Les débuts balbutiants de Valérie De Bue, ministre wallonne des Pouvoirs locaux

Patrick Prévot est un gentil garçon. Au parlement de Wallonie, le député socialiste a longtemps cherché le mot juste pour qualifier la prestation matinale et vacillante de Valérie De Bue lors d’un entretien récent en radio. Il ne voulait pas blesser inutilement la toute fraîche ministre libérale des Pouvoirs locaux et du Logement qui avait balbutié ses réponses à propos de Nethys et de Stéphane Moreau. Alors, le Sonégien a bredouillé deux ou trois mots, vite fait : « Ce fut… lunaire ! » « Lunaire », c’est plutôt joli. Et bien vu. Ce jour-là, l’ancienne échevine de Nivelles a eu beaucoup de mal à se dépêtrer du dossier chaud de la rentrée, comme si elle n’avait pas été préparée à des questions qui brûlaient pourtant les lèvres de tous les journalistes : Stéphane Moreau peut-il rester à la tête du groupe liégeois ? Le gouvernement peut-il agir pour l’obliger à prendre la porte ? Valérie De Bue a tâtonné, sa voix a erré sur les ondes avant de sombrer dans des explications oiseuses. « Lunaire », on vous dit. On a connu meilleurs débuts. Même dans les rangs libéraux du parlement, la prestation en demi-teinte de la nouvelle venue a laissé des traces. Valérie De Bue y compte pourtant beaucoup d’amis. Ils l’ont trouvée un peu perdue, hésitante. Le spectre d’une nouvelle erreur de casting dans les rangs du MR a brièvement hanté les couloirs du Saint-Gilles et de l’Elysette. Un plan B à Nivelles Une nouvelle Jacqueline Galant ? La Brabançonne n’a pas la flamboyance de sa consœur du Hainaut, ni ses outrances, ni ses emportements politiques. Elle ne cherche pas l’exposition médiatique. Remis de leurs émotions, ses frères et sœurs d’armes libéraux refusent aujourd’hui de voir dans la fluette quinqua le « maillon faible » du gouvernement régional : à les en croire, elle a déjà trouvé son rythme de croisière et planche à fond sur ses dossiers, depuis son bureau jambois de la rue des Brigades d’Irlande hérité de la socialiste Eliane Tillieux. Cette adresse est comme un retour aux sources. En 2001, c’est à deux portes de là qu’une jeune conseillère communale de Nivelles a répondu aux sirènes d’un cabinet ministériel. Louis Michel aurait bien voulu qu’elle travaille à Bruxelles, au siège du parti. Mais c’est Charles (Michel toujours…) qui se montre le plus convaincant : en charge des communes en Wallonie, à même pas trente ans et des cheveux partout, il contribue à transformer l’élue locale en spécialiste des pouvoirs locaux. « Politiquement, j’ai flashé, dit-elle aujourd’hui. Charles Michel avait neuf ans de moins que moi, mais il portait des idées révolutionnaires, une volonté de réforme et de modernité qui m’impressionnait. » Diable ! En juillet dernier, le désormais Premier ministre s’est rappelé au bon souvenir de son ancienne collaboratrice : « A 5 heures du matin le 26 juillet, il m’a proposé de devenir ministre des Pouvoirs locaux. Quinze ans plus tard, je ne pouvais pas refuser ce challenge. » En 2000, l’entrée en politique de Valérie De Bue avait tenu du hasard. Pierre Huart, toujours bourgmestre de Nivelles aujourd’hui, se souvient d’avoir dû remplacer au pied levé une candidate qui lui faisait défaut sur sa liste en vue des communales de 2000. « Valérie, je la connaissais à peine, c’était le plan B. Je ne l’ai jamais regretté », se souvient le maïeur. Depuis lors, les parcours des deux élus ont rarement divergé. A lui le local ; à elle, les parlements, fédéral puis régional, avec un passage au collège échevinal. Valérie De Bue et Pierre Huart ont scellé leur collaboration dans le barrage qu’ils ont formé ensemble lors du parachutage du socialiste André Flahaut aux environs de la collégiale Sainte-Gertrude. Le bourgmestre est de ceux qui connaissent parfaitement la ministre libérale. Il la classe « parmi les meilleures » quand il s’agit de s’imprégner des dossiers, loue sa loyauté et se plaint uniquement, et encore du bout des lèvres, d’un caractère entier, volontiers soupe-au-lait quand les projets ne progressent pas assez vite à son goût. A l’inverse, notent ses proches, Valérie De Bue déploie une belle capacité à encaisser les coups. Elle est solide, déterminée. « Il faut se montrer patient, garder la ligne malgré les critiques », dit-elle. Elle en a bavé depuis la rentrée. La compétence sur les pouvoirs locaux est le vernis d’un portefeuille dans lequel se cachent les questions essentielles de gouvernance. L’opposition l’attend au tournant : « Cela reste un point d’interrogation au sein de la coalition », y entend-on parfois, comme si la chrysalide devait encore se faire papillon. Cadeau empoisonné ? Dans le climat délétère consécutif à l’affaire Publifin, la Nivelloise a pris ce dossier essentiel « comme un défi », avec l’ambition de « restaurer la confiance entre les citoyens et les politiques. » Elle partage volontiers son enthousiasme pour « ces questions essentielles de gouvernance et de transparence qui rendent obligatoires des solutions concrètes. » Au sein du gouvernement wallon, Valérie De Bue porte officiellement le fardeau. Mais celui-ci déborde des murs de son cabinet. Dans la famille libérale, on la plaint parfois : la future ministre n’a pas été associée à l’élaboration de ce chapitre en vue de l’accord de majorité, elle travaille donc sur base d’une feuille de route qu’elle n’a pas rédigée, avec une forte obligation de résultats et un timing infernal qui lui ont été imposés par les circonstances. Cadeau empoisonné pour ministre débutante ? Chausse-trappe pour excellence de l’ombre ? Beaucoup notent que Willy Borsus en personne assure le leadership médiatique sur les questions de gouvernance et que jusqu’à présent, on a surtout entendu la ministre libérale sur… son plan « piscines » pour la Wallonie. On allait oublier en effet : en plus des pouvoirs locaux et du logement, Valérie De Bue a aussi la charge des infrastructures sportives… La remarque est un peu vache. Cette diplômée en économie et en aménagement du territoire ne s’en formalisera. On la croit timide, elle serait « très drôle et bonne camarade ». On la pense mal à l’aise ou sur la réserve, elle serait « rigoureuse, mais pas rigide, très bon stratège. » Ce quelle ne nie pas comme pour clouer le bec aux importuns : « J’ai été députée durant près de quinze ans, je sais que la construction d’un bon dossier prend du temps et je préfère en parler quand tous les détails sont réglés plutôt que d’entrer dans des polémiques stériles. » Rideau. Le jardin secret de Valérie De Bue commence ici. Tout juste si la ministre évoque le deuil douloureux vécu cet été alors que sa carrière politique prenait une tournure décisive. Pour souffler, il y a les courses du samedi en famille à la rencontre des Nivellois, les plaisirs du Périgord, les promenades dans la nature. Et la tarte al djote, évidemment.

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