Refus de combattre

A la guerre comme à la guerre, tous ces loustics sont enfin parvenus à trouver un motif pour ne pas se la déclarer. Supporters liégeois et anderlechtois n’ont évidemment pas enterré la hache de l’expression consacrée, façon western moderne. Et encore moins renoncé à leur rivalité ancestrale. Auquel cas on aurait pu jouer le clasico à huis clos et précéder la sanction qui pend au nez du club principautaire de la part de la Commission des litiges ce mardi, quinze jours après les indéfendables agissements du Mambourg. Mais ce qui s’est passé – et plus exactement ce qui ne s’est pas passé dans les travées de Sclessin – doit avoir réconcilié un paquet de monde avec ce que devrait toujours être un match au sommet : à défaut d’une grande fête du foot (candides d’avant l’ère 2.0 et nostalgiques du foot en tricot de corps s’abstenir), une formidable foire d’empoigne, un engagement franc et viril, ou du sévèrement burné si on pouvait se laisser aller en ces colonnes. Mais certainement pas une guerre civile camouflée sous le fallacieux prétexte d’un débordement passionnel à excuser au motif qu’il se situe en dehors des heures de travail ou loin du domicile conjugal. Préparée et encadrée avec soin par la direction du Standard, il n’est pas superflu de le souligner, cette 91e édition du clasico peut donc se résumer à un refus de combattre. Dans les tribunes (un ou deux pétards épars et quelques fumigènes davantage craqués pour combler l’absence de tifo côté terril que pour mettre le feu à l’événement) mais aussi sur le terrain des hostilités (Ouh, le vilain mot mal choisi, monsieur le journaliste !). Une pelouse où les acteurs ont réussi le pari toujours très kafkaïen de respecter l’intégrité physique de leurs adversaires en même temps que le blason. Ce qui revient à faire se contrecarrer deux valeurs a priori inconciliables : la rage de vaincre du sportif et le respect du bonhomme qui écume précisément de la même rage en face de lui. Pour la résumer façon rugby sud-ouest, hier après-midi à Sclessin, ça a engagé la viande, ça a fait honneur au maillot mais ça n’a pas terminé sur la civière. Un refus de combattre là aussi, et qu’il faut surligner de rouche fluo ou du pourpre le plus appuyé pour faire entrer dans les crânes, une fois pour toutes, qu’un football engagé n’est pas celui d’un militantisme aveugle et bestial. Débarrassée du hooliganisme qui lui pourrissait la vie et la réputation dans les années 80 et 90, la très classieuse Premier League et son engagement de voyous tenus de se comporter en gentlemen sous l’œil d’une Commission de répression inflexible, en est l’exemple parfait. Commenté de manière plus parcellaire, surtout dans le camp des vaincus du jour, le soi-disant refus de combattre du Standard a alimenté le moulin à mauvaise foi. Surtout dès le retrait de Renaud Emond à la pause, qui marquait clairement les intentions liégeoises de défendre le maigre acquis que leur conférait le but inattendu (c’est-à-dire rapide) du tout aussi inattendu Jonathan Legear. Une tactique rappelant un peu un rideau de handballeurs barrant l’accès à leur arc de cercle et prêts à plonger en contre, mais une tactique tout de même. Celle d’une équipe mal classée, en quête d’un grand résultat pour combler son déficit de confiance et pour être franc, celle d’un onze qui n’a actuellement que sa (bonne) volonté et ses jambes à offrir là ou d’autres générations du Standard faisaient la différence sur leur talent. Ferrera a peut-être joué l’esquive mais en utilisant l’arsenal de solutions qui s’offre à un entraîneur qui en est précisément dépourvu. Si Anderlecht s’était cassé les dents après avoir été refoulé par vagues, encore pourrait-on crier à la négation du jeu. Mais ce ne fut même pas le cas, surtout au moment où il était censé pousser avec l’énergie du désespoir pour égaliser. Une sorte de refus de combattre là aussi. Le seul qui fut finalement préjudiciable à la qualité du clasico.

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