Différend PS-CDH à propos des profs de morale

Les profs de morale attendent. Au début octobre, leur Collectif a demandé à la Communauté française qu’elle reconnaisse leur neutralité. Cette prière a pris la forme d’un courrier d’avocats envoyé à Rudy Demotte (PS) et Joëlle Milquet (CDH). Et pour l’heure, le ministre-président de l’exécutif et la ministre de l’Education n’ont pas encore répondu. Un cours engagé De quoi parle-t-on ? Le 12 mars 2015, la Cour constitutionnelle a jugé que le cours de morale n’était plus neutre. Elle s’est fondée sur le décret de 1994 qui a clarifié les conditions de la neutralité de l’école. Ce texte évoque le cours de morale. Alors que l’on parlait autrefois de « morale non-confessionnelle », le décret de 1994 parle d’un cours de « morale inspirée par le libre-examen ». Un… bête changement d’intitulé, donc, et sans (aucun) effet sur le programme et les cours. Mais la Cour s’en est emparé pour juger que la morale n’était plus neutre. Pourquoi ? Parce que le libre-examen est le moteur de la laïcité engagée, que celle-ci est incarnée par le Centre d’action laïque et que le CAL est financé depuis 1993 à l’égal des cultes. La Cour conclut : puisque la morale est un cours engagé, il faut permettre aux enfants d’en être dispensés. C’est cet arrêt qui a porté la majorité PS-CDH à créer l’EPA (le cours de rien) qui d’ici 2016 (au primaire) ou 2017 (au secondaire), se muera en cours de citoyenneté. Mais les profs de morale rejettent l’arrêt de la Cour et veulent que l’on reconnaisse leur neutralité. Comme l’émet Christophe Bodart, le président de leur Collectif, ils ne sont pas les messagers du CAL. Ils sont neutres. Et cette qualité, disent-ils, doit les mettre en bonne place pour assurer ce cours de citoyenneté. « Jusqu’ici, on nous dit qu’on aura la priorité mais ça reste des mots. » Pour rétablir leur neutralité, il suffirait de corriger le décret de 1994 et y supprimer l’allusion au libre-examen. C’est cela qui a été demandé à Demotte et Milquet. Ceux-ci promettent une réponse « sous peu ». Mais ils se tâtent et ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Deux cours de morale ? Côté Milquet, on dit approuver le raisonnement des profs de morale ; on signale que la ministre, en mai, a spontanément évoqué la solution qu’ils suggèrent (rectifier le décret de 1994) mais que le PS s’y est opposé. C’est vrai. Et ça reste vrai. Le PS se méfie de cette piste. Pourquoi ? « Parce que si l’on rétablit la neutralité du cours de morale, des parents – et il en suffira d’un – pourront se mettre à réclamer l’organisation d’un cours de morale engagée. » Deux cours de morale : ce serait ridicule. Mais, même sans croire à ce scénario, des partenaires de la majorité jugent que rétablir la neutralité de la morale n’est pas sans danger car cela reviendrait à annuler l’intérêt du système de dispense créé pour répondre à l’arrêt de la Cour constitutionnelle. L’EPA volerait ainsi à l’eau et la citoyenneté, qui doit remplacer l’EPA, pourrait s’en trouver… diminuée. Qu’est-ce qui est prévu pour nos enfants, en effet ? A terme (2016 ou 2017, donc), l’élève de l’officiel verra son cours de religion/morale réduit à 1 heure au profit de 1 heure de citoyenneté. Et s’il demande à être dispensé de religion/morale, parce qu’il juge que son souhait de neutralité n’est pas honoré, il aura 2 heures de citoyenneté (le vieux rêve du PS). Tel est le schéma retenu au printemps. L’effet domino redouté par certains : rétablir la neutralité de la morale pourrait annuler l’intérêt du mécanisme de dispense ; et si celui-ci est supprimé, la citoyenneté serait alors dispensée à raison de 1 heure/semaine, comme le préconisait le CDH au seuil de la législature, et pas deux. On le voit : c’est l’imbroglio, les avis sont pour le moins divers. Et les profs de morale, inquiets de leur sort, poireautent.

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