Sur les bancs de l’école du diamant

Depuis Paris Dans l’émeraude, il y a des givres et un jardin. Et dans chaque pierre, il y a une table, une couronne, un feuilletis, une culasse. Pour affaiblir le métal, on utilise la petite fraise boule. Et quand on pose la pierre dans le chaton, il faut se concentrer sur deux griffes à la fois. Si cette poésie pure vous parle, même sans la comprendre, si la dureté du diamant vous parle, et son histoire, et son pouvoir, et ses symboles, il est peut-être temps de retourner à l’école. [scald=9240960:sdl_editor_representation] A Paris, l’Ecole des Arts joailliers, soutenue par la maison Van Cleef & Arpels, dispense depuis 2012 une vingtaine de cours différents, de deux à quatre heures chacun, donnés tous les mois en français et en anglais. Les profs ? 35 joailliers, dessinateurs, maquettistes, historiens d’art, gemmologues, horlogers, laqueurs, sertisseurs, émailleurs, des « Mains d’or » comme on les appelle... Les élèves ? Vous, nous, tout le monde, répartis dans des « classes » de 8 à 12 personnes. [scald=9261834:sdl_editor_representation] « Nous sommes une école d’initiation pour le public, pas une école de formation professionnelle, explique Marie Vallanet-Delhom, présidente de l’Ecole. Il n’en existe pas d’autre de ce type dans le monde. Dans d’autres secteurs, c'est très répandu : si vous voulez vous initier au vin, à la broderie, à la cuisine, il y a des centaines d’ateliers, mais en joaillerie rien. Pourquoi ? Parce que, culturellement, il y a une distance vis-à-vis du bijou et aussi parce que le monde de la joaillerie est très secret, communique peu. Qui se souvient aujourd'hui que René Lalique, avant d’être un verrier, était d'abord un bijoutier et un joaillier ? Mais outre les grands noms méconnus, il y a surtout, depuis le XVIIe siècle, une corporation d'artisans incroyables qui ont un savoir-faire très spécifique : le joaillier qui va travailler le métal, le polisseur qui va faire en sorte que la lumière traverse le bijou, le sertisseur qui va poser la pierre, le maquettiste, le lapidaire, et cetera. Bref, tout cet aspect immergé de l'iceberg, on a eu envie de le révéler au public. De lui donner les clés de connaissance qui vont lui permettre de se faire son propre jugement. » [scald=9240961:sdl_editor_representation] Vous ne sortirez pas de ces lieux en sachant réaliser un bijou, mais vous aurez appris à le regarder. Vous serez capable de juger de la qualité du serti griffe de cette petite bague glanée sur une brocante, vous pourrez démarrer une collection en toute confiance, vous pourrez claironner que, de tout temps, le bijou a d’abord été une affaire... d’hommes (lire ci-dessous)... [scald=9261835:sdl_editor_representation] De pierres, de griffes et de chevilles 38 nationalités se côtoient parmi les élèves en tablier blanc. Ce jour-là, au sein du cours intitulé « Du projet en cire aux techniques de serti », il y avait Jessica, 32 ans, gemmologue. Elle s’est inscrite à peu près partout ici, à toutes les formations. « Les pierres, je connais. Mais là, je vois le geste, je comprends tout ce qu’il y a derrière. Et je fais le lien avec mon monde : pour l’émeraude, qui est de dureté 7 mais fragilisée par toutes ses inclusions, je me rends compte que le sertissage sera très délicat parce qu’un coup au niveau de la griffe de sertissage appuyera sur le givre et fera tout exploser. » [scald=9240959:sdl_editor_representation] Christelle, 30 ans, qui dessine depuis qu’elle est toute petite, est passionnée par les bijoux depuis 15 ans. Ce bracelet-chat qu’elle porte au poignet, c’est elle qui l’a fait. « Je suis allée à Boulle pour les portes ouvertes – Boulle est une grande école de design et de métiers d'arts parisienne, NDLR – et je me suis dit : c’est ça que je veux faire. Créatrice de bijoux. J'ai suivi deux formations. Ici, quatre heures, c’était un peu court, une journée serait bien. » Elle a déjà le nom de sa future boîte : Dans les mains de Chris. [scald=9240962:sdl_editor_representation] [scald=9240963:sdl_editor_representation] [scald=9261836:sdl_editor_representation] Emmanuel, le prof, la quarantaine, travaille comme joailler chez Van Cleef & Arpels depuis dix ans. Changement de vie pour lui aussi. Formation sur le tard, rêve accompli. D’où la façon de parler du métier, de la cire qu’on sculpte avant de passer au métal, de l’outil, de la grande peau de cuir qui récolte la limaille et de la cheville, ce morceau de bois sur lequel tout repose. « Quand il quitte la maison, le joaillier part avec sa cheville. On est chacun sur une cheville qui est faite a sa main, usée comme il faut. Un collègue est parti à la retraite récemment, il en était à sa 7e cheville, en 40 ans de métier. » L’émeraude a son jardin. Le joaillier, son bout de bois. C’est un monde tout simple, en fait, le bijou.

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