Fin de l’anonymat des cartes SIM: les opérateurs télécoms mitigés
Base craint une remise en cause du modèle économique de la carte prépayée.


La volonté des ministres Alexander De Croo (Télécoms) et Koen Geens (Justice) d’obliger les acheteurs de cartes SIM prépayées à déclarer leur identité (Le Soir du 16 juin) suscite des sentiments mitigés chez les opérateurs télécoms. S’ils se déclarent ouverts à la discussion et trouvent des avantages au projet, ils ont des inquiétudes quant aux modalités pratiques de mise en œuvre.
A l’origine, la fin de l’anonymat vise à faciliter le travail de la police qui doit aujourd’hui déployer des moyens importants et coûteux pour identifier les personnes qui se cachent derrière des coups de fil suspects. Mais les opérateurs télécoms y trouvent aussi un intérêt. Cette obligation leur permettrait de connaître leurs clients prépayés, ce qui est précieux d’un point de vue commercial. Ils pourraient leur proposer de nouveaux services, essayer de les convaincre de souscrire à un abonnement, formule plus intéressante financièrement parlant. « Mieux on connaît nos clients, mieux on peut les servir », réagit Jean-Pascal Bouillon, porte-parole de Mobistar, qui se dit plutôt favorable au projet. Cela fait d’ailleurs longtemps que des opérateurs encouragent les détenteurs de cartes sim prépayées à s’identifier volontairement. Chez Base par exemple, malgré l’absence d’obligation, 51 % des détenteurs de cartes prépayées se sont identifiés. « Nous le leur demandons via l’envoi d’un SMS dès qu’ils activent leur carte ou dans nos Base shops », explique François Bailly, porte-parole.
Des inconvénients plus lourds que les avantages pour les opérateurs
Certains opérateurs craignent néanmoins que les avantages de cette nouvelle obligation soient largement contrebalancés par les inconvénients. C’est le cas chez Base. 50 % de ses cartes prépayées sont vendues via internet ou via des circuits parallèles aux boutiques télécoms : night-shops, supemarchés, librairies, pompes à essence,… Si demain la vente de ces cartes est liée à toute une série de formalités administratives à remplir à la caisse, ces canaux de distribution vont-ils vouloir continuer à proposer ce produit ? Le doute est permis. « De plus, ces commerçants ne disposent pas des moyens techniques pour assurer l’identification correcte des acheteurs, souligne François Bailly. In fine, une telle obligation risque de remettre en cause le business model de la carte prepaid ». Formule qui rencontre beaucoup de succès auprès des populations les plus fragilisées ;
Plus généralement, les opérateurs craignent le coût opérationnel que cela va représenter. Il va falloir mettre en place des systèmes de récolte des données personnelles qui remontent des points de vente, bâtir de nouvelles bases de données… Des dépenses qui pourraient peser lourdement sur les finances de certains petits MVNO (opérateurs virtuels) qui ne vendent que des cartes prépayées afin de maintenir une structure de coûts la plus légère possible.
Une question centrale taraude aussi les opérateurs : l’obligation de s’enregistrer vaut-elle uniquement pour les nouvelles cartes sim vendues ou pour toutes les cartes en circulation ? Dans la seconde hypothèse, les opérateurs devront déployer d’importants efforts pour contacter tous leurs clients et les convaincre de s’inscrire. Plusieurs millions de cartes prépayées à mettre en conformité, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Et avec quelle sanction à la clé si l’utilisateur n’obtempère pas ? Une coupure de la ligne ? Avec quel impact commercial (perte de clients) ?
Enfin, certains insistent sur le fait que tous les fournisseurs de services de télécommunication doivent être logés à la même enseigne, y compris les acteurs OTT (internet) tels que Whatsapp, Skype ou Viber qui sont également très prisés par les criminels pour passer leurs coups de fil de façon anonyme.
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