Affaire Weinstein: les huit jours qui ébranlèrent Hollywood

Huit jours ont passé depuis le déclenchement de l’affaire Weinstein, et chaque jour qui passe, depuis, livre son lot de « breaking news ». Si la loi du silence a régné durant une vingtaine d’années sur les incessantes pratiques d’abus sexuel d’Harvey Weinstein, c’est un tsunami de révélations que les enquêtes du New York Times et du New Yorker ont libéré. D’innombrables actrices ont pris la parole. Après Rose McGowan, Ashley Judd, Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow, Asia Argento, Léa Seydoux, Lucia Evans Emma De Caunes ou Judith Godrèche, d’autres voix se sont fait entendre, ces dernières heures. Jane Fonda a exprimé ses regrets : elle savait, dit-elle, et n’a pourtant pas rompu l’omertà. « J’ai honte de n’avoir rien dit (…) Grâce à Dieu, on en parle. » L’actrice britannique Kate Beckinsale a raconté sa mésaventure, alors qu’elle n’avait que 17 ans. Une expérience qui rejoint dans le modus operandi d’autres témoignages, recueillis depuis une semaine. La plupart du temps, Weinstein repérait de jeunes et jolies comédiennes. Il leur faisait miroiter de grands lendemains. Leur tendait une sorte de guet-apens en les invitant, pour un prétendu rendez-vous professionnel, dans une chambre d’hôtel. Puis, il tentait de passer à l’action : en se déshabillant, en réclamant un massage… voire en forçant un rapport. Dans son post sur Instagram, la comédienne conclut : « Souvenons-nous que Harvey est l’emblème d’un système qui est malade. » Sur le plateau télé de Quotidien (TMC), jeudi soir, la comédienne française Florence Darel revient, elle aussi, sur son expérience, en 1995. « Il m’a proposé d’avoir des projets professionnels avec moi, mais il fallait que je devienne sa maîtresse quelques jours par an (…) Comme une proposition sexuelle, comme si j’étais une marchandise. » Florence Darel dit n’avoir jamais caché ce qui lui est arrivé à son entourage professionnel, mais faisait face à une sorte de fatalité : c’était comme ça, il fallait se plier aux caprices du roi. « Quand est-ce que les hommes vont comprendre que les femmes ne sont pas un trophée, pas un butin que l’on ramasse quand on a le pouvoir ? » Le Festival de Cannes savait-il ? La colère de la comédienne est dirigée contre un système mis en place. Pour elle, le Festival de Cannes, qui a condamné « le comportement impardonnable » de Weinstein, fait partie de ce système. « J’ai du mal à croire qu’un organisateur de festival ne sait pas ce qui se passe dans une chambre de palace, année après année. Vu le nombre d’histoires et de comédiennes à qui c’est arrivé… » Emma Thompson n’est pas en reste : être une femme à Hollywood, ce n’est pas franchement le rêve américain, dit-elle. « J’ai passé ma vie à essayer d’enlever les langues des vieux hommes de ma bouche. » Une trentaine de plaintes pour agressions sexuelles ont été déposées. Deux enquêtes ont été ouvertes par les polices de New York et de Londres. La procédure juridique qui a cours aux Etats-Unis prévoit, en cas de harcèlement sexuel, une prescription très courte, entre six mois et un an. En cas de viol, par contre, il n’y a pas de prescription. La pression s’est donc retournée, au prix d’un incroyable effet domino. Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que Weinstein avait perdu de sa superbe, et n’était plus l’homme fort de Hollywood ? Hier, personne ne parlait. Désormais, tout le monde y va de sa révélation, de son coup de colère ou de son mea culpa. Désormais, c’est celui ou celle qui ne s’exprime pas publiquement qui fait figure de suspect. Gageons que d’autres têtes vont tomber. Comme celle de Roy Price, un haut responsable de Amazon Studios, dont on apprenait vendredi le licenciement, pour harcèlement sexuel. Les stars masculines de Hollywood sont restées longtemps silencieuses, en renforçant du coup le malaise. Quentin Tarantino et Colin Firth ont fini par s’exprimer, jeudi, en disant leur émotion, mais leur sortie indignée manque pour d’aucuns de conviction. Le soutien de Stone à Weinstein Oliver Stone s’insurge, quant à lui, contre le « système de justiciers » qui s’attaquent à Weinstein. Pour lui, les accusations ne sont rien de plus que « des rumeurs », « des cancans », brisant la présomption d’innocence. Quelques heures après cette sortie, Carrie Stevens, ex-Playmate, affirmait sur le site du New York Daily News que lorsqu’elle avait 22 ans, le réalisateur de Platoon lui aurait touché la poitrine sans son consentement. « C’est comme ça que ça se passe à Hollywood. C’est pour cela que les choses doivent changer. Il est Oliver Stone. Personne ne dira rien. » La situation de Matt Damon, Ben Affleck et Russell Crowe est beaucoup plus embarrassante. Les trois stars sont aujourd’hui accusées de couvrir Harvey Weinstein, qui a lancé, révèle le Hollywood Reporter, un appel désespéré à ses collègues hollywoodiens peu avant de tomber. « Ne me laissez pas être viré. Si l’industrie me soutient, c’est tout ce dont j’ai besoin. » Ben Affleck aux abois Révélés en 1997 par Harvey Weinstein, qui avait été conquis par leur scénario de Will hunting, Affleck et Damon se sentent-ils redevables envers leur parrain professionnel ? Le premier dit être tombé des nues en apprenant les agissements du nabab. Or, il savait, l’affirme Rose McGowan. Affleck, aux abois, s’est en outre fendu d’excuses, ce jeudi, pour avoir agrippé la poitrine d’une journaliste de MTV… c’était il y a 14 ans. Une jeune maquilleuse affirme encore sur Twitter que l’acteur lui aurait, lors de la cérémonie des Golden Globe de 2014, « touché les fesses et mis ses doigts entre mes jambes . » Damon et Crowe sont, quant à eux, accusés d’avoir fait pression sur Sharon Waxman en 2004, alors que la journaliste tentait de publier dans la presse un dossier à charge sur Weinstein. Les pressions furent telles que le reportage ne fut jamais publié. On en est donc là, au cœur d’une révolution de palais, qui voit certains rois de Hollywood, jadis sacrés par Harvey Weinstein, aujourd’hui menacés sinon de guillotine, du moins de purgatoire professionnel. Et Weinstein ? Il s’est enfermé depuis jeudi dans un centre de traitement de la dépendance sexuelle, en Arizona. « Je ne vais pas bien, mais je vais me faire aider… nous faisons tous des erreurs », a-t-il déclaré, laissant entendre que son système de défense pourrait reposer sur une pathologie médicale. Le mogul de Los Angeles réfute pour l’heure toutes les accusations de relations sexuelles non consenties. Bob Weinstein a déjà réagi aux propos de son frère : « C’est un homme très malade dont les remords sonnent creux (…) Il a prouvé qu’il était un menteur de classe mondiale et maintenant, plutôt que de chercher à se faire aider, il tente de blâmer les autres. Ses affirmations sont absolument fausses. » Faut-il préciser que cette folle semaine ferait, à Hollywood, un excellent scénario de film ?

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