D’ici à 5 ans, la Belgique risque de manquer cruellement de syndics d’immeubles
Il se construit 30.000 appartements par an. Pour les gérer, des syndics sont nécessaires. Or, la fonction n’attire plus. Problème en vue pour les copropriétés ?

À l’heure actuelle, il existe 1,3 million d’appartements dans le pays. Ce type de logements a clairement le vent en poupe. Légalement, ce sont les syndics qui en assurent la gestion journalière (sous la surveillance des copropriétaires réunis en assemblée générale). Certains d’entre eux sont des non-professionnels : des résidents de l’immeuble qui ont pris la décision d’assurer ce rôle. Beaucoup d’autres en ont fait leur métier dans le cadre de cabinets spécialisés. Or, du côté de ces derniers, on a plutôt le blues. C’est que le métier n’attire plus…
L’alerte a déjà été donnée depuis quelque temps déjà. Notamment par l’IPI, l’institut professionnel des agents immobiliers. Pour rappel, celui-ci octroie les agréations pour pouvoir exercer dans le secteur (après la vérification d’un diplôme, le passage de deux examens et le suivi d’un stage). L’an dernier, quelque 237 nouveaux agents immobiliers ont été reconnus par l’IPI : 128 comme courtiers s’occupant de la vente/location de logements ; 20 (!) comme syndics ; et 89 comme acteurs pouvant exercer les deux métiers. Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes.
La désaffection se remarque même avant cette étape ultime de l’agréation. Lors des études, les jeunes ne sont guère tentés par l’aventure. À l’IFAPME, l’institut de formation aux professions indépendantes, seuls 20 % des élèves arrivant au terme de la formation en agent immobilier se destinent à devenir syndic. Tous les autres choisissent le courtage… « Le problème se vérifie également sur le terrain, poursuit le président de l’IPI, Stefaan Leliaert, lui-même à la tête d’un bureau ayant 450 immeubles sous gestion (la société De Syndic appartenant au groupe Dewael). J’ai du mal à recruter des collaborateurs. Et je ne suis pas le seul. Cette situation est courante, en tout cas en Flandre et à Bruxelles. De moins en moins de personnes sont intéressées à venir travailler chez nous. »
Les raisons ? En premier lieu, il y a la complexité du métier. « Etre un bon gérant d’immeubles réclame un ensemble de compétences, poursuit Stefaan Leliaert. Il faut être un peu juriste pour respecter les différentes législations ; un peu comptable pour tenir les comptes des associations d’immeuble ; un peu technicien pour savoir détecter les détériorations aux bâtiments ; un peu psychologue pour déminer les conflits avec ou entre les copropriétaires… Tout cela fait beaucoup et peut rebuter les vocations. »
« Le métier est exigeant aussi de par ses horaires, qui sont extensibles, explique de son côté Jean-Pierre Lannoy, syndic depuis 35 ans et secrétaire général du Cefim, un centre qui dispense chaque année plus de 150 formations en immobilier en Wallonie et à Bruxelles. Les assemblées générales (AG) se tiennent en soirée et peuvent s’éterniser. Un syndic doit pouvoir répondre à n’importe quelle demande des propriétaires et intervenir sur place lorsque la situation l’impose. Tout cela peut empiéter sur la vie de famille. »
Et puis, il y a le fait que syndics et copropriétaires ne se trouvent pas toujours en phase dans la gestion des buildings. Quand il ne s’agit pas carrément de méfiance… « Cela est dû aux deux parties, analyse Olivier Hamal, président du SNPC, le syndicat national des propriétaires et copropriétaires. Du côté des syndics, il reste des lacunes dans le professionnalisme, malgré des améliorations récentes et un renforcement des législations. Un exemple : on continue à voir des responsables ne pas convoquer les AG en temps et à heure, ce qui est pourtant le minimum du minimum légal. Du côté des copropriétaires, il y a clairement un manque d’implication et de connaissances. Beaucoup de ménages achètent un appartement sans savoir tous les droits et devoirs que cela implique. »
Pour autant, peut-on parler de pénurie ? « Aujourd’hui, on n’en est pas encore là », reconnaissent en chœur les différents acteurs. « Pour le moment, nous ne constatons pas un manque de syndics », précise Olivier Hamal, qui représente en quelque sorte la demande. Autrement dit, toutes les copropriétés arrivent au final à se dégoter un gestionnaire.
En fait, pour caractériser la situation actuelle, il est plus exact de parler d’appauvrissement de l’offre. La relève ne se fait pas pour remplacer les syndics professionnels qui vont partir à la retraite, ni pour combler les besoins des nouveaux immeubles qui continuent de pousser aux quatre coins du pays. À terme, les choses pourraient se dégrader.
« Cela pourrait devenir critique dans les cinq ans qui viennent », diagnostique Jean-Pierre Lannoy,
Que pourrait-il se passer alors ? « Si une pénurie devait se concrétiser, ma crainte est que cela entraîne une dé-professionnalisation et une ubérisation de la fonction », prophétise-t-il. Autrement dit, des syndics non professionnels prendraient le relais et s’aideraient d’outils numériques ou de spécialistes extérieurs pour tenter d’assurer toutes les tâches. D’ailleurs, des plates-formes Internet de coaching en gestion d’immeubles existent déjà ; des logiciels de comptabilité se trouvent facilement, etc.
Une perspective évidemment abhorrée par le secteur. « À mon sens, ce serait une régression, poursuit Lannoy. Cela complexifierait la situation en cas de litige au sein des copropriétés. La recherche d’une solution deviendrait encore plus difficile. Cela dénaturerait aussi une fonction que le législateur a précisément voulue au cœur de la copropriété ».
Pour éviter d’en arriver là, les syndics professionnels avancent quelques pistes. Comme mieux informer les jeunes des potentialités du métier lors des études. Comme renforcer encore la formation des gestionnaires agréés afin de redorer leur image. Comme organiser les AG en journée et non plus en soirée. Comme revaloriser les honoraires des syndics (la mesure irait de pair avec le renforcement de la professionnalisation). Ou encore comme conscientiser les copropriétaires des droits et devoirs liés à ce type de logements.
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