Daesh subit un revers important en Syrie
Après cinq jours d’offensive appuyée par les frappes aériennes de la coalition dirigée par les Etats-Unis et des groupes rebelles syriens, les forces kurdes se sont emparées ce matin de Tall Abyad. C’est le plus sérieux revers subi en Syrie par Daesh.


C’est un événement potentiellement majeur dans l’histoire du conflit en Syrie. Après plusieurs jours de combats, des forces alliées ont pris mardi le contrôle total de la ville de Tall Abyad, située à la frontière turque, qui était aux mains de « l’Etat islamique » (EI, ou Daesh) depuis le début de l’année 2014.
L’enjeu stratégique de cette bataille ? Pour Daesh, la perte paraît de prime abord énorme. Jusqu’ici, la grande majorité de l’approvisionnement du groupe terroriste en matériel, armes et combattants étrangers passait par ce poste-frontière situé à seulement 80 kilomètres de Raqqa, la seule capitale provinciale détenue par les djihadistes de l’EI. Par Tall Abyad passait aussi une bonne partie des camions qui exportaient en contrebande vers la Turquie le pétrole extrait des territoires contrôlés par l’EI dans le désert syrien. Raqqa est d’ailleurs maintenant menacée par les rebelles coalisés.
Comment, dès lors, une zone de cette importance a-t-elle pu échapper au contrôle de Daesh ? Il faut chercher la réponse dans un adage : « l’union fait la force ». Et aussi dans l’appui aérien crucial fourni par la coalition internationale conduite par les Etats-Unis, qui a bombardé tous les véhicules de l’EI qui tentaient ces derniers jours de venir en aide aux djihadistes assiégés.
« Volcan de l’Euphrate »
Car, sur le terrain, les forces kurdes du PYD, le principal parti kurde de Syrie qui est aussi la branche syrienne du fameux PKK en Turquie, alliées à des « katiba » (unités) plus ou moins affiliées à « l’Armée syrienne libre », ont procédé méthodiquement ces dernières semaines à l’encerclement de Tall Abyad, prenant la ville en étau à partir de l’ouest (la région de Kobané, reprise à l’EI en janvier dernier) et de l’est (le Jazira, le territoire contrôlé par le PYD qui jouxte la frontière turque et irakienne au nord-est de la Syrie).
Cette alliance entre le PYD et des unités éparses de l’ASL a été signée le 10 septembre 2014 sous le nom « Volcan de l’Euphrate ». Elle avait été scellée bon gré mal gré en fonction d’une réalité cruelle : Daesh progressait un peu partout dans le nord syrien. Ce n’est qu’en 2015 que l’alliance militaire ainsi formée a repris l’initiative et reconquis des premiers villages dans le Jazira.
La Turquie regarde ces événements avec un sentiment de colère teinté d’inquiétude. Le porte-parole officiel du gouvernement à Ankara a indiqué lundi que son pays redoutait que les Kurdes de Syrie ne tentent de constituer un territoire autonome sur le sol syrien, le long de la frontière turque, en unifiant les trois cantons existants de Kobané, Jazira et Afrin, un territoire identifié par les Kurdes sous le nom de Rojava.
Mauvaise nouvelle pour Erdogan
Ces Kurdes rêvent en effet d’imiter leurs coreligionnaires irakiens qui ont arraché à l’Etat irakien une zone autonome depuis le début des années 1990, à l’époque de Saddam Hussein. Mais si Ankara s’est accommodée de l’autonomie kurde irakienne avec laquelle les affaires commerciales et économiques vont bon train, il n’en est pas de même avec le PYD syrien, proche du PKK marxisant et sécessionniste.
Pour nombre d’observateurs, l’hostilité du président Erdogan envers les Kurdes l’a poussé à longtemps fermer les yeux sur les activités de « l’Etat islamique » sur son propre territoire ; d’aucuns suggèrent même qu’il est allé jusqu’à aider en sous-main les djihadistes pourvu qu’ils combattent, comme lui, les Kurdes avec ardeur.
Dans ce dossier délicat car la Turquie reste un allié essentiel au sein de l’Otan, les Américains ont néanmoins fini par imposer leur choix anti-Daesh et ont offert leur soutien aérien aux Kurdes à Kobané puis à Tall Abyad. Cela, alors que Recep Tayyip Erdogan qualifie le PYD de « terroriste »…
Comme si les mauvaises nouvelles s’additionnaient à Ankara, la Turquie a vu en outre affluer vers son territoire des milliers de nouveaux réfugiés syriens du côté de Tall Abyad. Vingt-trois mille, plus précisément.
En images: Nouvel afflux de réfugiés syriens aux portes de la Turquie
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