Hein Vanhaezebrouck au «Soir»: «Je serais déçu si mon équipe ne jouait pas le jeu face au PSG»

Pour sa première grosse interview depuis son arrivée à Anderlecht, Hein Vanhaezebrouck est en forme. Comme à son habitude, le ton est enjoué, pédagogue et passionné. Certes, il utilise encore le « nous » quand il évoque Gand. La force de l’habitude. « J’ai prévenu Roger Vanden Stock que ça risquait encore de se passer quelques fois », sourit-il. Mercredi, vous disputerez votre première très spéciale au parc Astrid ? Ce ne sera pas seulement mon premier match comme entraîneur d’Anderlecht au stade Constant Vanden Stock mais il s’agira également du PSG et de la Ligue des champions. Ce rendez-vous sera donc triplement spécial pour moi. Cette fameuse Ligue des champions, j’ai eu la joie de la vivre à huit reprises avec Gand. Mais cette fois-ci, ce sera face aux meilleurs joueurs du monde. C’est un cadeau de commencer par le PSG ? A Malines ce n’était pas simple non plus. Ensuite ce sera contre Genk et face à Zulte-Waregem. Le calendrier est très compliqué dans les prochaines semaines, mais je ne me suis jamais plaint d’un tirage au sort et je ne le ferai jamais. Vous avez déclaré qu’il y avait toujours moyen de réaliser un exploit… On ne joue pas au volley-ball mais au football. Au volley, les meilleurs sont d’un côté du filet et les plus faibles de l’autre côté. Ce sont toujours les meilleurs qui gagnent. En Coupe de Belgique, que ce soit en volley ou en basket, les équipes des divisions inférieures bénéficient de points d’avance. Mais dans le foot, une équipe de D3 ne reçoit même pas un but d’avance pour commencer la rencontre. C’est la preuve que chaque équipe a une chance au coup d’envoi. Sinon, Gand n’aurait jamais pu poursuivre sa route en Ligue des champions il y a deux ans. Quel sera votre message aux joueurs ? Ils doivent se rendre compte que c’est l’occasion idéale pour se montrer. Ils auront tout à gagner. Dans les six matchs de poule de Ligue des champions, avec Gand, vous aviez systématiquement plus de possession de balle que l’adversaire. Cela risque de ne pas être le cas contre le PSG… On verra bien. Contre le Bayern, le Barça, le PSG, et Manchester City, forcément il y a un risque. Mais on essaiera malgré tout d’avoir le ballon le plus possible. Si on abandonne le ballon aux Parisiens, ce sera 0-5 à tous les coups. Si le marquoir indique 0-1 après quelques minutes, quelle sera la réaction de votre équipe ? Ce sera intéressant de voir qui va relever la tête. Les meilleurs savent monter d’un cran dans ces matchs-là. Par contre, ceux qui s’effacent en pareilles circonstances prouvent qu’ils sont à leur maximum et qu’ils auront très difficile de jouer un cran plus haut. Moi je me souviens d’un match de Coupe contre Anderlecht avec Harelbeke qui était encore en D2. Nous avions perdu 3-0 mais je me sentais bien, dans mon élément. Et je me suis retrouvé en 1re division. Pensez-vous pouvoir reconduire votre schéma séduisant contre le PSG ? Même à Malines, ce système n’était pas tenable en seconde mi-temps dès l’instant où tout le monde ne fait plus ce qu’il faut. Le PSG étant largement meilleur que Malines, on aura forcément aussi des problèmes mercredi. Je ne sais pas quel sera le résultat mais nous mettrons tout en œuvre pour faire un pas en avant. Je serais très déçu si mon équipe n’osait pas jouer le jeu. Je ne comprendrai jamais un club qui sacrifie la Ligue des champions en laissant se reposer quatre ou cinq joueurs parce que le championnat est plus important. Si tu as tout fait pour être en C1, tu te dois de mettre ta meilleure équipe. Pour ton club mais aussi pour le football belge. Avant le déplacement à Wolfsburg avec Gand, vous aviez déclaré que vous aviez… 0 % de chance… Oui car on avait perdu 