Catalogne: Madrid reprend l’initiative dans la crise

Depuis Madrid Moins de 24 heures après le discours du président du gouvernement catalan Carles Puigdemont, Mariano Rajoy a fait, mercredi, un premier pas vers une possible suspension de l’autonomie de la Catalogne. Dans une déclaration à la mi-journée, à l’issue d’un Conseil de ministres extraordinaire, le Premier ministre conservateur a adressé une demande formelle à Puigdemont, pour savoir « s’il avait ou non déclaré l’indépendance » de la région. La question s’explique par la formule ambiguë employée mardi soir devant le Parlement catalan par le leader séparatiste. S’il a déclaré assumer « le mandat [issu du référendum du 1er octobre, marqué par les irrégularités et suspendu par la justice espagnole, NDLR.] pour que la Catalogne devienne un état indépendant », il a aussi annoncé la suspension de l’indépendance « pendant plusieurs semaines » pour permettre une sortie de crise par le dialogue. Dans la même soirée de mardi, les 72 députés séparatistes du Parlement catalan ont en plus signé « une déclaration d’indépendance », un texte sans valeur juridique, avant tout « symbolique » selon le porte-parole de l’exécutif catalan Jordi Turull. [scald=8832575:sdl_editor_representation] Pour Rajoy, les autorités de Barcelone ont « alimenté la confusion de manière délibérée » avec ces manœuvres. D’où son exigence de « clarté » que réclament « les Espagnols et les Catalans » et l’avertissement qu’il a lancé :« De la réponse du président Puigdemont à cette demande dépendront les événements de ces prochains jours. » Le président catalan a jusqu’à lundi prochain pour répondre au chef de l’exécutif de Madrid, pour qui cette « demande formelle » représente « un préalable à toutes les mesures que le gouvernement pourrait adopter dans le cadre de l’article 155 de la Constitution. » Selon cet article, le gouvernement peut « après une demande formelle au président de la région et si celle-ci reste sans réponse » adopter « toutes les mesures nécessaires pour obliger une région à respecter la loi et l’intérêt général » si celle-ci n’a pas respecté « les obligations que lui imposent la Constitution. » S’il ne rentre pas dans les détails, ce paragraphe offre la possibilité à l’exécutif central de suspendre – totalement ou partiellement — l’autonomie de la région. Rajoy tenté de l’utiliser Jamais utilisé depuis le retour de la démocratie en Espagne il y a quarante ans, l’article 155 permettrait à Madrid de prendre le contrôle des finances de la région – déjà sous tutelle du gouvernement central depuis le mois dernier –, des services publics et des forces de l’ordre, de suspendre des hauts fonctionnaires et même de dissoudre le parlement régional. L’exécutif conservateur a longtemps été réticent à l’idée d’employer l’article 155 pour répondre à la crise catalane, conscient que cet instrument pourrait entraîner une réaction négative de nombreux catalans, jaloux des larges compétences de leur région. Rajoy, soutenu dans sa démarche par les socialistes et les centristes libéraux, pourrait donc être tenté de l’utiliser de manière ciblée, ne prenant le contrôle que de quelques secteurs clés en fonction des événements. Dans tous les cas, il devra expliquer et faire voter au Sénat, où les conservateurs disposent de la majorité absolue, chaque mesure qu’il souhaite adopter dans le cadre de cet article. Si les conditions de l’application de l’article 155 restent encore floues, une chose paraît acquise : les autorités de Madrid ne négocieront pas un référendum avec les indépendantistes.« On ne peut pas négocier la souveraineté et l’indivisibilité de l’Espagne » a lancé hier Rajoy au Congrès des Députés de Madrid, où il a également rejeté les offres de médiation. [scald=8832576:sdl_editor_representation] Le Premier ministre a par contre ouvert la porte à une réforme de la Constitution, une possibilité abordée un peu plus tôt avec le leader socialiste Pedro Sanchez, et au dialogue avec les autorités catalanes sur des compétences en matière notamment de « services publics et financement », à condition de le faire« dans le cadre de la loi. » Pour le chef de l’exécutif espagnol, Puigdemont doit désormais choisir « entre le retour à la normale ou prolonger la période de tensions. » « J’espère qu’il fera le bon choix » a ajouté Rajoy. Renforcés par le soutien de l’Union européenne, les autorités de Madrid mettent la pression sur le président catalan. La possibilité d’appliquer l’article 155 est un message fort envoyé à Carles Puigdemont et son gouvernement. Quelque soit leur prochain mouvement sur l’échiquier, les indépendantistes le feront avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.

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