Comment Marine Le Pen rame après la défaite
La présidente du FN mène une tournée de refondation. « Que Laurent Wauquiez nous rejoigne ! », lance-t-elle. Mais elle ne semble plus croire à un avenir élyséen.


ROMORANTIN-LANTHENAY (Loir-et-Cher)
De notre envoyée spéciale
Oui, c’est dur, nous avons des adversaires déterminés et nous prenons des coups. Mais notre combat, c’est la France, et il sera victorieux ! » Micro à la main, Marine Le Pen passe de table en table ce samedi midi devant 400 adhérents du FN réunis dans une halle de Romorantin-Lanthenay, un coin agricole du Loir-et-Cher où elle a fait 40 % au second tour de la présidentielle, 6 points de plus que son score national. Mais l’ambiance n’a plus rien à voir avec celle, électrique, de la campagne. Aux murs, à peine quelques affiches (« Macron déconstruit la France ») où l’oriflamme du FN, un temps disparu, a retrouvé toute sa place. Six mois après la défaite, l’échec n’est pas digéré. Le débat calamiteux de l’entre-deux-tours reste dans toutes les têtes. « Elle s’accrochait à ses fiches alors que Macron avait une oreillette », croit encore dur comme fer une adhérente sexagénaire. « Les médias avaient de toute façon choisi leur candidat », poursuit cette dresseuse de bêtes sauvages qui raconte qu’elle a réussi à apprivoiser trois ours bruns. Celle qui se produit devant elle n’a en revanche plus rien de l’animal politique qu’elle était.
« C’est un chantier enthousiasmant ! », explique mollement Marine Le Pen à propos de la refondation qu’elle a entamée, une tournée en 12 étapes à travers le pays. « On va là où l’on n’est pas allé pendant la présidentielle », explique Jean-Lin Lacapelle, l’énergique secrétaire national aux fédérations, surnommé le « nettoyeur » parce qu’il devait localement débarrasser le FN de ses encombrants. Un questionnaire en 80 points a été envoyé aux adhérents. Même la question du nom du parti leur est posée. «On va tout revoir du sol au plafond, assume Marine Le Pen. La France a changé, la vie politique a changé mais les statuts du parti n’ont pas été modifiés depuis 45 ans. » De la défaite, elle accepte l’inventaire. « J’ai raté le débat. J’assume. Bien sûr, je me remets en cause. C’est une preuve d’intelligence, de modestie, un souhait d’efficacité. » Elle savoure les rires qu’elle produit quand elle cite Mandela : « Je gagne ou j’apprends. »
« Fini, l’agit-prop »
Dans l’opposition, on ne l’entend pas. Seul Mélenchon tient la dragée haute à Macron. « Amener des paquets de nouilles à l’Assemblée pour faire le buzz, je faisais ça il y a 15 ans », dit Marine Le Pen, méprisant désormais cette « agit-prop ». « Je suis passée à autre chose. Je construis l’avenir de la France. » Elle veut croire que sa seule place de finaliste lui donne un statut de première opposante. Un FN en crise ? Elle dément. Brandit ses (presque) onze millions de voix. Ses huit députés élus pour la première fois en duels et non plus à la faveur de triangulaires. Le congrès, en mars prochain à Lille, où elle sera seule candidate à sa succession. Le départ de Florian Philippot est ramené au rang d’épiphénomène. « La vie continue, ça n’a pas créé de bouleversement. » Le discours identitaire, un temps concurrencé par les questions sociales, a repris toute la place. Le « fondamentalisme islamiste » est dénoncé à tout bout de champ. Mais sa vision de l’Europe, axe essentiel de sa dernière campagne, est devenue illisible. Veut-elle encore ou non sortir de l’euro ? Ce n’est plus la priorité de celle qui préfère mettre en avant la reconquête des autres souverainetés. Et ce n’est pas là le seul signe de fébrilité.
« Une vie abominable »
Marine Le Pen, qui s’échinait à renvoyer gauche et droite dos à dos (« l’UMPS ») en appelle à Laurent Wauquiez, le futur patron de LR. « La logique voudrait qu’il nous rejoigne », tente-t-elle. Louis Aliot, son compagnon et vice-président du FN, enfonce le clou en appelant aussi à des alliances locales. « Si Wauquiez veut discuter, on ne dira pas non. » Ancien directeur de cabinet et coordinateur de campagne de Jean-Marie Le Pen, il rappelle d’ailleurs ce rendez-vous de 1988 entre le fondateur du FN et Jacques Chirac. « Le baroud du déshonneur », a déjà raillé Geoffroy Didier, le bras droit de Laurent Wauquiez.
Marine Le Pen renoue avec les médias. Mais elle n’imprime pas. Invitée de L’Émission politique sur France 2 mi-octobre, elle a fait le plus mauvais score d’audience (8 millions de téléspectateurs) de ce rendez-vous télévisé.
Côté finances, la Société générale, la banque du parti, ne veut plus gérer ses comptes. Et les affaires planent toujours. L’immunité parlementaire de Marine Le Pen a été levée dans l’affaire du tweet sur Daesh. Elle avait posté une photo d’exécution. Mais c’est du dossier des assistants parlementaires (elle est mise en examen pour abus de confiance), qu’elle a le plus à craindre car elle pourrait être frappée d’inéligibilité.
Le FN plombé ? Louis Aliot feint de croire que les Français sont seulement fatigués d’une longue campagne électorale. Mais le compagnon de Marine Le Pen trahit la lassitude qui semble s’être emparée d’elle. « Si quelqu’un émergeait, elle ne s’incrusterait pas. Elle n’est pas accrochée aux branches comme son père. » Il évoque des problèmes de dos. Dit qu’elle prend « du temps pour elle » après une campagne très dure, une « vie abominable entre 6 et 23 heures tous les jours ». Il se reprend pour évoquer l’agenda « démentiel » de l’Assemblée nationale où elle siège maintenant.
« J’ai toujours dit que je ne menais pas une carrière personnelle, confirme la présidente du FN. Si quelqu’un était mieux placé que moi, je redeviendrais une simple militante. »
Ce quelqu’un pourrait-il être une quelqu’une ? Elle s’agace toujours quand on prononce le nom de sa nièce. « J’espère qu’elle fera ce qu’elle a envie de faire. On ne peut pas faire de la politique dans des circonstances aussi difficiles si on y est contraint. » « Des circonstances aussi difficiles » : des mots, encore, aux allures d’aveu.
Pour l’heure, Marion Maréchal-Le Pen a pris du recul. Elle suit un MBA de commerce et management et réfléchit à un projet d’entreprise. Interrogée sur la rumeur d’un retour au FN, elle aurait eu cette formule, selon Le Parisien
: « Je leur manque à ce point-là ?
»
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Enfin une bonne nouvelle à lire dans la presse!