Voitures propres: l’Union européenne caresse l’industrie dans le sens du poil

C’est pour la stratégie de la carotte plutôt que du bâton qu’a finalement opté la Commission européenne, ce mercredi, pour pousser l’industrie automobile à sauter dans le train de la transition écologique. Outre ses ambitions climatiques, l’UE craint que ses champions ne ratent le coche du développement de la voiture de demain. Le vice-président de la Commission, Maros Sefcovic, l’a expliqué par un simple constat : les taxis verts bruxellois sont des autos électriques importées de… Chine. « La voiture a été inventée en Europe, c’est ici qu’elle doit être réinventée », a-t-il asséné. « Ce n’est pas seulement pour le bien de l’énergie et de la santé publique », a expliqué la commissaire européenne en charge de l’industrie, Elżbieta Bienkowska. S’adressant aux conducteurs mobiles, elle l’a dit on ne peut plus franchement : « c’est pour votre compétitivité, votre futur, votre capacité à exporter ». [scald=9775358:sdl_editor_representation] La Commission européenne n’a donc pas suivi la recommandation de la Belgique et de cinq autres pays ambitieux et proposé que les émissions moyennes de CO2 soient en 2030 inférieures de 30 % à celles de 2021 pour les voitures particulières et camionnettes neuves. Les équipes des commissaires s’étaient activés en amont de leur réunion pour balayer tout autre chiffre de la discussion politique de mercredi. Seul le commissaire allemand, Günther Oettinger, aurait tenté de le faire baisser. Si l’objectif est largement en deçà de ce qu’une étude commandée par la Commission lui recommandait en début d’année (sa nouvelle étude d’impact était introuvable, mercredi), il ne l’était pas encore assez pour l’industrie. Celle-ci l’a vivement critiqué, par la voix de l’ACEA, qui représente entre autres Renault, Fiat et Volkswagen. L’institution européenne a aussi renoncé à fixer un quota contraignant de véhicules propres (à zéro ou faibles émissions) que devraient afficher les constructeurs dans leur offre globale, comme il en existe en Chine. À la place, elle prévoit que ceux qui dépassent un certain seuil seront récompensés par des « crédits d’émissions », soit un droit de polluer davantage pour le reste de leurs engins. Cet incitant sera toutefois plafonné. 800 millions sur la table L’industrie automobile craignait par ailleurs que l’infrastructure nécessaire (comme par exemple les bornes de recharge pour les voitures électriques) ne soit pas déployée assez vite pour assurer cette transition vers laquelle elle est poussée. La Commission a donc mis 800 millions d’euros de fonds publics sur la table et espère générer des investissements de près de 2 milliards par effets de levier. Elle suit aussi de près les plans nationaux de mise à jour des infrastructures. La Belgique fait partie des seuls huit bons élèves de l’UE. Son évaluation a montré que la répartition géographique des points de recharge était aujourd’hui suffisante. Elle enjoint toutefois la Belgique à viser plus haut que le ratio d’un point de recharge pour dix voitures électriques qui pourrait freiner le développement du marché, en particulier en Wallonie et à Bruxelles. [scald=9775359:sdl_editor_representation] La société civile, mais aussi les groupes socialistes et écologistes ont critiqué le manque d’ambition de la Commission dans le paquet présenté mercredi. Le commissaire à l’action climatique, Miguel Arias Canete, s’en est défendu, soulignant les nombreuses positions divergentes exprimées par les acteurs du débat. Et dit platement que si certains gouvernements ou groupes politiques voulaient aller plus loin, ils avaient tout le loisir de le tenter lors des négociations qui s’ouvrent dès maintenant entre pays européens et eurodéputés. Elodie Lamer

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