautaire, la N-VA a non seulement rassuré le MR francophone, mais a dans le même temps mieux servi la cause flamande. C’est sans doute la force aujourd’hui de Bart De Wever sur les indépendantistes jusqu’au-boutistes catalans : il sait que ses Flamands ne s’endorment pas en rêvant d’autonomie ou d’une réforme de l’état, mais d’une politique plus libérale et d’emplois. Ce qu’ils ont aujourd’hui.

Accroître l’efficacité du national

Cette avancée lente vers une sorte de séparatisme soft, via un confédéralisme larvé, postule cependant un risque pour tous les citoyens du nord et du sud du pays : le déni du rôle du pouvoir central et de la nécessité d’en accroître l’efficacité. Un système fédéral mur organiserait sans aucun souci la régionalisation de compétences nombreuses – aujourd’hui même les Wallons sont demandeurs de plus – mais en refédéralisant celles qui exigent des actions transversales pour répondre aux besoins du citoyen. Prenez le viaduc Herrmann-Debroux à Bruxelles : il doit aller à la casse, mais on ne peut le faire que si on a un RER efficace, une SNCB performante. Ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui, faute de vision fédérale partagée et assumée sur la mobilité en général, et la SNCB en particulier.

Les chiffres le prouvent par ailleurs : les investissements publics se sont réduits de 50 % en 25 ans, suite aux mesures budgétaires mais aussi à la fédéralisation : il n’y a plus assez d’investissements financés par le fédéral venus du fédéral et il n’y a pas assez de moyens et de volonté politique dans les régions pour assurer ces dépenses. Le pacte d’investissement de Charles Michel est baptisé « national ». Ce n’est pas qu’un adjectif, c’est une nécessité.

 

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3 Commentaires

  • Posté par Petre Eric, mercredi 11 octobre 2017, 10:57

    Il n'y aura probablement jamais de déclaration d'indépendance unilatérale chez nous. Par contre on pourrait fort bien constater à l'issue d'élections l'impossibilité de former une majorité fédérale et voir l'Etat belge disparaître faute de pouvoir national.

  • Posté par Poullet Albert, mercredi 11 octobre 2017, 10:51

    Après l'indépendance du Congo... 57 années de misères, de luttes, de massacres...

  • Posté par Lespagnard Frans, mercredi 11 octobre 2017, 10:40

    Les dépenses d’investissement ont baissé de 50 % soit probablement 1,5 à 2%. Du PIB. les dépenses militaires sont passées de 3,5 % du PIB dans les années 60-80 à moins de 1 % du PIB ces dernières années et les intérêts considérables de la dette publique de 5,5 %àmoins de 3 % du pib aujourd’hui. Quant aux dépenses du poste chômage-emploi de la sécu, elles ont reculé de plusieurs milliards d’euros ces dernières années. Au total, ces montants doivent représenter 30 milliards annuellement. Où est passé cet argent ?

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