1-3 à domicile. C’était impossible en match aller-retour. Et cette fois-ci ? La défaite à domicile contre Celtic nous élimine pratiquement de la Ligue des champions tandis que la troisième place est très loin. Il faut espérer que le Celtic ne prenne aucun point face aux grands, aller gagner en Ecosse et faire un exploit contre le PSG ou face au Bayern à domicile. Dans quel état d’esprit avez-vous récupéré le groupe ? Je n’ai pas trouvé des joueurs abattus. L’engagement, la volonté et le plaisir étaient là. Je leur ai expliqué que j’avais beaucoup de respect pour mon prédécesseur mais que j’avais une autre approche du football. Une nouvelle histoire commence. Je les ai vus courir énormément derrière le ballon la saison passée, notamment lorsqu’ils sont venus à Gand. Mais je leur ai fait comprendre qu’ils s’amuseraient mieux en courant… avec le ballon. Changer une philosophie est-il difficile ? Pas évident. Mais avec ce groupe-ci, au sein duquel énormément de joueurs sont techniquement au-dessus de la moyenne et aiment construire, ça ira beaucoup plus vite qu’avec une équipe de bas de classement. D’autant que ce groupe a faim. Etes-vous surpris par l’atmosphère positive qui a entouré votre arrivée ? C’est un peu tôt pour verser dans l’optimisme… Je viens juste d’arriver mais c’est toujours bien quand l’atmosphère est positive. Cela fait des années que les supporters d’Anderlecht, quand je viens voir les matchs, me courent derrière pour me dire de venir ici. Mais je sais aussi que si ça ne marche pas, que l’on perd et que le foot n’est pas bon, ils vont vite demander un autre entraîneur. C’est le football. C’est la vie d’un entraîneur. Cela peut changer tellement vite. Il ne faut donc pas être euphorique. Surtout pas après avoir gagné un seul match et joué une bonne mi-temps. Mais même après des matchs difficiles à Gand, le foot belge reste convaincu que vous étiez l’homme de la situation… Ok, mais sans doute parce que je suis resté trois ans et trois mois à Gand. Le titre, la Ligue des Champions, Tottenham, tout cela, on ne l’a pas oublié. Pendant trois ans, on a réalisé des exploits… même si on a fait un très mauvais départ cette saison. Etes-vous déçu d’avoir été oublié si vite à Gand ? Non, c’est bien. Ils doivent continuer. Sentiez-vous que vous étiez arrivé au bout d’un cycle ? Je n’avais plus le feeling. Les dernières semaines, je n’avais plus l’impression que continuer constituait la meilleure solution. Et peut-être ai-je pris la bonne décision : regarde, Gand a gagné ce week-end. Mogi Bayat vous avait mis en garde sur la saison de trop… Mogi Bayat dit beaucoup de choses. Parfois, il a raison et parfois pas. Mais c’est votre agent ? Oui, et c’est le meilleur ! Mais il a ses idées, il est respecté par beaucoup de gens et de clubs. Il aide beaucoup de monde. Mais finalement, ce sont les clubs et les joueurs qui doivent décider. Êtes-vous inquiet pour Teodorczyk ? Il travaille énormément. Je vois beaucoup de similitudes entre Teodorczyk et Depoitre. Sven Kums est-il uniquement efficace dans un football dominant ? Il doit aussi être capable de jouer dans un autre système mais ce qui est certain c’est qu’il doit jouer ! Sven n’est pas quelqu’un qui va réagir. Au contraire, il baisse la tête et les bras lorsqu’il est écarté de l’équipe au point de perdre l’essentiel de ses qualités. Lors de mes premiers entraînements à Anderlecht, j’ai tout de suite senti que ses touches de balle n’étaient pas les mêmes que quand il jouait à Gand. Cela fait la troisième fois qu’on travaille ensemble, on se connaît par cœur. Il doit sentir la confiance. Je dois lui donner un peu de temps pour retrouver ses sensations. Il doit sentir qu’il peut s’exprimer librement. Je lui donne quelques conseils mais pour le reste il faut