«Chaos», «chantage», «temps mort»…: la presse espagnole divisée après la déclaration du gouvernement catalan
La presse espagnole souffle le chaud et le froid selon qu’elle est imprimée à Madrid ou à Barcelone, au lendemain de la déclaration d’indépendance immédiatement « suspendue » par Carles Puigdemont.


Toute la presse espagnole fait ses gros titres ce mercredi sur la déclaration d’indépendance signée la veille par le président de la Catalogne, puis immédiatement « suspendue » pour laisser un espace « au dialogue » avec l’Etat espagnol. Avec des sons de cloche parfaitement différents selon que la rédaction des quotidiens soit basée à Madrid ou à Barcelone. Jugez plutôt…
1.
La presse catalane
La Vanguardia
Sous une manchette factuelle (« Puigdemont annonce l’indépendance et la suspend »), La Vanguardia écrit que « le président tente de gagner ‘quelques semaines’ de temps avec une offre de dialogue ». « Hier, 10 octobre 2017, était le jour choisi par le gouvernement pour la déclaration d’indépendance de la Catalogne. Mais le président de la Généralité (la région catalane, NDLR) s’est contenté d’insinuer cette déclaration, puis de la suspendre pour semer la confusion », regrette le quotidien catalan dans son éditorial. Dans son reportage près de l’Arc de Triomphe où se réunissaient mardi les soutiens à l’indépendance, le journal revient sur la « déception » après le discours de Carles Puigdemont.
El Periódico
« Moment décisif en Catalogne : temps mort », annonce El Periódico en première page mercredi. La CUP, le parti indépendantiste ultra, « menace de quitter la Chambre ‘jusqu’à ce qu’elle fonctionne pour la république’ », avance le journal dans son édition catalane. « L’avenir du processus de sécession est maintenant entre les mains [du Premier ministre espagnol] Rajoy », constate le quotidien.
« Ni oui, ni non, bien au contraire », ironise le directeur du journal Enric Hernàndez dans le titre de son éditorial. « En suspendant la déclaration unilatérale d’indépendance sans l’approuver, Puigdemont sauve pour l’instant l’autonomie et encourage la voie du dialogue », lui concède l’analyste politique.
Ara
« Une pause pour le dialogue » titre mercredi Ara, sur une photo montrant Carles Puigdemont signer une « déclaration pour le moment sans effet ». Mais ce journal ouvertement indépendantiste n’en tient pas rigueur au président de la Catalogne : « Le discours de Carles Puigdemont a été extrêmement courageux, écrit dans sa chronique Antoni Bassas. Un homme d’Etat doit faire la distinction entre ce qu’il a rêvé toute sa vie et ce qu’il pense devoir faire quand il a une responsabilité collective, comme la présidence d’un pays. (…) Oui, Puigdemont n’a pas dit ce que s’attendaient à entendre tant de gens dans la rue et à la maison, mais la déception d’aujourd’hui ne peut pas constituer un sentiment définitif. Nous le devons à nous-mêmes et à l’énorme dignité que nous avons démontrée. »
Anthony Garner, le dessinateur maison, montre un Carles Puigdemont au volant d’une auto aux couleurs de la Catalogne, arrêtée au feu orange.
2.
La presse « de Madrid »
El Paìs
Le grand quotidien espagnol titre sur le « chaos qui se prolonge en Catalogne » au lendemain du discours d’indépendance. « Un nouveau piège » regrette dans son éditorial situé en première page El Paìs. « Une déclaration unilatérale d’indépendance est une déclaration unilatérale d’indépendance, et rien d’autre, ainsi il est aisé d’identifier cette manœuvre comme une nouvelle moquerie de Puigdemont face à la primauté du droit », s’offusque le journal, depuis le début très critique face aux velléités indépendantistes. En page 21, El Paìs fait un focus sur le parti indépendantiste et anticapitaliste de la CUP, « manifestement en divergence » avec le reste de la majorité catalane.
El Mundo
El Mundo n’y va pas non plus par quatre chemins : « Farce et chantage ». Et de montrer deux images côte à côte des indépendantistes, réunis la veille pour écouter le discours, d’abord hurler de joie en entendant M. Puigdemont évoquer l’indépendance, puis afficher une mine déconfite lorsqu’il annonce « suspendre les effets de la déclaration ». Cruel !
Pour le journal, c’est « une mascarade » de parler de « la coercition de l’Etat » espagnol. En pages intérieures, le dessinateur Ricardo caricature un Carles Puigdemont ridicule en train de mâcher consciencieusement un drapeau indépendantiste.
Pour poster un commentaire, merci de vous abonner.
S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir0 Commentaire