Les sapins de Noël, une affaire qui marche en Wallonie mais à quel prix?
Les sapins de Noël wallons se vendent massivement à l’exportation. Mais leur culture intensive ne fait pas que des heureux. Produits chimiques, érosion, pression sur le foncier et les paysages, les critiques ne manquent pas.

Le sapin de Noël, c’est une affaire qui marche en Wallonie. Surfaces cultivées et chiffre d’affaires en croissance. A l’exportation, les sapins partent comme des petits p(a)ins. Mais cette culture intensive, ne ravit pas tout le monde. Dans certaines communes ardennaises, des habitants demandent des mesures de protection. Dame, contrairement à des régions de grandes cultures, l’Ardenne n’est pas coutumière de voir pulvériser des produits chimiques à proximité des habitations.
Libin craint le sapin
A Libin, un collectif de plus de 200 habitants a demandé à la commune d’imposer une distance minimale de 100 mètres par rapport aux habitations et aux captages d’eau potable, de 25 mètres par rapport aux cours d’eau, d’interdire toute plantation en zone protégée (Natura 2000…) et de prohiber « l’exportation du sol provenant de la culture », en clair, les sapins en pot.
Le souci ? Pour se dérouler rapidement et facilement, la culture du sapin recourt à de nombreux produits chimiques. « La préparation de la parcelle avant la plantation se fait par une application d’herbicides et un labour du sol, relève Robin Gailly, un doctorant de la faculté de Gembloux (ULg). Par la suite, des désherbages chimiques ou mécaniques continuent d’avoir lieu entre les jeunes plants, surtout les premières années après l’installation, pour éviter la concurrence avec les adventices [les « mauvaises herbes », NDLR] et pour maintenir un aspect « propre » au niveau de la parcelle. Certaines années, des insecticides et acaricides sont pulvérisés pour lutter contre la prolifération de ravageurs de ces cultures, et, en cas de temps chauds et humides, des fongicides peuvent être appliqués pour prévenir le développement de rouilles ». La fertilisation chimique permet quant à elle de garantir la bonne couleur et le bon aspect des aiguilles. N’en jetez plus. Des méthodes alternatives de désherbage existent bien, mécaniques ou en utilisant des moutons de la race Shropshire. Mais les produits chimiques, notamment le fameux glyphosate, ont pour eux la facilité et leur faible coût.
Chimie à la une
Pesticides et désherbants n’inquiètent pas que les riverains. Ils ont « des effets directs et indirects sur la faune et la flore présentes dans les parcelles traitées, en tuant certains organismes ou en réduisant les ressources alimentaires disponibles pour d’autres espèces », poursuit Gailly. Des résidus se retrouvent dans les sols et dans les nappes phréatiques. « Les cocktails d’engrais, de pesticides et d’insecticides utilisés par les exploitants brûlent toutes les herbes. A certains moments de l’année, les prairies et les champs ne sont plus verts mais jaunes, commente Michel Poncelet, président de l’association Rucher expérimental Houille-Lesse-Semois. « Nous perdons des végétaux et de la biodiversité », ajoute-t-il en s’inquiétant des conséquences pour les abeilles.
Ce n’est pas la seule critique adressée aux exploitations de sapins. L’impact paysager et la conversion de terres agricoles en cultures intensives sont aussi en cause. Alors qu’on manque de chiffres officiels fiables permettant un suivi des parcelles, les agriculteurs sont partagés : certains s’inquiétant de l’impact des sapins sur le foncier, d’autres y voyant une porte de sortie en fin de carrière. Les prix proposés pour les convertir en culture de sapins poussent le prix du m2 à la hausse, compliquant la reprise des exploitations agricoles, indique Clément Crispiels, « porte-parole » d’habitants de Libin. « Les sapins accaparent des espaces qui pourraient être dévolus à une agriculture nourricière », ajoute Lionel Delvaux (Inter-Environnement). Ce sont souvent des prairies d’élevage, mais pas seulement.
S’étendre en forêt
Le secteur goûte peu cette volée de bois vert. « Nos exploitations ne représentent même pas 5 % de l’ensemble des surfaces agricoles en Wallonie, plaide Jonathan Rigaux, président des pépiniéristes ardennais. Les terres que nous utilisons ne sont pas propres à la culture agroalimentaire classique ». Les produits chimiques ? « Les quantités d’intrants phytosanitaires utilisés pour les sapins de Noël sont nettement inférieures à celles utilisées dans l’agriculture comestible traditionnelle. On ferme les yeux sur l’utilisation de la chimie dans l’agroalimentaire. Mais nous, on nous pointe du doigt ». Les professionnels du sapin lorgnent aujourd’hui vers les zones forestières. « Les terres déboisées sont en augmentation constante. Et on ne replante pas. Si nous y avions accès, nous pourrions exploiter tous ces sols inoccupés ». Mais si le nouveau code de développement territorial a bien ouvert la forêt à la culture du sapin de Noël, il la limite à un hectare et impose de replanter d’autres espèces après une rotation. Et surtout, interdit toute utilisation de pesticides. « Pas de phyto en zone forestière », rappelle le ministre wallon de l’Environnement, Carlo Di Antonio (CDH). Du côté des associations de protection de l’environnement, on regrette que le « verrou » ait été levé. Des conditions ont été mises, certes. « Mais qui va aller contrôler leur respect ? »
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S'identifier Créer un compteQuelques règles de bonne conduite avant de réagir2 Commentaires
Quand "Le Soir" va-t-il arrêter de toujours critiquer quelque chose qui fonctionne économiquement en Wallonie? Je trouve que ça commence à devenir systématique. Si ça continue, je vais finir par arrêter mon abonnement! Et qu'on arrête de toujours se référer à cet environnement qui, in fine, nous pollue la vie!
Sapin de Noel? Non, non sapin d'hiver.