le laisser faire. Toutes proportions gardées, c’est un Pirlo, un Xavi… C’est lui qui décide s’il faut calmer ou accélérer le jeu. Lorsque vous entrainiez Gand, vous aviez dit que Trebel et Kums risquaient de se marcher sur les pieds… C’était pour convaincre Kums de revenir à Gand (il rit). A côté de Kums, vous avez toujours joué avec un grand comme Neto, Essiti… Trebel et Kums ne sont-ils pas trop légers ? Pas d’accord. Ils sont très forts pour récupérer. Ce sont même les meilleurs en Belgique. Kums était déjà le meilleur récupérateur à Gand. On parlait beaucoup de Neto pour le jeu aérien mais il avait aussi ses longues transversales. Et Trebel se débrouille très bien à ce niveau. Pour l’instant Dendoncker est-il plus précieux en défense ? Effectivement. On a actuellement des soucis dans le secteur défensif, avec notamment Spajic qui reste incertain. Quant à Sà, même s’il devrait être prêt, il a été malade la semaine passée. Onyekuru meilleur buteur d’Anderlecht, est-ce normal ? Teodorczyk va encore marquer aussi. Idem pour Gerkens et Hanni. Il est très important d’avoir plusieurs options offensives sur le terrain. Quand tu es trop dépendant d’un buteur, tu ne peux pas jouer le top. Regardez le PSG, quand on voit leurs possibilités offensives, le danger vient de partout. C’est ce à quoi je veux arriver avec Anderlecht. C’est pour cela que j‘ai titularisé Gerkens contre Malines. N’avez-vous pas peur de perdre Onyekuru en janvier ? Onyekuru doit d’abord continuer à faire ce qu’il fait : se montrer sur le terrain, prouver qu’il peut fonctionner dans un collectif. Et ensuite aussi se montrer en Ligue des champions. Everton va suivre ses matchs de C1 avec encore plus d’attention que ceux de la Pro League. Si Everton voit qu’Onyekuru ne fait pas la différence sur la scène européenne, ils ne voudront pas le récupérer aussi vite que cela. Je ne sais même pas si c’est possible… Neymar est-il aussi fort que Messi ? Tu ne peux comparer personne avec Messi. Peut-être dans quelques années… Mbappé est-il le meilleur jeune actuel ? Il a beaucoup de qualités. Mais on ne parle pas assez de Cavani. Selon moi, il s’agit peut-être du meilleur attaquant de pointe au monde. Et êtes-vous surpris de l’évolution de Meunier ? Oui. Il a des qualités mais ce qu’il fait au PSG, au milieu de toutes ces vedettes, chapeau ! Devroe a réalisé un dernier exploit avant de partir de Bruges en le transférant car avec Courtrai, on était en contacts avancés avec lui. Il correspond à ma façon de jouer. Pour lui, le système des Diables est idéal. Mais il sait tout faire : il peut jouer dans une défense à quatre. Il le prouve au PSG. Quand tu vois le visage de ses équipiers sur ses deux buts, tu lis le respect. Le PSG a-t-il des défauts ? Pas beaucoup ! Pour la première fois, vous rencontrez une équipe qui peut gagner la Ligue des champions… C’est la différence par rapport au Zenit, Valence et Lyon. Je pense que le PSG est déjà prêt pour la remporter. Mais il faut un peu de chance. L’année passée, ils ont été impressionnants au match aller mais ils ont fait l’erreur d’aller au Barça et de défendre beaucoup trop. Quand vous étiez joueur, couriez-vous après les adversaires pour leur demander leur maillot ? Jamais ! Et si vos joueurs le font ? Après le match, ok. Mais avant, ils doivent avoir frappé deux fois sur le joueur (il rit). Si je vois un joueur qui n’ose pas toucher une star du PSG à cause de la pression, je le sors. Je n’ai jamais demandé à un joueur de casser un adversaire mais il ne faut non plus montrer trop de respect. Les deux équipes ont les mêmes droits. Si tu veux le maillot d’une vedette et que tu n’as pas touché le ballon du match, il ne va de toute façon pas te le donner.

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