À la Chambre, Charles Michel slalome dans la crise catalane

Pour sa première intervention au parlement fédéral depuis que Carles Puigdemont a trouvé refuge à Bruxelles, Charles Michel a sérié mercredi, à la Chambre, face aux députés de la majorité et de l’opposition : 1. Nous observerons les décisions de justice, toutes les décisions de justice, rien que les décisions de justice. 2. Pour le reste : sachez que ceci n’est pas une crise politique en Belgique mais en Espagne. 3. Ajoutez : notre diplomatie se porte bien, la Belgique n’est pas isolée au plan européen et pas davantage en rupture avec Madrid. C’est ce qu’il a dit. En revanche, Charles Michel n’a pas recadré les ministres N-VA (Jan Jambon, Theo Francken, Johan Van Overtveldt) qui plaident la cause catalane et ciblent Madrid. Il n’a pas non plus affirmé l’attachement de notre gouvernement au maintien de l’unité de l’Espagne. Et ne s’est pas avancé pour ce qui concerne l’hypothèse d’une éventuelle future médiation européenne sur le théâtre ibérique. Ce qu’il a dit : trois mises au point, en contre-attaque 1 Le droit. Charles Michel l’a dit et répété dans toutes les langues, deux en tout cas, le français et le flamand, pour un message que le Nord doit entendre absolument si l’on veut préserver la paix dans le ménage suédois : « Carles Puigdemont ne jouit d’aucun privilège, sans être non plus un sous-citoyen. Voilà la conviction que nous partageons au nom de la démocratie et de l’Etat de droit (…) Cela signifie que le gouvernement traitera dans le parfait respect de l’Etat de droit, de nos valeurs démocratiques et de la séparation des pouvoirs, la situation de tous les citoyens européens se trouvant sur notre sol. ». C’est la « ligne claire » rue de la Loi depuis le début : ceci n’est pas une affaire de gouvernement, les juges opèrent, on ne conteste pas, et tout ira bien. [scald=9778225:sdl_editor_representation] 2 La crise. Face à l’opposition déchaînée (Julie Fernandez au PS, Olivier Maingain pour Défi, Benoît Hellings au nom d’Ecolo, Catherine Fonck au CDH, Marco Van Hees pour le PTB…) qui pointe le prosélytisme catalan des ministres N-VA, Charles Michel recadre : « La crise politique se situe en Espagne et non en Belgique. Bien entendu, elle a suscité des commentaires politiques – dans la majorité comme dans l’opposition. Ils ont ensuite donné lieu à des interprétations médiatiques. Cela ne m’impressionne pas beaucoup. Au nom du gouvernement, je rappelle que, depuis le premier jour, nous avons été extrêmement clairs. Nous avons lancé un appel au dialogue entre les acteurs politiques en Espagne. Une crise politique requiert une solution politique et durable ». Lisez : l’appel au dialogue prime sur les « commentaires » et « interprétations » en tous sens, qui sont l’écume. 3 La diplomatie. D’aucuns jugent que l’image et la place de la Belgique en Europe sont compromises après que le gouvernement eut condamné la répression madrilène et que la N-VA eut donné des leçons de démocratie à l’Espagne ? Pas du tout : « Notre diplomatie est solide et travaille au quotidien avec nos partenaires espagnols et avec les autorités européennes (…) Nous menons aussi, pas nécessairement au mégaphone, les contacts utiles et nécessaires sur le plan diplomatique. ». S’il y avait un doute : loin du foyer belgo-catalan (en visite en Inde, avant cela à l’ONU), Didier Reynders a néanmoins la situation bien en main : « J’apprécie au quotidien la qualité, la solidité et la crédibilité de notre force diplomatique, sous la direction du ministre des Affaires étrangères ». Ce qu’il n’a pas dit : trois manques, mais pas tout à fait 1 La N-VA. Le Premier n’a pas secoué la N-VA, c’est logique, pas davantage recadré ses ministres Jambon, Francken et Van Overtveldt, qui ont à tour de rôle critiqué Madrid, ce qui l’est moins ou pas du tout. Pour autant, et on le souligne au MR, le propos de Charles Michel n’était pas dénué de griefs adressés à la N-VA. Ceci : « Une crise politique demande une solution politique et durable. C’est notre conviction, basée également sur notre expérience dans notre pays. Les trois dernières décennies, nous avons été confrontés à des discussions communautaires et institutionnelles difficiles, des débats politiques compliqués. Cela a parfois demandé du temps, mais nous sommes toujours arrivés à progresser dans la bonne direction, dans le respect de nos institutions et de notre Constitution, pour retrouver une forme de stabilité »... Tout cela sans la N-VA (pas citée, mais visée), à l’origine de la crise des 540 jours et qui n’a pas souscrit, a fortiori, à la sixième réforme de l’Etat. Bref, parti séparatiste, la N-VA se reconnaîtra dans l’« appel au dialogue en Espagne », pas dans cette exaltation de « l’expérience dans notre pays ». En ce sens, le propos de Charles Michel est une critique, disons, indirecte. [scald=9778226:sdl_editor_representation] 2 L’unité de l’Espagne Le chef du gouvernement ne s’est pas prononcé en faveur du maintien de l’unité de l’Espagne, ce qui est en jeu dans la péninsule ibérique. Mais il a calibré ceci, qui ne compense pas mais qui répare un peu l’oubli (volontaire : pour le partenaire N-VA séparatiste, l’unité de l’Espagne n’est pas un souci, pas davantage l’unité de la Belgique) : « Il n’y a pas la moindre ambiguïté. Nous avons un interlocuteur, le gouvernement de Madrid et l'Espagne. Nous avons avec cet interlocuteur, par tous les canaux diplomatiques, des contacts réguliers au plus haut niveau ». Un seul interlocuteur donc : Madrid. Ça, au moins, c’est dit. 3 La médiation européenne. Patrick Dewael (VLD) a appelé Charles Michel à promouvoir une « médiation européenne » dans la crise catalane. Richard Miller (MR) a incité à susciter une réflexion à cet étage sur les droits des peuples, les libertés, et la gestion des conflits potentiels. Charles Michel n’a pas dit mot. Il est vrai que, cette médiation européenne, Madrid n’en veut pas, en tout cas à ce stade, et que l’Union de Juncker se tait, jusqu’à présent. Le Premier ne s’est pas avancé. Partie remise ?

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