S’ensuivre ou s’en suivre ?
Il s’est ensuivi, il s’en est ensuivi, il s’en est suivi : vous me suivez ? La chronique de Michel Francart.

Faut-il écrire s’ensuivre , en deux mots, ou s’en suivre , en trois mots ? L’histoire du verbe s’ensuivre « découler, résulter », qui n’est pas un dérivé de suivre , ne laisse planer aucun doute : il n’y a pas de raison de dissocier s’en de suivre.
L’usage actuel, déjà attesté chez les meilleurs auteurs du 19e siècle, n’a cure de ces considérations étymologiques : s’en suivre s’y est imposé. En particulier aux temps composés, où il s’en est suivi est souvent préféré à il s’est ensuivi.
On peut voir dans ces emplois l’influence de verbes comme s’en aller, s’en venir , ou l’intention d’isoler un en pronominal qui n’apparaît pas dans s’ensuivre. À moins qu’il ne s’agisse d’un pied de nez aux diktats puristes et à tout ce qui s’ensuit…
Sollicitée à plusieurs reprises au sujet de la différence entre
s’ensuivre
et
s’en suivre
, cette chronique ne pouvait laisser l’affaire sans suite. À l’oral, le problème est limité, puisque l’homophonie ne touche que l’infinitif et les temps simples de ce verbe conjugué à la seule troisième personne :
il s’ensuit
se prononce comme
il s’en suit
; il s’ensuivait comme il s’en suivait
, etc. Par contre, aux temps composés, la différence saute aux yeux − et plus encore aux oreilles. Faut-il préférer
Dans la ligne de nombreux grammairiens, l’Académie française, sur ce sujet comme sur bien d’autres, défend une opinion tranchée : seul
il s’est ensuivi
est correct. La raison invoquée est que le verbe pronominal
se suivre
ne peut se construire avec un complément : plutôt que
Mais pourquoi
s’ensuivre
ne suit-il pas ce modèle ? La réponse est à trouver dans l’histoire du mot. En ancien français, de nombreux verbes de mouvement pouvaient s’employer avec
s’en
. Certains (s’en monter, s’en partir) ont disparu de nos jours ; d’autres (s’en aller) se sont maintenus ; d’autres encore ont connu à des dates diverses l’agglutination du
s’en
au verbe :
s’en fuir
(en trois mots) est devenu
Étymologiquement parlant, s’ensuivre diffère des verbes précités. Il n’est pas une combinaison du verbe suivre et de s’en, mais le produit de l’évolution du latin populaire º insequere « venir immédiatement après ». Nombre de francophones ignorent cette origine et, sur le modèle de s’en aller, écrivent s’en suivre, il s’en suit, il s’en est suivi . Comme si, raillent certains censeurs, on écrivait il s’en fuit, il s’en est fui .
Dans certains verbes où le
s’en
est agglutiné au radical, comme
s’enfuir
ou s
La même latitude existe avec s’ensuivre , qui peut s’accommoder d’un complément prépositionnel avec de : ce qui s’ensuivra de cette décision va nous nuire ; un débat houleux s’est ensuivi de cette intervention . L’emploi d’un second en est aussi possible, même si cet usage est peu fréquent : ce qui va s’en ensuivre ne peut vous laisser indifférent ; il s’en ensuit qu’une clarification est indispensable ; il s’en ensuivra un climat délétère .
La répétition du en dans s’en ensuivre peut être considérée par certains comme peu harmonieuse, mais cet argument est toujours à prendre avec des pincettes : la même réserve ne semble pas peser sur s’en emparer ou s’en embarrasse r. Toujours est-il qu’aux temps composés, lorsque le verbe être s’intercale, le double en est plus volontiers accepté, même si cette construction est rare elle aussi : les évènements qui s’en sont ensuivis ; les discussions qui s’en sont ensuivies.
Il reste que beaucoup de francophones préfèrent éviter ce double
en
, construction qui leur apparaît sans doute comme redondante. D’où de nombreux énoncés où
s’ensuivre
n’est pas accompagné du complément exprimant le point de départ de l’action, ni de la reprise pronominale de celui-ci par
en
: les discussions s’éternisèrent et il
Une autre solution consiste à maintenir un
en
distinct du verbe, comme reprise pronominale d’un complément en
de
. D’où l’emploi de
s’en suivre
en trois mots :
l’échec sera complet et il s’en suivra une immense déception
; son discours enflamma l’auditoire et l’enthousiasme qui s’en suivit gagna toute la population
; l’affaire conclue, il s’en est suivi une embellie dans leurs relations. Cette possibilité est fréquemment observée dans les temps composés, ce qui amène certains, faisant fi de la cohérence grammaticale, à accepter
Si s’ensuivre s’impose du point de vue de l’étymologie, son homophone s’en suivre a donc quelques arguments à faire valoir. Dont le moindre n’est pas qu’il est employé par des auteurs comme Aymé, Balzac, Flaubert, Rolland, Sand, Zola et bien d’autres cités par le Bon usage (16e édition, 2016, § 681 a 2). Même le Petit Robert (2018) l’avalise, en glosant « il s’ est ensuiv i que » (marqué « vieux ») par « il s’en est suivi que ». L’usage a ses raisons que la raison ne connaît pas toujours…
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S'identifier Créer un compteQuelques règles de bonne conduite avant de réagir2 Commentaires
Excellent, comme toujours, sauf l'horrible faute dans le nom de l'auteur… Espérons qu'il ne s'ensuivra pas une colère au (fran)card de tour ;-)
Je me demande, en effet, qui est ce Michel Francart avec lequel on me confond régulièrement... Serions-nous les Dupond/Dupont vespéraux ? ;-)